Pour alimenter le débat avec les natios et régionnalistes en tout genre !!

L’HORREUR LINGUISTIQUE

Promues avec force par les technocrates de Bruxelles, favorisées en sous-main par le gouvernement, financées par les conseils régionaux, soutenues par l’extrême-droite traditionnelle, devenues à la mode dans différents courants gauchistes, les « langues régionales » font partie du must de la pensée unique. Ceux qui se gaussaient il y a encore peu de notre accent se pâment maintenant d’aise en entendant trois mots de patois. [1]

Ce que la pensée unique veut faire croire, c’est que chaque région a une langue et que cette langue doit devenir officielle (et donc s’imposer à tous les habitants). L’argument essentiel pour justifier cette régression est purement émotionnel :  » je veux, disent les néo-patoisants, parler la langue de ma grandmère « . Voyons tout ça de plus près.
UNE REGION = UNE LANGUE ?
C’est quoi, une région ?

Au départ, tout semble simple : en Occitanie [2], il faut parler occitan, en Catalogne, catalan,… Premier « hic », c’est que les frontières régionales sont aussi fluctuantes dans le temps que les frontières nationales. Au cours de l’histoire, chaque région a mangé ou a été mangée par les voisines. L’ex-Yougoslavie nous offre un parfait exemple de cette situation : le Kosovo fait-il partie de la grande Serbie ou de la grande Albanie ? Et la Gascogne, fait-elle partie de l’Occitanie ou de la grande Euskadie ? L’origine étymologique de gascon étant vascon, c’est-à-dire basque, l’ETA pourrait revendiquer Auch mais aussi Bordeaux (où l’on parla gascon du XlIème au XVème siècle). Cela nous promet bien du plaisir !

Une seule langue ?

Même sur un lieu aussi circonscrit que la Place du Capitole, les choses ne sont pas si simples. Quelle est la langue historique de ce coin de Toulouse ? La réponse exacte est : plusieurs, et fort différentes. Dans la nuit des temps, une langue protohistorique type basque, ensuite, probablement, un parler celte. A coup sûr, avec l’arrivée des légions romaines, le latin. Puis le wisigoth (Toulouse fut capitale de leur royaume). Retour ensuite au latin de cuisine qui dériva progressivement en languedocien (sur la rive droite, en gascon [3] sur la gauche). Puis, arriva le français. Alors, c’est quoi, la bonne langue ?

Et en quoi l’italien, l’espagnol, le portugais… parlés par des dizaines de milliers d’immigrés seraient-ils exclus du jeu ? Et l’arabe ? C’est dans ces langues-là que se sont bâtis immeubles, que s’est creusé le tout-à-l’égout, installé le gaz et l’électricité… En ce début de troisième millénaire, il y a plus d’arabophones de naissance que d’occitano phones en Midi-Pyrénées ! Alors, pourquoi ces langues ne seraient-elles pas, elles aussi, officielles dans notre belle région ? En quoi seraient-elles moins régionalement correctes ? Au nom de la pureté ethno-linguistique ?

Cette histoire linguistique, brièvement brossée, est celle de toutes les régions : à l’origine d’une langue, il y a forcément une autre langue. Sans latin, pas de languedocien, sans sanskrit, pas de latin… En choisir une seule comme langue régionale, l’imposer à la place d’une autre, c’est obligatoirement faire un choix arbitraire. C’est aussi commettre une violence. En cela, comme dans le reste, les nouveaux régionalistes se comportent comme les nationalistes de toujours. Ce n’est pas parce que le français a été partiellement imposé par la force qu’ils ont le droit de nous faire subir une violence identique dans l’autre sens !
Mais, qu’es aco, l’occitan ?

