Et puis l’on s’est aperçu que l’anonymat n’existe pas, que les gouvernements se mettaient de plus en plus à surveiller le Net, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout.

Le Projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, dont la discussion
au Sénat débute ce 13 septembre 2006, propose quant à lui d’autoriser les
policiers à « participer sous un nom d’emprunt aux échanges électroniques ».

Objectif de ces « infiltrations » : « rassembler les preuves et rechercher les
auteurs » des infractions décrites dans les articles 227-18 à 227-24 du code
pénal, et que l’on peut résumer comme suit :

. corruption de mineurs
. enregistrement ou diffusion d’images pornographiques de mineurs
. provocation de mineurs à l’usage ou au trafic de stupéfiants, à la
consommation habituelle et excessive d’alcool . provocation de mineurs à
commettre un crime ou un délit.

Faut-il tout dire aux enfants ?

Comme le note Benoît Tabaka, cette idée émane en fait d’une recommandation du
Forum des Droits de l’Internet et visait initialement à combattre la
pédo-pornographie et la pédophilie sur l’internet.

la police est présente sur l’internetLe cas s’était déjà produit avec le
fichage génétique : créé pour lutter contre les pédophiles récidivistes, il a
été étendu à pas moins de 137 délits, et permet aujourd’hui de ficher (jusque
pendant 40 ans) non seulement ceux qui -mineurs ou non- sont reconnus
coupables, mais aussi les simples suspects, ainsi que ceux qui sont relaxés en
procès…

L' »infiltration » de policiers, qui avait initialement été autorisée pour
combattre la criminalité organisée -casseurs compris-, place aujourd’hui côte
à côte, et en matière de communications électroniques, pédophiles, fumeurs de
joints et toute personne suspecte de tout type crime et délit dès lors qu’ils
impliquent un mineur… y compris les actes de désobéissance civile, les
échanges -de techniques de contournement- de fichiers « protégés », ou le fait
de parler du chanvre ?

Je sais que Sarkozy ne « traite » pas les policiers comme des chiens, mais nous
(internautes, netizens) si, un peu, quand même, car grâce à lui, si le projet
passe en l’état, personne ne saura s’il « traite » sur l’internet avec un
poulet, ou pas.

Les enfants seront fichés par leurs maires… et leurs pairs

La Ligue des Droits de l’Homme note pour sa part que c' »est la 6ème loi
sécuritaire proposée depuis 2002 modifiant en profondeur notre système
législatif » et qu' »il est fort difficile de percevoir l’aspect « prévention »
qui figure dans l’intitulé du projet gouvernemental tant les mesures nouvelles
sont répressives ».

En vrac et entre autres choses, le projet de loi :
La police est aussi présente dans la rue. organise le fichage des mineurs par
leurs maires, . autorise la comparution immédiate des mineurs,
. autorise les policiers à acheter des produits stupéfiants,
. durcit, pour la 4e fois en 4 ans, l’ordonnance de 1945 sur les mineurs,
. crée un fichier nominatif de patients hospitalisés d’office en psychiatrie,
. font « l’amalgame entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance » et
instrumentalise la psychiatrie en lui conférant un impératif sécuritaire, .
met à mal la notion de secret professionnel des travailleurs sanitaires,
éducatifs et sociaux, . oblige à l’apposition d’une signalétique sur tout
document potentiellement offensant, . prévoit que les décisions de fermeture
des portes seront désormais prises à la majorité simple mais qu’a contrario,
les décisions d’ouverture des portes seront prises à la majorité des deux
tiers (disposition fourre-tout « très symbolique d’une société où l’on
s’enferme hez soi », pour la LDH), . crée un « service volontaire citoyen de la
police nationale » qualifié de « milice » par la LDH et Gilles Sainati, magistrat
membre du Syndicat de la Magistrature.

En conclusion de son analyse du projet de loi, ce dernier écrit que

se mettent en place les structures d’un nouvel Etat qui, au regard de
celui qui existait il y a seulement 5 ans en France, peut être qualifié de
totalitaire en ce que :
– Il remplace l’accompagnement social par un contrôle tous azimuts des
personnes suspectées de déviance,
– Place au rang de l’élite de la nation une police d’ordre public qui
embrigade la jeunesse pour la former… à quoi ?
– Transforme la mission éducative en procédés de redressement, notion
moderne des camps de ce type
– instaure la peur comme mode de relations entre les citoyens au profit un
Etat décentralisé en féodalités liées entre elles… par la révérence à un
Leader. Ce projet sera très probablement amendé par d’honorables
parlementaires, qui pourront puiser dans les versions précédentes. Les débats
seront instructifs à suivre, juste avant la campagne présidentielle…. Le
Leader charismatique et choyé des médias pourra y exercer à hautes doses son
populisme de la peur. »