Communiqué – 14 avril 2006

Aujourd’hui, 150 personnes, venant d’Italie, France, Belgique, Finlande, Allemagne et Pays-Bas, ont manifesté dans les rues de Bruxelles à l’appel du réseau européen EuroMayDay*. L’action visait à rendre visible ce réseau des précaires en lutte qui appelle à une journée d’action le 1er mai dans toutes les villes où il est représenté.

Nous nous sommes réapproprié la rue, premier lieu d’expression politique, car cet espace nous est de plus en plus souvent refusé au profit des institutions et multinationales qui veulent segmenter et contrôler nos vies. Nous avons interpellé et dénoncé les principaux lobbyistes européens (ERT, UNICE) qui maîtisent les politiques économique, sociale et culturelle et imposent leurs intérêts sans aucune considération pour nos existences et nos désirs. Nous avons fait entendre un autre discours sur la précarité : ni victimisant, ni culpabilisateur, un discours tenu par des précaires qui se battent, un discours sur nos situations, un discours qui appelle à la défense et à la conquête de nouveaux droits collectifs pour tous.

Qui sommes-nous ?

Précaires d’Europe, travailleur-ses flexibles et temporaires, lycéen-nes, licencié-es ou employé-es rompu-es au temps partiel, artistes sans statut, salarié-es à l’emploi discontinu, chômeur-ses volontaires ou non, étudiant-es ou chercheur-ses, rmistes, indépendant-es, pigistes, allocataires ou allocatrices, migrant-es, malades, handicapé-es, intermittent-es, free lance courant après les contrats, intérimaires, stagiaires, sans-papier-es, travailleur/euses du sexe, parfois tout cela en même temps.

Nous sommes des précaires en lutte. Individus ou groupes, associations déposées ou collectifs informels, nous créons des réseaux au sein de nos villes, de nos régions, de nos pays pour nous soutenir mutuellement, échanger sur nos pratiques et nos revendications, être plus fort-e-s en étant plus nombreux/ses. L’EuroMayDay* est ce réseau des réseaux qui organisent le 1er mai dans une vingtaine de villes d’Europe, qui organisent des parades et des actions pour rendre visibles les luttes des précaires, leurs revendications et leurs rêves.

Se loger, penser à sa santé, se déplacer librement, apprendre, bien manger, s’informer, se divertir, voyager, fonder les familles que nous voulons et nous occuper de nos proches, participer à la vie collective des lieux que nous habitons, produire et accéder à une information et une culture diversifiées, jouer, échanger librement des savoirs, se reposer, penser, fabriquer, imaginer, vivre : tout cela nous paraît évident. Pourtant, ces droits sont inexistants pour beaucoup, remis en cause ou conditionnés au comportement des individus, concédés comme s’il s’agissait d’aumônes ou de privilèges. Nous refusons cet état de fait, c’est pourquoi nous luttons, nous conspirons, nous inventons, parce que nous ne voulons pas mendier, nous voulons prendre, nous voulons avoir et être.

Le déroulement de la parade.

Nous aurions pu manifester devant la Commission. Mais qui peut encore croire que les gens qui la composent ont la moindre initiative ? Nous savons bien que leurs décisions est largement influencée par les lobbys de chefs d’entreprise, responsables industriels, financiers, etc. Or, quelle connaissance ont ces personnes de nos vies ? Aucune. Pour eux, nous sommes des quantités négligeables, des variables ajustables, quand nous ne sommes pas de dangereux fraudeurs, paresseux, qui ont mérité leur sort.

C’est la raison pour laquelle nous avons interpellé deux lobbys parmi les plus influents : l’ERT et l’UNICE. Pour qu’ils assument la violence qu’ils nous font subir ; qu’ils réalisent l’opposition croissante qu’ils vont rencontrer ; qu’ils considèrent, enfin, la singularité de nos situations et de nos vies.

A 12 h 40, la parade composée de lapins, de poussins, de pom-pom girls et d’un groupe de samba, entrait dans la cour de l’ERT et y manifestait joyeusement une demi-heure. C’est encadrés par les forces de l’ordre que les manifestant-e-s se sont ensuite rendu-e-s devant le siège de l’UNICE, dans le quartier européen.

Puis les manifestant-e-s sont parti-e-s vers le parvis de Saint Gilles. La commune y avait interdit depuis le 6 avril le droit de manifester. Bien que ce droit ait été récemment rétabli, nous avons manifesté sans autorisation, pour rappeler que l’espace public appartient à toutes et tous, et que nul ne peut nous en priver. Quelle légitimité ont nos représentant-e-s politiques à nous interdire la prise de parole et la visibilité publique ? Aucune ! C’est pourquoi nous sommes allés devant la mairie de la commune pour faire entendre notre refus de nous voir limités, parqués, catalogués et fichés. Au cours de cette action, les déplacements en transports en commun, quand ils étaient nécessaires, se sont faits sans payer de titres. Nous avons soif de liberté, nous voulons connaître de nouveaux lieux, découvrir de nouveaux espaces et il n’est pas question, alors même que nous sommes précaires, que ce droit continue d’être conditionné à nos ressources financières.

Cette journée n’est qu’un prélude. La MayDay* continue le 1er mai prochain. Dans plus de vingt villes européennes auront lieu des parades, des moments de visibilité et de lutte pour les précaires d’Europe et d’ailleurs.

Photos: http://liege.indymedia.org/news/2006/04/6812.php et http://www.cemab.be/news/2006/04/1202.php

Appel our l’EuroMayDay Liège: http://liege.indymedia.org/news/2006/04/6730.php