Vous l’avez remarqué, dans la longue liste de ce qui a été historiquement parlé à Toulouse, il y a beaucoup de langues, mais point d’occitan. « La Toulousaine », l’hymne de la ville, ne chante que « nostro lengo gascouno, que tan nos ouno……  » Et pour cause l’occitan est une construction très tardive, faite par des intellectuels régionalistes, pour « homogénéiser », « normaliser » les différents patois du sud face à une situation inextricable. Car la vérité, c est que dans les années 1950, un éleveur de bestiau de Pouyastruc, qui aurait causé dans son patois (en gascon) au maquignon de St-Dalmas-deTende (qui lui n’entendait que le nisard) et au boucher d’Entraygues sur-Truyère (un bon auvergnat) aurait eu les mêmes diffcultés qu’un italien arlant à un français et à un portugais. Finalement, la seule chose sûre, c’est que l’occitan que l’on enseigne maintenant à l’école n’a amais été parlé par la grand’mère de personne !
QUELQUES CONSEQUENCES
Une langue différente à chaque pause-pipi

Imaginons que le grandiose projet d’imposer comme langue officielle un patois par région aboutisse. Et que vous deviez vous rendre de St Jacques de Compostelle à Perpignan. À chaque pause-pipi, il vous faudra changer de langue : galicien, asturien, espagnol, français (il restera bien quelques barbares ici et là), basque, gascon, catalan. Sept langues pour faire à peine 800 km ! « De poste en poste, on change de jurisprudence en changeant de chevaux » ironisait Voltaire. Deux siècles après, les postes de chevaux sont devenus des postes d’essence et ce n’est pas de jurisprudence que nous changerions, mais de langue. Joli progrès !

Si maintenant vous voulez discuter avec quelques personnes de chacune des régions traversées, vous passerez la majorité du temps en traductions (attention : traduttore, traditore !). Je doute en effet qu’il existe une seule personne au monde capable de traduire et de commenter dans ces sept langues, à un niveau professionnel, l’oeuvre de Lacan et celle de Proust. Ou même, pour ne pas être trop exigeant, de doubler convenablement « Blanche neige et les sept nains » (un par langue !)
Immigrés de l’intérieur

Continuons à faire fonctionner notre imagination. Si vous perdez votre emploi à Toulouse et en trouvez un à Strasbourg ou à Rennes, il vous faudra apprendre l’alsacien ou le breton ! En pratique, vous deviendrez un immigré. Ne pas maîtriser la langue officielle, c’est être en situation d’extrême infériorité, à la merci du patron, du propriétaire, du flic, de l’administration ; c’est se trouver dans la plus grande difficulté pour défendre ses droits élémentaires, pour organiser une lutte collective. Quand on est propulsé à l’âge mûr dans une nouvelle aire linguistique, on met cinq ans, dix ans, pour simplement se débrouiller. On reste à l’écart. Le ghetto linguistique, c’est le ghetto le plus efficace.

Imposer de novo dans une région une langue, c’est mettre en oeuvre la préférence nationale chère à Le Pen. Seules les personnes de souche ont une chance de maîtriser rapidement cette langue. Ainsi se constitue une « élite » à partir de la naissance. C’est ce qui se passe en Catalogne : les enfants de parents andalous ou castillans, venus travailler à Barcelone, ne parlent pas catalan à la maison.Toute la scolarité étant en catalan, ils sont en échec dès le début [4].

Si on venait à parler 10 ou 20 langues sur l’hexagone, peu ou prou, nous serions tous, un jour ou l’autre, dans cette situation tragique d’immigrés de l’intérieur.
Tous bi, tri, multi-lingues ?

Pour palier à l’inconvénient évoqué ci-dessus, certains avancent l’idée du bilinguisme. Ce n’est pas non plus si simple. D’abord, il faudrait se mettre d’accord sur la 2ème langue, celle qui deviendrait commune. Pourquoi le français, et pas l’allemand ou l’espagnol ? Les combinaisons possibles sont multiples, et le 2è-e choix tout aussi arbitraire que le premier.

Cette question résolue, il en reste une autre : la capacité de tout un chacun de maîtriser deux langues. Car parler, ce n’est pas simplement pouvoir dire « Combien coûte ce hamburguer ? », c’est pouvoir lire un livre, tenir une conversation de politique, d’économie, de philosophie … peu de personnes en sont capables ! Le ressortissant suisse qui « parle » plusieurs langues se rabat toujours sur la même dès qu’il lui faut discuter à fond un sujet important. C’est que, s’il existe des personnes capables de maîtriser plusieurs langues, cela est loin d’être le cas général. Dans la population tout venant, beaucoup ne dominent pas déjà leur seule langue (en particulier sous sa forme écrite) : bien des français sont incapables de lire Mallarmé ou Rousseau dans le texte [5].
L’anglais pour les riches, le patois pour les pauvres

