Edito. – L’Internationaliste n°59

Pour l’abrogation du CPE : Mobilisation jusqu’au bout !

http://www.gsi-litqi.org/

Les commentateurs, unanimes, avaient estimé que le secrétaire général de la CGT, B. Thibault, mettait la barre très haute en se fixant un objectif de 500 000 manifestants pour la journée de « mobilisation contre le CPE ». Or, force est de constater qu’il ne l’avait placée que trop bas puisque, au soir du 7 mars, c’est plus d’un million de travailleurs, d’étudiants et de lycéens qui ont déferlé dans les rues des principales villes du pays. Manque de flair ? Peut-être y a-t-il une autre explication.
En fait, des trois grandes centrales syndicales, seule la confédération CGT-FO, par la voix de son CCN, a lancé un mot d’ordre de grève touchant toutes les professions.

Pour sa part, le secrétaire général de la CFDT, interrogé au matin du 7, avait estimé que, certes, fallait-il se mobiliser mais, également, avancer des propositions. Et de conclure, très logiquement, que les adhérents de sa centrale seraient appelés à « participer à la mobilisation » entre 12 et 14 heures (au moment du repas !) ou après 17 heures (après le travail !).

Aussi, la CGT avait laissé ses organisations décider, parfois localement, de la forme de leur participation. La très puissante fédération des cheminots CGT (dont B. Thibault est originaire), par exemple, n’a même pas déposé de préavis de grève. Cependant, en constituant l’essentiel des bataillons de manifestants, les militants de la CGT, dont la direction avait opéré une mobilisation contrôlée, retenue, se sont mobilisés assez fortement pour modifier la donne au soir du 7.

C’est bien la confirmation de ce que nous constatons depuis fort longtemps, à savoir : le décalage grandissant entre le positionnement de la direction confédérale, fait de « proposition » et d’« accompagnement », et la volonté d’affrontement de la base militante face au gouvernement et au patronat ; une volonté qui résulte de la colère montante de la classe ouvrière. L’approche du 48ème Congrès confédéral, qui se réunira du 24 au 28 avril, y est aussi pour quelque chose, malgré la division qui règne entre les « secteurs oppositionnels » à la ligne Thibault.

Pourquoi, donc, cette mobilisation contrôlée ? Pourquoi, plus les étudiants et lycéens sont massivement présents dans les cortèges, plus les dirigeants des syndicats de travailleurs -au premier plan desquels la CGT- cherchent-ils à retenir leurs troupes, comme ils l’ont fait le 31 janvier, les 2 et 7 février et, maintenant, le 7 mars ?

Il y a eu une sorte de mise en scène autour de cette journée du 7 mars. Les dirigeants syndicaux, essentiellement membres du PCF et du PS, mais aussi parfois de la LCR et de LO, sont en effet arc-boutés sur un objectif : attendre 2007. D’où les tentatives désespérées de dispersion et dislocation du mouvement dans les universités ; d’où cette détermination à empêcher les étudiants de décider par eux- mêmes dans des assemblées générales massives, démocratiques et souveraines.

Certes, on pourrait nous objecter que le PS est un habitué du genre, qu’il est souvent parvenu à juguler les mobilisations dans la jeunesse, tout en se refaisant une santé électorale à travers elle. Aujourd’hui, toutefois, l’enjeu est d’une toute autre portée. Les bureaucrates sont obligés de « répondre » à la colère de la classe ouvrière et de la jeunesse, tandis qu’ils travaillent, en réalité, à poser les bases d’un « nouveau modèle social français » et continuent de négocier, en coulisses, avec le gouvernement et avec le patronat.

Ainsi, la présentation du projet de loi sur le Contrat de Transition Professionnel, lors du Conseil Supérieur de l’Emploi du 20 janvier, est symptomatique de cette collusion, même si, « pour la galerie », B. Thibault et compagnie font mine d’avoir été pris -là encore !- par surprise, et en rajoutent sur l’air de la « nécessaire concertation » entre les « partenaires sociaux ». Dans un tel contexte, le très discret Conseil Economique et Social joue le rôle d’une passerelle entre « gens de bonne volonté » sensés avoir des intérêts contradictoires. C’est un des lieux de l’élaboration des contre-réformes.

