Selon le major général à la retraite Ashok K. Metha, journaliste militaire et conseiller au ministère de la Défense indien, les maopati possédaient, en décembre 2004, 2 895 armes individuelles ; la moitié de ces dernières étant de vieux fusils Enfield 303 et des mitraillettes Sten, volées dans les arsenaux de la police.

Les maoïstes ne s’opposent pas au projet, mais demandent, parallèlement, le démantèlement de l’ex-Royal Nepal Army. Ultime lien du royaume avec l’ex-empire britannique…

Cette armée dispose de fusils d’assaut en très grande quantité, d’artillerie, d’hélicoptères de combat, de blindés, vendus ou fournis gracieusement par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union indienne.

Cette bande armée, bâtie sur des critères raciaux, ethniques et religieux*, baptisée à la hâte « armée népalaise », est responsable de la mort de près de 10 000 « sujets », d’un million de réfugiés et de milliers de disparus.

*L’apartheid social, marqué du sceau du Raj britannique, est la source profonde de la guerre civile au pays Gurkha.

Les livraisons d’armes sans contrôle de l’ONU continuent d’affluer aux mains de ces criminels en uniforme chamarré, nostalgiques d’un royaume martial et de Victoria Cross gagné outre-mer.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Inde se taisent sur le sujet.

La revendication commune des maoïstes et des partis politiques à Katmandou est la réduction des effectifs Gurkhas.

Cette revendication a l’appui d’une partie du gouvernement indien et de la majorité de l’opinion népalaise.

Au-delà du partage des terres et la nationalisation des ressources naturelles, le contrôle de la violence d’Etat reste l’enjeu principal du débat politique au Népal.

Pour illustrer le propos, je republie la première partie de mon article, re-actualise, « Népal : Mercenaires en péril », paru sur Indy media, l’an dernier, qui souligne le soutien discret de l’ONU à la privatisation de la violence et aux compagnies de mercenaires, servant les intérêts de multinationales.

Le Gurkha étant le prototype retenu, dans les années 90, du soldat universel.

HIMALOVE

NÉPAL : MERCENAIRES EN PÉRIL, 1e partie

La réduction du pays à une image martiale, les Gurkhas, interdit, pour l’heure, toute espérance de démocratie ; et force les Népalais, de plus en plus jeunes, à recourir aux métiers des armes.

Le Népal, vieux de 230 ans, est le seul royaume au Monde qui vend et loue ses enfants des collines, par régiments, aux armées impérialistes.

Ces régiments Gurkhas se battent et meurent sous commandement anglo-américain, en Irak ; et sous mandat Onusien, en Afghanistan.

Âge des recrues : à peine 17 ans.

Cet engagement des Gurkhas se double d’un recrutement massif de travailleurs, de même origine, qui alimente en esclaves, bon marché, les bases américaines et anglaises*. *Au Qatar, un travailleur népalais, sur un champ pétrolifère, gagne 150 euros par mois…

Un article paru dans « The Kathmandu Post », au début de la guerre du Golfe, en 2003, donnait l’ampleur du trafic : « le gouvernement royal est en rupture de stock de passeports… »

Conséquence : en 2004, 12 travailleurs Népalais sont assassinés par la résistance irakienne.

« On n`a pas demandé de rançon ; on les a abattus comme des chiens ! », hurlaient les Népalais en colère, brûlant les mosquées à Katmandou ; et saccageant les agences Manpower, à HongKong.

Le mépris dans lequel les forces d’occupations tiennent « le petit personnel », à Bagdad, a contaminé les nationalistes arabes.

Ces travailleurs migrants, employés dans des zones de conflits communautaristes, font les frais de la guerre…

Récemment, encore, en juin 2006, douze travailleurs népalais ont été abattus, de sang froid, par de pseudo militants, dans les collines du Jammu et Cachemire.

Peu de commentateurs soulignent que les revendications majeures des maoïstes népalais sont la fermeture définitive des centres de recrutement, aussi bien civil que militaire ; et le rapatriement des coolies et soldats.

Depuis 1815, traité de Sugauli, signé entre le Kasi Amar Singh Thapa et la compagnie Est des Indes, les « tigres parfumés de l’empire » livrent aux entreprises capitalistes et armées impériales la fleur de la nation.

Les plantations de thé, à Darjeeling, les jardins de cardamome, au Sikkim, les vergers bhoutanais et les routes himalayennes doivent leurs existences à des générations de trimeurs gorkhas.

Ces forçats de la faim ont construit, sans doute, plus de routes, dispensaires, écoles, usines, barrages à l’étranger que dans leur propre pays.

Le sous-développement actuel du Népal procède d’un calcul délibéré des féodaux et impérialistes pour maintenir, dans le dénuement, un vivier d’esclaves !