Le scénario le plus probable en cas de retour des langues régionales, le voici : on imposera ces dernières au petit peuple (par la force de l’école, de la radio-télé, des politiques d’emploi public … ). Les « élites » politico-économiques parleront patois avec leur femme de chambre et anglais entre elles. On peut prévoir une nette aggravation de ce qui se passe déjà : les familles très aisées envoient leurs enfants finir leurs études aux States. Les grandes écoles parisiennes exigent un niveau supérieur d’anglais à l’entrée. La babélisation régionaliste ne fera qu’amplifier le mouvement, plus aucune langue ne pouvant faire contre-poids à l’anglais.
Lo cabal (le cheval) de Troie

« Tout acte de parole est un acte d’identité » disent les linguistes. Les liens qui unissent un individu à sa (ou à ses) langue(s), mériteraient un article spécifique. Il est clair que l’on peut être attaché à une langue (par exemple sa langue maternelle) sans que cela tourne à la position politique. Par exemple, et en particulier à Toulouse, on trouve beaucoup d’enfants d’éxilés de 1939, dont la langue maternelle est l’espagnol, ce qui n’en fait pas pour autant d’ardents nationalistes, défenseurs de la politique de Madrid. Et un libertaire peut donc tout à fait parler gascon, turc ou bambara pour le plaisir de … parler et d’échanger dans ses langues.

Mais, le plaisir que l’on a éprouvé à entendre sa langue, l’émotion même que l’on ressent parfois (quelqu’un me disait qu’il avait la « chair de poule » de plaisir chaque fois qu’il entendait parler basque) est facilement exploitable. Jouer sur l’émotionnel est une des manipulations qu’utilisent tous les pouvoirs. L’émotion, c’est bien connu, tue la raison. Les liens par lesquels tous les pouvoirs veulent unir chaque individu à la communauté nationale passent généralement par la langue. Au cours de la longue histoire de l’humanité, les langues ont été utilisées le plus souvent pour faire naître des sentiments patrioticards. Les nationalistes, qu’ils soient français, américains ou dauphinois, le savent : la langue leur a toujours servi de cheval de Troie pour imposer l’idée de nation … même s’ils ne la parlent pas eux memes au delà de quelques mots, ce qui semble être le cas en Corse).

Et c’est bien de ça qu’il s’agit. Car derrière le discours linguistique, le discours nationaliste fait plus que pointer, il s’affiche ! Voici ce qu’écrit un mensuel d’extrême gauche, « REFLEX », le journal des SCALP : « Les bretons sont citoyens du monde eux aussi,… mais ils sont avant tout bretons, que cela plaise ou non ». Remplacez seulement dans ce beau discours « breton » par « français », et vous avez du Le Pen « … français avant tout, que cela plaise ou non ».

Amener les gens à se définir avant tout par rapport à un cadre géolinguistique, de préférence mythique, c’est la base du nationalisme.

Un exploiteur basque ou occitan est avant tout un exploiteur. Un exploité normand ou catalan est d’abord un exploité. Prétendre qu’ils ont un intérêt commun « en tant que basques, en tant que français, que ceci ou celà  » avec un petit couplet sur les « racines », « l’identité » (synonymes modernistes du mot « race »), c’est, avec la religion, la ficelle la plus ancienne du capitalisme pour faire accepter l’exploitation. Que cela se fasse sur un air de biniou, de pipeau ou sur celui de « La Marseillaise » n’y change rien.

X.F

http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=52

[1] Il est maintenant politiquement très incorrect de prononcer le mot « patois ». Le patois est simplement une langue qui s’est régionalisée. Une langue nationale n’est jamais qu’un patois qui a réussi.

[2] Si tant est que l’Occitanie existe… ce qui pourrait faire l’objet d’un long débat.

[3] Pour être exact, il faudrait parler des gascons (béarnais, landais, bigourdan, girondin, armagnacais, commingeois) et des languedociens.

[4] Cette situation existe déjà en France pour les enfants issus de l’immigration la plus récente. Leur rajouter, par dessus, une couche d’occitan, de breton ou de corse, c’est les enfoncer encore plus et pour plus longtemps.

[5] Plusieurs linguistes affirment que la seule langue que la majorité des gens puissent maîtriser en plus de leur langue maternelle, c’est l’Espéranto. La CNT-AIT s’est prononcée en faveur de l’Espéranto.