ADRESSE AUX LYCEENS ET JEUNES CONCITOYENS

On vous disait apathiques et conformistes , et vous, vous êtes dressés contre l’ « ordre établi » et qui n’était que le cache-misère du désordre établi, de cette évolution sociale qui jette les hommes dans l’inégalité et la rivalité des sans-droits , des sans -toit, des exclus, démunis et précaires ..
On vous disait individualistes, voire cyniques, et vous, avez rejeté « l’immonde » asocial et antisocial , en faveur d’un monde humain partagé, digne et équitable !
On vous disait apolitiques, voire inciviques, et vous, avez ré-inventé la démocratie en ses sources vives, celle qui délibère et consulte, celle qui parle et qui agit dans le respect de la communauté des égaux et non la rivalité des ego, celle qui refuse l’intolérable, celle qui engage et qui partage ..
On vous disait manipulés et manipulables au point de vous réduire au seul sacre de la marchandise et au seul culte de l’éphémère et vous, avez su revendiquer et régénérer la dignité de la pensée libre et critique ; vous avez su déjouer les sophismes du pouvoir, vous avez su en distinguer le miel et le fiel, vos avez su faire sortir ce temps de faux bonheur et de vraie misère de ses verrous et de ses gonds ! vous avez libéré et déployé le regard dans l’espace de « l’Ouvert » (Rilke).
On vous disait emmurés dans la « caverne » de la consom’, de la com’ et du ‘loft-storysme’ , et vous, lui avez opposé l’alternative, la communicabilité des aspirations , et surtout l’engagement dans l’espace public, refondé , ré-institué, régénéré.. vous avez balayé les tabloïds et aboli le jeu du ‘maillon faible’, sous le vent de la parole dissidente et de la solidarité .. Vous avez réfuté le’ people’ et recréé le populaire !

Les sirènes vous chantaient que la marche du monde était régie par la fatalité mondialiste et que le libéralisme représentait le stade ultime de l’évolution des sociétés humaines …ou encore que le libéralisme était « l’horizon indépassable de notre temps » !…
On vous chantait aussi que « l’étranger » vos regardait avec commisération comme des agités archaïques et pauvres Béotiens et ignorants des saintes Ecritures de la religion de l’économisme et du saint-profit !
Et Vous, avez esquissé et anticipé, le temps d’une saison et bien au delà, la figure d’une société d’hommes libres, égaux et lucides .. vous avez rebâti le front clair de la solidarité et l’avez gagnée en votre faveur auprès des voix qui se dressent un peu partout en Europe et bien au delà, pour vous soutenir et s’unir à vous : autant de voix d’étudiants, d’élèves , de travailleurs, mais aussi de retraités.. et surtout autant de voix des « sans-voix, » celle des chômeurs sans nombre , des intérimaires, des reclassés et des déclassés, mais aussi celle des vieux esseulés et des jeunes en déshérence : voix de toute cette humanité démunie ou livrée à l’abandon : celle de ces « Misérables » au sens fort et noble de Victor Hugo , et qui sont aussi levain et sel de la terre !

Lycéens , jeunes concitoyens , vous ne perdrez pas la mémoire de ce que vous avez rendu possible, en ce clair printemps 2006, et qui accède d’ores et déjà à l’ordre du décisif et de l’irréversible.. Car vous, que les princes et autres Badinguet ont voulu traiter en mouchoirs jetables, vous les avez pris au mot et les avez mouchés !
Lycéens , vous ne perdrez plus de vue que le sens de l’école véritable, c’est-à-dire émancipatrice, est de contribuer à exercer et former votre destination, essentielle et également partagée, à l’humanité pensante et éclairée, comme à la citoyenneté mutuelle, lucide et droite ..
Aussi , sachez garder la tête froide et le cœur ardent : il y va de l’humanisation du monde mortel que nous avons en garde et en partage.

Michel Magnant , le 9 Avril 06 ,
avec et au nom des professeurs solidaires , du lycée Clemenceau de Nantes.