BURE : prison avec sursis pour quatre militants antinucléaires
Le 31 juillet 2006

Objet : comparution de 4 personnes suite aux incidents survenus le 27 juillet au laboratoire de Bure (Meuse) [1]

L’ensemble des collectifs et mouvements organisateurs ou participants au festival qui s’est tenu à Bure les jours derniers tient à vous apporter sa contribution écrite et souhaite que celle-ci soit versée au dossier avant l’audience.

Les organisations soussignées estiment que :

1°) Il convient de resituer les actes commis dans le contexte politique actuel. La décision de poursuivre les travaux de Bure en vue de l’enfouissement des déchets radioactifs vient d’être prise par le Parlement, contre l’opinion majoritaire de la population française.
Constatant la césure flagrante entre leur opinion et celle de leur représentation parlementaire, des dizaines de milliers de citoyens demandent à être consultés directement sur l’opportunité des travaux menés à Bure. Cette requête légitime est systématiquement rejetée par les autorités, avec une désinvolture très proche du mépris.

Certes, il n’appartient pas à la justice d’émettre une opinion sur le dossier de l’enfouissement des déchets. Cependant, nous pensons que celle-ci, notre justice, est à même de comprendre quelle exaspération peut être celle de militants engagés lorsqu’ils se trouvent devant le symbole vivant et érigé de ce qu’ils considèrent, eux, à l’instar de la grande majorité de la population, comme un formidable déni de démocratie et un exemple caricatural des dérives antidémocratiques auxquelles il arrive malheureusement à nos institutions de se livrer.

Rappelons par exemple que nous sommes en face du premier cas de l’histoire de nos institutions où, très officiellement, de l’argent a été et est toujours distribué aux collectivités locales et aux particuliers avant même que :
le moindre déchet ne soit présent
l’enfouissement ne soit décidé
le laboratoire ne soit construit
la décision officielle de construire le laboratoire n’ait été prise (avant les débats et l’enquête publique)

2°) Nos organisations n’appellent pas, et n’appelleront jamais à la violence, de quelque ordre qu’elle soit, pour lutter contre l’agression caractérisée que représente le laboratoire de Bure.

Sans les excuser, nous comprenons cependant que certaines personnes, notamment au sein de la jeunesse, puissent, gagnées par l’exaspération, se livrer à des actes réputés répréhensibles lorsqu’en face d’elles est affichée toute la puissance policière d’une volonté politique unilatéralement acquise aux intérêts de la cause nucléaire.

3°) Les personnes interpellées dans le cadre de l’action menée, même si elles n’appartiennent pas à nos organisations, nous sont connues et ne sont pas des délinquants mais des militants dont la générosité et le dévouement nous ont été maintes fois prouvés.

Sanctionner durement cette dérive, si dérive avérée et prouvée il y a, serait sévère et décourageant pour une jeunesse qui ne souhaite qu’apporter, aujourd’hui et demain, à la démocratie la force de ses convictions, dans des cadres qui ne seront pas toujours forcément celui de l’action militante.

Enfin, même si les textes le justifient, les sanctionner durement pourrait représenter, pour une grande partie de la jeunesse antinucléaire et militante, un nouvel affront après l’ensemble des déceptions éprouvées tout au long de l’évolution de ce dossier. Rien de bon ne peut résulter de l’accumulation de camouflets infligés à notre jeunesse engagée.

C’est pourquoi l’ensemble des organisations signataires vous demande, Monsieur le Substitut, de bien vouloir introduire la plus grande clémence au sein de votre réquisitoire.

Nous souhaitons bien entendu la mise en liberté immédiate des jeunes gens interpellés et leur retour en leur foyer. Rien ne serait pire que de les traiter comme de simples bandits.

Les signataires

les collectifs BURE-STOP : CDR 55 – CEDRA 52 – CACENDR 54 – BZL (Bure Zone Libre)
le groupe “Stop Bure Gruppe Trier” (Treve / Allemagne)
Meuse nature Environnement
l’AEMHM : Association des Elus Meusiens et Haut-Marnais opposés à l’enfouissement
la Coordination nationale des collectifs contre l’enfouissement

Copie à Monsieur le Préfet

Résultat des courses :(d’après un ami présent à Bure lors du procès 2H30 de débats cet après midi avant un long délibéré, pour un très curieux verdict. Pas de prison ferme, dont l’annonce aurait pu révolter des dizaines de jeunes présents à l’extérieur et à l’intérieur du tribunal, mais des condamnations néanmoins très lourdes. Ainsi, le jeune qui a écopé de 6 mois avec sursis n’a été reconnu coupable que de la mise à feu de paille au pied de la grille Andra… quant aux blessures des 6 représentants de la maréchaussée, elles vont de l’hématome de 5 cm de diamètre à la coupure superficielle ; ils recevront chacun 500 euros de préjudice. Le vigile, embauché la matin même, souffre d’une entorse et réclame… 15 000 euros (procès remis au 13 nov). Dame Andra, dont l’avocat a souligné des “dégradations inqualifiables” et “un préjudice extrêmement important” pour un organisme qui a “mission de service public” (sic), elle réclame 10 000 euros pour peinture brûlée sur un bout de grille et quelques lampadaires court-circuités (+ 800 euros pour ?).

Libérés aussitôt (mise à part Blanche qui a été ramenée à Metz où elle était jusque là incarcérée), les jeunes ont remercié chaleureusement toutes celles et ceux qui les ont soutenus et se sont mobilisés, tous leurs amis ainsi que les collectifs locaux, largement présents, notamment auprès des parents juste avant l’ouverture du procès et à l’issue. Appel devrait être lancé d’ici peu par le comité de soutien pour solidarité financière (frais d’avocat, préjudices…)

Enfin, à noter quelques superbes traits de la plaidoirie des 2 avocats dont l’un pourrait se synthétiser ainsi : les faits qui sont reprochés à ces jeunes ne remontent pas à la veille du Festival. Ils remontent à 1942 (…) quand fut décidé le lancement du nucléaire, sans qui il n’y aurait pas de déchets, pas de site de Bure, pas ce procès.

[1] Copie du fax adressé le 1/08/2006 à Monsieur le Substitut du le Procureur de la République