Indépendance des Chercheurs

Suit la lettre ouverte que nous adressons aux autorités du pays, aux parlementaires et aux organisations syndicales nationales. Nous appelons tous les travailleurs et citoyens à prendre connaissance de cette nouvelle loi sur la recherche (accessible sur notre site ou sur celui de l’Assemblée Nationale) et à se solidariser avec notre démarche.

LETTRE OUVERTE

LA LOI DE PROGRAMME POUR LA RECHERCHE

ADOPTEE LE 4 AVRIL

INSTITUE UNE PRECARITE D’EMPLOI BEAUCOUP PLUS DURE QUE LES CONTRATS PREMIERE ET NOUVELLE EMBAUCHE

NOUS DEMANDONS LE RETRAIT DE CETTE LOI
ET SON INCLUSION DANS LES DISCUSSIONS SUR LE CPE ET LE CNE

Lettre ouverte du Collectif « Indépendance des Chercheurs », 6 avril 2006

, [->indep_chercheurs@yahoo.fr]


– A Monsieur le Président de la République

– A Monsieur le Premier Ministre

– A l’Assemblée Nationale et au Sénat

– Aux confédérations et centrales syndicales

Mesdames et Messieurs le Président de la République, le Premier Ministre, les Députées et Députés, les Sénatrices et Sénateurs et les responsables des organisations syndicales nationales,

Une situation grave s’est créée autour des Contrats dits « Première » et « Nouvelle » Embauche, et de la Loi intitulée « pour l’égalité des chances ». Elle a conduit à l’ouverture de nouvelles discussions sur ces mesures récentes. Mais le problème de fond, le véritable moteur des imposantes manifestations des deux dernières semaines, ne réside pas dans tel ou tel article de loi. Ce qui est vraiment en cause, c’est le développement accéléré de la précarité et des pouvoirs discrétionnaires.

Comme vous le savez, la recherche scientifique a toujours présenté, par rapport à l’ensemble des branches professionnelles du pays, les cas les plus extrêmes de travail précaire, voire même non rémunéré ou mal déclaré. Trop souvent, la crainte de ternir la réputation des institutions a conduit à une certaine occultation de cette situation. Des pouvoirs discrétionnaires sont également restés intouchables en dépit des règles et normes affichées. La « réussite de la recherche » était considérée comme un intérêt supérieur susceptible de justifier ces dysfonctionnements, mais un nombre croissant d’évidences semble exiger, en France comme à l’étranger, une remise en cause de ce raisonnement. A commencer par la prolifération croissante des résultats falsifiés publiés par les plus prestigieuses revues internationales, dans des conditions où les pouvoirs devenus incontrôlables et la fragilité de la situation des personnels « de base » semblent avoir constitué des facteurs déterminants de ces dérives.

Nous demandons le retrait de la Loi de Programme pour la Recherche adoptée le 4 avril et son inclusion dans les discussions sur le CNE, le CPE et la loi qui institue ce dernier. La loi sur la recherche instaure dans un important secteur du travail un dispositif de précarité d’emploi beaucoup plus fort que l’ensemble CPE – CNE. Il serait très dangereux de l’ignorer.

La nouvelle loi sur la recherche, , comporte, outre une nette tendance au renforcement des pouvoirs discrétionnaires, un ensemble de dispositions tendant à l’aggravation de la précarité d’emploi, non seulement dans la recherche mais aussi dans l’enseignement supérieur. Deux exemples frappants sont fournis par les textes concernant :

– le « mécénat » via des « fondations » déclarées de droit privé mais qui peuvent être financées par des fonds publics, conduisant inévitablement à l’octroi avec ces fonds d’ « aides » sans contrat ni statut au détriment des emplois stables (article L. 344-1 et suivants du nouveau Code de la Recherche) ; il est bien connu, par exemple, que la Cour de Cassation refuse la reconnaissance d’un quelconque contrat de travail aux boursiers de l’ARC et d’autres associations de même nature ;

– les « contrats de travail intermittent » de droit privé pour « des missions d’enseignement, de formation et de recherche comportant une alternance de périodes travaillées et non travaillées » (article L. 786 du Code du Travail ainsi modifié), une notion que nous ne parvenons pas à comprendre, non seulement à cause de la surcharge chronique d’heures de cours des enseignants bien connue, mais aussi parce qu’il n’est pas possible d’exercer des métiers d’enseignement et de formation sans consacrer un temps conséquent au développement de ses propres connaissances.

Des dispositions, parmi d’autres contenues dans la Loi de Programme pour la Recherche, qui risquent de générer de dangereux précédents interprofessionnels et intercatégoriels, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Retirer l’ensemble CPE-CNE produirait peu d’effet si rien n’était fait, en même temps, pour revoir des dispositifs sectoriels comme celui introduit dans la recherche et qui semble bien plus générateur de précarité que ces contrats qui font en permanence la une des journaux.

Il nous semblerait indispensable que non seulement le contenu de la Loi de Programme sur la Recherche soit abordé dans le même cadre de discussions que le CPE, le CNE et la loi « pour l’égalité des chances », et qu’en tout état de cause son application soit suspendue, mais qu’un état des lieux actualisé soit établi avec la plus grande transparence sur la situation actuelle de la recherche française du point de vue de l’emploi précaire ou sans contrat ni statut, du travail non rémunéré ou mal déclaré, des problèmes de couverture sociale et d’assurance contre les risques professionnels… Tout porte à craindre, malheureusement, que la situation se soit considérablement aggravée au cours de la dernière décennie malgré un rapport établi pendant la législature 1997-2002.

De surcroît, comme nous l’avions souligné dans nos précédents communiqués, par exemple celui du 5 mars , il ne ressort pas que la Loi de Programme adoptée le 4 avril prenne en considération des éléments apparus récemment (crise des instances dirigeantes du CNRS, naufrage des experts dans l’affaire d’Outreau, prolifération de résultats scientifiques falsifiés…) qui nous auraient semblé justifier le report du vote parlementaire et la mise en place d’une réflexion actualisée, ouverte et transparente, sur les problèmes de la recherche.

Nous vous prions de recevoir, Mesdames et Messieurs le Président de la République, le Premier Ministre, les Députées et Députés, les Sénatrices et Sénateurs et les responsables des organisations syndicales nationales, l’expression de notre plus haute considération.

Indépendance des Chercheurs (attn. Luis Gonzalez-Mestres)

17 rue Albert Bayet, appt 1105 , 75013 Paris

Infos : , Portable: 0620601187