L’urne, symbole de la démocratie, a des soucis à se faire. Elle, qui a été conçue pour permettre aux citoyens de choisir leurs dirigeants, est en train de mettre la pagaille. Car elle ne désigne plus le vainqueur d’une élection, comme on pourrait l’espérer d’une bonne urne bien démocratique, non, elle équilibre. Les scores sont tellement proches, qu’elle ne permet plus de départager les candidats. A quelques voix près, il y a deux vainqueurs. Ambiance !

Le phénomène arrive tout droit d’Amérique. Et, comme tout ce qui vient d’Amérique finit par atterrir chez nous, nous allons prochainement y être confrontés. D’abord les Etats-Unis. Personne n’a oublié cette élection, où le comique le disputait au ridicule, lorsqu’il fut impossible de savoir qui, du président actuel ou de son challenger, était victorieux. On recompta les bulletins, puis on s’aperçut que c’était impossible, et, au final, le président actuel fut déclaré vainqueur… bien qu’ayant obtenu moins de voix que son adversaire. Magie de la démocratie états-unienne.

Ensuite, au Mexique. Même scénario : match nul. Mais là, le vaincu tempête, parle de tricherie, de magouilles et essaie de prendre par la rue ce que les urnes lui refuse.

Pourtant, ce phénomène était prévisible. A chercher par tous les moyens à drainer un maximum de voix, les candidats finissent par présenter des propositions ou des programmes tellement consensuels qu’ils en deviennent semblables. Si l’on rajoute à cela un électorat de moins en moins nombreux, les élections se joueront de plus en plus dans un mouchoir de poche. Pour couronner le tout, il est actuellement matériellement impossible, dans une élection de dimension nationale, de connaître le nombre exact de bulletins de vote valides, à 0,1 % près. Pour une élection présidentielle en France, cette marge d’erreur représente tout de même entre 25 et 30 000 voix.

Certains pourront s’en satisfaire, tant il est vrai qu’en démocratie, le vote n’a pas pour but de donner le pouvoir au peuple, mais de permettre à la caste politique de le garder. Si certains s’en satisfont, les clérocrates non !

Car les conséquences de ce phénomène sont, elles aussi, prévisibles. Moins vous avez d’électeurs et plus le score s’annonce serré, plus vous avez de risque « d’achat de voix ». Impossible ?
Allons ! le jeu en vaut largement la chandelle. Quelques exemples ? Aux dernière élections municipales à Chicago, la voix se monnayait 50 USD. Des cars faisaient la tournée des cités pauvres pour emmener les citoyens voter. En Turquie, ce n’est pas de l’argent qui était offert, mais des postes radio, des téléviseurs et des téléphones portables. Pareil pour le Koweït.

Et pour la France ? Chacun se fera une idée ou a une idée de la manière dont se monnaieront/se monnaient les voix.

Autre conséquence encore plus grave. L’élection, gagnée sur un fil, ne fera que des mécontents. L’urne, qui a été créée pour empêcher le citoyen de descendre dans la rue, produira l’effet inverse. Voyez le Mexique ! Elle sera perçue comme une injustice et entachée de soupçons de fraude. Et le vainqueur, car il en faudra bien un, perdra la légitimité qu’est sensée lui apporter le suffrage populaire. Car comment être légitime dans de telles conditions ? Et comment gouverner sans légitimité ?

Alors bien sûr, on peut attendre pour voir. On peut espérer qu’il n’y aura jamais d’urnes chancelantes. Pas chez nous ! On peut, tout aussi efficacement, croiser les doigts…

Mais on peut aussi utilement s’interroger sur la validité d’un système qui montre, élection après élection, ses failles et ses faiblesses, et dans lequel le grand perdant est toujours le peuple. Comme d’habitude !

François Amanrich (Porte-parole du Mouvement Clérocratique)