L’objectif des directions syndicales, du gouvernement et du MEDEF est de parvenir, autant que faire se peut, à redéfinir « à froid » l’ensemble des acquis ouvriers, à l’occasion d’un cycle de re-négociation générale touchant tous les domaines. Redéfinir ! C’est-à-dire : remettre en cause les acquis en empruntant la voie ouverte par la CFDT à l’occasion de son « recentrage », et en signant des accords « gagnant gagnant » au terme desquels les droits des travailleurs seraient réduits comme peau de chagrin. On l’a vu : lors de la prise de fonction de L. Parisot, qui a succédé à E. A. Seillères, seule la CGT-FO s’est démarquée de cette démarche de « refondation sociale » initiée par le baron des forges.
Cependant, la marge de manoeuvre de ces dirigeants syndicaux, membres du PCF et du PS (insistons là- dessus), s’est réduite considérablement au lendemain du 7 mars. Aussi, quand au matin du 8, le ministre de Robien déclare que les étudiants bloquant l’entrée des facultés veulent « empêcher les jeunes d’acquérir par les études les moyens de la réussite professionnelle » (sic!), il sent bien que la grève des universités a franchi un saut qualitatif, après les manifestations du 7, avec l’occupation hautement symbolique de la Sorbonne, au soir du 8. Pour de Robien, qui voit monter le péril, tout est bon pour diviser la jeunesse. C’est déjà l’aveu d’un échec.

Pourtant, tous avaient spéculé sur le calendrier des vacances scolaires pour disloquer le mouvement étudiant. Avec quatre semaines de délais, entre les deux manifestations à l’appel des organisations étudiantes et ouvrières, tout avait été fait pour laisser les mains libres à Villepin au parlement. Or, non seulement la manoeuvre a échoué, mais dès la rentré de la zone A, il est apparu que les étudiants étaient plus déterminés encore et que, de plus, ils avaient été rejoints par les lycéens.

En effet, pendant ces quatre semaines, la jeunesse et la classe ouvrière ont assimilé la portée du CPE. Un dialogue, un pont, s’est établi entre quatre générations. Ceux qui entraient à l’usine en 1936 ont, cette année, autour de 85 ans. Avec la génération suivante, ils avaient arraché l’ensemble des conquêtes ; des conquêtes remises en cause, au pas de charge, depuis le gouvernement Mitterrand-Fabius en 1984 (retraites, congés, réduction du temps de travail, sécurité sociale, conventions collectives, etc.) ; ils avaient (re)bâti un outil industriel, aujourd’hui laminé ; ils avaient mis en place des services publics, services actuellement menacés de démantèlement et de privatisation. La troisième génération, elle, a grandi avec l’épée de Damoclès du chômage et de la régression sociale.

C’est dans des moments comme celui-là que peut se transmettre l’expérience de la lutte des classes, non pas comme une « leçon » donnée aux plus jeunes, mais comme un échange fructueux et pratique pour continuer le combat. L’arrivée des lycéens, montre bien que les parents ont donné leur « feu vert ».

Maintenant, un nouvel appel est lancé, signé par CFDT, CGT, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, UNSA, Solidaires, UNEF, CÉ, UNL, FIDL. Un appel, mais deux dates : le jeudi 16 mars (étudiants et lycéens) ; et le 18 mars (travailleurs, étudiants et lycéens). Alors que les grandes manoeuvres sont lancées dans les cabinets ministériels et au sein du groupe UMP pour éviter que cette nouvelle manifestation débouche sur une explosion de grande ampleur.

Il n’y a pas de demi-mesure : la loi sur « l’égalité des chances » instituant le CPE, adoptée par l’Assemblée nationale le 8 mars, doit être abrogée. L’heure est à la mobilisation jusqu’au bout et la semaine qui vient va être déterminante.

GSI – Groupe Socialiste Internationaliste

Section Française de la Ligue Internationale des Travailleurs – Quatrième Internationale

http://www.gsi-litqi.org/