La colonisation des Indes, au travers « la John’s company » et leurs mercenaires, semble le modèle de ce qu’on appelle, aujourd’hui, la Globalisation…

Bien que fermé aux étrangers jusqu’aux années 1950, le royaume « sagement » a participé à toutes les guerres mondiales et expéditions coloniales.

Au début du XXe siècle, les Gurkhas étaient utilisés, en Chine, pour mater la révolte des Boxers ; puis ils accompagnaient le colonel britannique Youghusband dans son expédition punitive sur Lhassa, au Tibet ; le XIIIe dalaï-lama, alors protégé par les chinois, chevauchait vers la Mongolie…

Lors de la Grande Guerre, 200 000 enfants des collines (Gurung, Magar, Raï, Tamang, Kunwar, Limbu) étaient livrés, armés et fanatisés, aux maréchaux d’Albion.

Pendant la Seconde guerre mondiale, 160 000 Gurkhas, prêtés par Sir Mohan Jung Shumsher Bahadur Rana, se battent du côté des Alliés.

Les teutons et les japs se souviennent de la férocité des Gurkhas et de leur cri de guerre qui glaçait d’effroi : « Ayo Gorkhali ! »

Le pays où est né le Bouddha Gautama a cultivé, tout le long de son histoire, des rizières sanglantes et un militarisme inouï.

Dans les années 1930, les nationalistes indiens du Hindu Mahasabha, futur assassin du mahatma Gandhi, en 1948, vantaient les mérites du royaume martial (Ksatriya King dom)…

Mais à l’encontre de la Prusse, de l`Allemagne nazie, du Japon impérial ou de l’Italie des chemises brunes, ce modèle de Shangri-la fasciste n’a jamais été brisé voire mis en question.

Et pour cause…

Un historien, ex-officier indien, Chandra B. Kandhuri écrit en 1996 : « Many observers in UK feel that the Gurkhas would serve as ideal soldiers in a future Permanent UN Peace Keeping Force ! »

(A re-discovered history of Gorkhas ; preface, p.xx ; note 16 ; edition Gyan Sagar Publication, 1997)

L’écrivain note que les Gurkhas sont les seuls soldats « anglais » à avoir gagné une Victoria Cross pendant la Guerre froide.

Si l’on fait l’inventaire des opérations « casques bleus », depuis 3 ou 4 décades (Congo, Namibie, Rhodésie, Chypre, Liban, Cambodge, Yougoslavie, Afghanistan), on observe que le Népal et leurs légendaires Gurkhas sont surreprésentés.

C’est dans cette perspective qu’il faut entendre l’aide – désespérée – des Américains, anglais, indiens et même de Kofi Anam au régime monarchique.

Encore, aujourd’hui, après le Jana Andolan d’avril 2006, Sir Michael Arthur, the British Hight Commissioner à Delhi, déclare dans une interview au magazine « Hardnews », numéro 7, p. 55, de juin 2006 :

« We want Nepal to keep a ceremonial monarchy ».

www.hardnewsmedia.com

Ce qui permettrait de conserver les Gurkhas.

Les traités entre le Royaume-Uni et le Népal, puis ceux avec l’Inde (tripartite agreement 1947, traité d’amitié 1950), signés par les Raja, permettent de contourner la charte de l’Onu condamnant l’usage de mercenaires.

Les militaires indiens définissent les Gurkhas comme
« un pont d’amitié entre l’Inde et le Népal ».

Il y a 40 000 Gurkhas dans l`armée indienne + 8 000 mercenaires tibétains, recrutés parmi les réfugiés, dans les Special Forces Frontiers.

À propos de ces derniers, le prince de la non-violence, le dalaï-lama, lui-même, vient les bénir, chaque année, à Chakrata, en Uttaranchal Pradesh.

La Chine demande obstinément leur démantèlement…

La guerre civile, au Népal, de 1996 à 2006, a été le champ d’affrontement « discret », entre plusieurs grandes puissances.

Amnesty International accuse nommément, en 2005, 3 puissances, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Inde, de faciliter, par leurs livraisons d’armes et entraînements militaires, les exactions contre les populations civiles.

Mr Purna Sen, directeur de l’antenne Asie-Pacifique, de A.I., corrobore les informations données par votre correspondant Himalove, dans ses précédents articles.

Dès le 1er Juin 2001, l’Union indienne a exporté 25 000 fusils d’assaut, de calibre 5.56, et des hélicoptères de combat (Lancer), utilisés lors des massacres de villageois dans la vallée de Rukum, à l’Ouest du Népal.

Les Etats-Unis ont livré 20 000 M16 et 29 millions de dollars en équipement divers à la Royal Nepal Army.

La Grande-Bretagne a fourni 6 780 fusils, la Belgique, un certain nombre de mitraillettes – et ce en parfaite contravention avec le code de conduite européen (loi de 1998) relatif aux exportations d’armes vers les dictatures.

