« Tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont ils l’ont volé, ils l’ont volé ! Partage des richesses, partage du temps de travail, ou alors ça va péter, ça va péter ! » crient les syndicalistes de tout poil, la bande à Unef, Unl et compagnie. Mais surtout, surtout, que ça ne pète pas. Que tout le monde reste bien en rang. Voilà ce que j’ai retenu de la première partie de la manif… Et ça n’est qu’une répétition des habituelles manifs encadrées (souvenez-vous du comportement de ces mêmes syndicalistes lors des manifs des 7 et 14 février).

De la gare jusqu’à l’étonnante fin de manif prévue par les UNEF, CGT et consorts, de 7 000 à 20 000 personnes (selon RMC) ont défilé dans le calme. Les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s étaient devant, avec les salarié-e-s à la suite. Grosse présence de la CGT, comme d’hab’. J’ai constaté avec plaisir que tout un tas de jeunes (lycéen-ne-s, étudiant-e-s et autres) ont doublé la banderole de tête « unitaire » (intersyndicale) et ont marché en tête de manif pendant un moment, jusqu’à « l’arrivée » au jardin Hoche (pour nous faire oublier la préf’ bien sûr). Il y a eu un moment de flottement de plusieurs minutes, le temps que tout le monde comprenne que la manif était « officiellement » terminée, ce qui a eu le don de mettre une grande majorité des lycéen-ne-s et étudiant-e-s en colère.

Plusieurs milliers de personnes ont alors repris la rue, empruntant la rue Hoche en direction de la préfecture (en passant par la place de Metz). Une énergie collective se faisait sentir, et les quelques tentatives de barrages par des jeunes syndiqués de l’UNL (et FIDL) ont échoué lamentablement. Ces apprentis démocrates essayaient bien entendu d’empêcher les manifestant-e-s d’accéder à la place de Verdun, où quelques dizaines de flics armés protégeaient leur préfecture chérie (de nombreux cars de CRS se trouvaient notammment rue Haxo).

La place de Verdun s’est rapidement remplie de monde. Une bonne ambiance y régnait, même si beaucoup de monde se sentait désemparé, sans savoir que faire, maintenant que l’obkectif de la préf’ était atteint.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, alors qu’une bonne partie des manifestant-e-s étaient reparti-e-s, le bruit a commencé à courir qu’une occupation de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) allait être tentée. Retour vers la rue Hoche, donc: de 500 à 1 000 jeunes s’approchent de la CCI, mais des CRS bloquaient l’entrée, avec des renforts aux alentours. Le parking d’accès à la CCI était ouvert. Comme l’entrée principale était bloquée, certain-e-s ont tenté de s’engouffrer dans ce parking, pour pouvoir occuper la CCI. Mais le reste de la foule a trop tergiversé, et une poignée de CRS est intervenue à coups de matraques pour faire dégager les premier-e-s occupant-e-s. Quelques personnes sont dans un premier temps restées bloquées dans le parking, mais ont finalement réussi à s’échapper. En tout cas, l’occupation n’a pas pu avoir lieu, faute de mobilité coordonnée (l’intelligence collective spontanée, ça se travaille).

Les manifestant-e-s ont alors décidé de repartir en cortège et de bloquer les rues de Grenoble au fur et à mesure de son avancée, stoppant parfois lors de croisements stratégiques… Un arrêt prolongé a été effectué place Hubert Dubedout et le pont de la porte de France fut bloqué. Peu de temps après, les CRS sont arrivés en nombre. Une tentative de percée vers la gare et Europole a échoué à ce moment là, les CRS réussissant à bloquer la rue Casimir Brenier au dernier moment. Les manifestant-e-s ont alors reflué vers le boulevard Gambetta, suivis de près par les CRS sur quelques dizaines de mètres.

La manif, devenue de plus en plus sauvage, s’est alors dirigée vers le centre-ville. Quelques poubelles sont déplacées, mais aucune n’est renversée ou posée en travers de la rue, d’après ce que j’ai vu.

Un flic en civil est pris à partie par quelques manifestant-e-s et ejecté de la manif sans heurts. Mais les civils sont assez nombreux, et se regroupent alors. Une espèce de tension règne toutefois des deux côtés…

Au fil de la manif, de nombreux-euses grenoblois-es (des travailleurs de chantier, des riverain-e-s, des passant-e-s) montrent ouvertement de la sympathie aux manifestant-e-s, ce qui redonne de l’énergie à tou-te-s, même si ce n’est pas ce qui manquait de toute façon.

Suivi-e-s par de nombreux fourgons de police, les manifestant-e-s s’engagent dans les rues piétonnes du centre-ville, et s’arrêtent plus loin devant le bureau grenoblois de l’UMP (le parti au pouvoir, pour celles et ceux qui ne suivent pas). Un CRS garde l’entrée. Une pomme vole en sa direction. Il se la serait prise sur la tête (« Mangez des pommes! » disait Chirac il y a plus de dix ans je crois). Un sit-in s’en est suivi, puis la dispersion de la manif n’a plus trop tardé. Il était environ 15h30, ça faisait plus de cinq heures que la manif avait commencé.

Bien sûr, le CPE tient toujours, « De Villepin n’a pas l’intention de fléchir » entendait-on sur RMC (tandis que France-Info était en grève) malgré les « plusieurs centaines de milliers de manifestants en France » (toujours selon RMC).

La lutte contre le CPE et son monde doit donc nécessairement s’intensifier pour en arriver à annuler ce projet (déjà voté par l’Assemblée Nationale et le Sénat, faut-il le rappeler ?). Et plus, si affinités…

« ou alors ça va péter, ça va péter ! »

De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas. N’attendons ni l’UNEF ni la CGT pour le franchir, ou nous risquons d’attendre longtemps ces beaux parleurs…

Ce mardi, la fac était entièrement bloquée ou presque. Cette nuit (du mardi ou mercredi), la galerie des amphis est occupée, tandis que le reste de la fac reste fermé. Que la grève continue !