Nous étions quelques-uns dans cette modeste salle du cinéma St Paul (Rezé) a voir le dernier opus de P. Carles, « ni vieux ni traître ». Pour résumer rapidement le film, je dirai (c’est ma perception personnelle) qu’il évoque l’histoire de différents groupes anarchistes (G.A.R.I, M.I.L, A.D) et de la lutte armée qui a accompagné certains de ces mouvements. Sont évoqués à ce propos (comme toile de fond au récit) les assassinats de Georges Besse – il fut PDG de Renault et a licensié plus de 26000 ouvriers – et du général Audran – responsable entre autres du trafic d’armes, alimentant les conflits Iran-Irak. Mais le film n’a pas vocation, à l’encontre des mass-médias traditionnels, à faire une douce morale pacificatrice qui condamnerait les violences perpétuées par ces groupes révolutionnnaires. Il n’en fait pas non plus l’apologie. En aucun cas, il y a jugement. Le réalisateur s’efforce d’entendre les individus qui ont milité dans ces mouvements. P. Carles explique après la projection qu’il n’a pas voulu montrer ces individus dans leurs clichés (idéologues primaires et froids, antipathiques, sanguinaires et soldats révolutionnaires) ; au contraire, il semble avoir voulu démystifier ces activistes afin de les rendre humains (ce qu’ils sont évidemment – et sans doute bien plus que d’autres…).
Ce film donc, transpire l’humanité de ceux qui se sont battus pour sa justice. Les plus activistes comme Jean marc Rouillan et Joëlle Aubron ont été jusqu’à l’élimination physique pour répondre à la violence du patronat, des élites économiques et de cette société du spectacle et de la consommation.
Le film, voilà sa grande force (et c’est le cas pour la plupart des films de P. Carles – un peu brouillon sur la forme) pose un certain nombre de questions ; incite au débat, aux passions. J’ai dû partir [raisons professionnelles obligeaient] avant la fin du débat mais on sentait déjà dans la salle une certaine tension.
Une question était latente : la violence est-elle légitime ? P. Carles, en opposant violence aveugle et violence ciblée (vers des structures de pouvoir par exemple ou des vitrines incarnant la logique du marché) posait cette question de la légitimité. J’aimerai donner maintenant mon sentiment sur la question.

Tout d’abord, j’ai envie de demander aux gens de ma génération (la vingtaine), pourquoi la violence politique ciblée a t-elle si mauvaise presse ? Pourquoi le discours des jeunes (trop souvent polissé par l’illusion de la démocratie des urnes – même s’il est fondamental de voter pour moi – est-il si pacifique ? A toujours prôner la discussion, la compréhension, l’écoute, on en finit par accepter un certain moule à pensée unique et surtout à ingérer naïvement la violence étatique et biensûr économique. Pourquoi les discours en AG sont-ils si politiquement corrects, pourquoi serait-il admis, serait-il évident, serait-il naturel de refuser la violence. Posez-vous la question !
Quelle est cette pensée uniforme, reprise ou élaborée par les médias, pensée moraliste qui – tout en réduisant les facultés mentales – nous amène à accepter cette comédie des « modèles » dominants. Nous avons sans doute tendance à ignorer l’histoire. Les exemples de résistances radicales foisonnent et sans elles, tant de pays seraient encore sous le joug des monarques, tyrans et autres spécimens intéressés seulement par leurs propres intérêts personnels ou leurs idéologies obsessionelles. En France, pensez-vous que les acquis sociaux issus des accords de Grenelle auraient été possibles sans cette « chienlit » de barricades et de casseurs. Et pourtant, nous sommes reconnaissants envers ces vieux acteurs soixante-huitards. Alors pourquoi maintenant devrions-nous critiquer ces mêmes individus qui frappent les symboles de ce que nous rejetons ? Cette critique est absurde et prouve l’immobilisme politiquement correct de cette génération.
A la violence concrète des patrons qui licensient, délocalisent, qui poussent des ouvriers au suïcide, à la violence concrète des marketteurs qui captent l’attention de l’ensemble des individus (des plus jeunes au plus vieux) pour la diriger vers les objets de consommation (et cela en détournant la culture, les loisirs etc.), nous devons riposter, nous rassembler, répondre en utilisant les outils de la violence symbolique. Pour ce faire, il faut viser les objets et endroits collectifs qui justement symbolisent ces vices que nous combattons. Taguer le mur d’un particulier n’aura pour seul sens que de libérer nos pulsions destructrices. Démonter les devises marchandes au contraire, remplir d’excréments les locaux du MEDEF ou encore introduire des virus informatiques dans les firmes (etc.) aura beaucoup plus de portée et de poids. Ces actions (et bien d’autres) ciblées – de l’ordre de la désobéissance civile – seront les conditions minimales de la lutte. Celle-ci doit-être organisée ; cela ne veut pas dire qu’elle doit être centralisée ni anarchique d’ailleurs. Elle doit être fédérée et internationaliste.

Sur ces derniers mots, je termine ce léger manifeste et remercie P. Carles d’en avoir fourni les arguments grâce à son film.
Longue vie à Indymédia en espérant qu’ils ne me censureront pas. Mais vous n’êtes pas prêt de capituler, hein ?

R.E.S.E.A.U