Les concepts abusifs de sécurité globale et de lutte antiterroriste ont éclipsé, dans les Himalayas et ailleurs, le Droit international et la prétendue Sagesse des nations.

Personne ne dénonce, au début des années 2000, la
« privatisation de la guerre » et la multiplication de « bureaux des assassinats » (genre BlackWater, DynCorps, Global Risk) qui sous-traitent, en Irak et ailleurs, certaines opérations de l’US Army.

La plupart des attentats terroristes, sous faux drapeau, portent leurs griffes secrètes…

Les guerres privées que livre Gyanendra et son armée à leur propre concitoyen appartiennent à ce type d’opération.

L’Inde de Sonia Gandhi, qui mendie auprès des Nations unies, un strapontin au Conseil de sécurité, approuve ou tolère le projet de guerre totale contre les maopati.

Une himalayenne bévue politique* dont on mesure mal, en 2005, à New Delhi, les implications…

(*En 2006, le gouvernement indien changera absolument d’orientation ; l’alignement sur les positions américaines et la collaboration étroite avec l’Etat-major américain, d’un point de vue sécuritaire, a été un désastre ; la CIA a complètement pénétré le système de défense indien…)

Les Américains, dans leurs entreprises de déstabilisation, ont été, parfois involontairement aidés, par les ministres de l’Intérieur et de la Défense indienne, qui se sont accoutumés, depuis la Partition, à faire la guerre à leurs propres populations.

Voire la récente épopée de la Salwa Judum au Chattisgarh.
Lire mon article sur paris.indymedia: Guerre civile au Chattisgarh

Des régions entières – Manipur, Assam, Nagaland, Jammu et Cachemire – sont régies par la loi martiale.

Le modèle de gouvernance, cher aux crapules en uniforme, est l’Etat d’urgence, imposé par Indira Gandhi, en 1975 (pendant 19 mois) dont on célèbre, en 2005, le 30e anniversaire.

C’est sur ce canevas qu’a été cousu le coup d’Etat militaire du 1er février 2005, enduré pendant 14 mois par les Népalais.

Les conflits de basse intensité justifient un Etat policier et une armée pléthorique, facile ensuite à subvertir par une puissance hégémonique.

La veuve de Rajiv Gandhi déclarait, en 2005, à Moscou, près de son ami Poutine, un ex-petit officier du KGB, monté en grade : « Le Désarmement est un mirage (1) ».

Les liens entre les marchands d’armes et les Etats-majors, eu égard à l’importance des marchés, sont de plus en plus étroits…

Plus inquiétant, le Babudom (nom familier donné à l’Etat indien) a laissé, depuis la seconde guerre du Golfe, des agences privées recruter sur son propre sol des centaines d’ex-officiers à la retraite comme « contractor » pour le Moyen-Orient.

Discrètement, les Americains ont contourné le véto du gouvernement indien quant à l`envoi de troupes en Irak et Afghanistan (2).

Les Anglais et Americains cherchent, en 2005, à contrecarrer, par une collaboration étroite avec l’Etat-major indien, une possible alliance stratégique (3) entre la Chine et l’Union indienne.

Un Népal destitué, aux mains de mercenaires, est au coeur de ce dispositif.

La Chine de Hu Jin Tao, qui a condamné à mort, en 2004, et exécuté 2 révolutionnaires népalais à Xigatse (Tibet), doit se souvenir que le royaume du Mustang, frontalier du Tibet, fut utilisé longtemps par la CIA pour lancer des opérations contre l’armée chinoise.

Même si Gyanendra place une grosse partie de sa fortune, volée au peuple népalais, dans les banques d’HongKong, il n’est pas pour autant un ami du peuple chinois, encore moins celui du parti communiste…

Son dernier coup d’éclat eut lieu symboliquement le 1er février 2005, jour anniversaire d’une résolution votée, en 1951, par l’ONU condamnant la Chine rouge comme agresseur lors de la guerre de Corée.

——————————————————–

1.En 2006, les formidables achats d’armes, les sous-marins Scorpène, par exemple, à la France, se révèlent une véritable catastrophe : les transactions ont permis d’enrichir des officiers corrompus, qui ont reçu des enveloppes de la société Thalès, et ont nourri tout un réseau d’espions au coeur même de l’Etat-major de la marine…

2.En 2006, à la suite d’assassinats d’ingénieurs indiens, en Afghanistan, le gouvernement indien dépêche des forces paramilitaires, Indo Tibetan Polices Forces, le long des routes construites par le génie, à Kandahar.

3.L’alliance stratégique entre le dragon et l’éléphant aura lieu en 2006 ; année nommée « amitié entre la Chine et l’Inde ». La chute de la monarchie Shah dev et l’entrée des maopati, à Katmandou, se fait à l’ombre de cet accord.