J’ai trouvé l’article qui suit assez intéressant et original dans sa façon d’analyser l’application du principe de laïcité.

http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=2212

Piégé(e)s par la laïcité

mardi 21 février 2006, par Paul Draszen

En ces temps de dérives et d’outrance dans les propos de supposés intellectuels et responsables politiques, il est bon de rappeler l’incohérence de certains discours sur ce sujet si médiatique et passionnel qu’est la laïcité.

Maintenant que les esprits se sont quelque peu assagis, l’occasion nous est donnée de revenir sur deux des événements parmi les plus médiatiques de l’année 2004. Je fais non seulement référence à la loi concernant la protection de la laïcité à l’école que l’on appelle également « loi sur le voile » mais aussi au mariage homosexuel. Comme nous allons le voir, ces deux événements sont bien plus liés qu’il n’y parait au premier abord.

Il nous faut ici remercier Noël Mamère pour avoir mis en évidence de manière flagrante, volontairement ou non, les incohérences du discours laïc de certaines personnalités et de certains mouvements que la majorité des média relayent sans le moindre esprit critique ou d’analyse.

Les réactions suscitées par le mariage célébré par le maire de Bègles, entre deux hommes, permettent de souligner l’interprétation à géométrie plus que variable du principe de laïcité. Principe que l’on nous a pourtant bien expliqué et qui a été si bien défendu à l’occasion de la fameuse « affaire du voile ».

La question du « mariage gay » se pose déjà depuis de quelques années dans nos sociétés occidentales, notamment depuis que de telles cérémonies sont célébrées dans des pays comme les Pays-Bas. Les positions sont souvent tranchées et les réactions sont passionnelles. Ce qui est intéressant à analyser ici c’est le « pourquoi » de ces réactions et notamment la position des opposants au mariage gay.

Mon propos n’est pas ici de prendre parti pour ou contre le mariage homosexuel mais juste de mettre en lumière le conflit qui existe entre, d’un côté notre société dite laïque et de l’autre, d’anciennes valeurs fortement ancrées en chacun de nous (même chez ceux qui se disent profondément athées ou agnostiques).

Chacun est bien évidemment libre de se prononcer pour ou contre le mariage homosexuel ; on peut même être parfaitement indifférent à ce débat. Cependant, pour ceux qui s’y intéressent, il est aussi important de savoir pourquoi « on est pour » que pourquoi « on est contre ».

Parmi les opposants, on entend souvent les arguments suivants : « ce n’est pas naturel ! », « un homme doit épouser une femme, c’est comme ça ! », « ça ne se fait pas ! », « ça n’est pas dans l’ordre des choses ! » etc.

Quel est le sens de toutes ces expressions ? Quel est le raisonnement qui se cache derrière ces mots ? De quelle logique s’agit-il ?

« Ce n’est pas naturel ? » Et pourquoi ne serait-ce donc pas naturel ?

Il y a pourtant dans la nature des exemples de pratiques homosexuelles parmi certaines espèces, notamment chez les singes. L’homosexualité existant dans la nature, il paraît difficile d’affirmer que cette pratique n’est pas naturelle.

Dès lors que l’homosexualité est reconnue comme existant dans la nature, nous sommes bien obligés de reconnaître qu’elle fait partie des pratiques possibles.

Si l’on admet le fait que deux personnes puissent avoir des relations homosexuelles, pourquoi alors s’opposer à leur mariage ?

Parce que des homosexuels ne peuvent pas procréer ?

Nulle part dans la loi ne se trouve parmi les conditions qui régissent le mariage l’obligation de procréer. Lorsque des hétérosexuels se marient, ils n’ont pas pour obligation de procréer ni même de pouvoir procréer. Oublierait-on les hétérosexuels touchés par la stérilité ou bien tout simplement celles et ceux qui ne souhaitent pas avoir d’enfants ?

Alors pourquoi s’opposer au mariage homosexuel ?

Ces dernières années et particulièrement ces derniers mois, on nous a rappelé avec une « certaine fermeté » que la France est un pays laïc. Il nous a été également rappelé que les hommes et les femmes sont égaux en droit comme le rappelle si bien tant le préambule de notre Constitution que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH).

Du point de vue de la loi française, le code civil semblerait manquer de précision et de ce fait permettrait une interprétation tant en faveur qu’en défaveur du mariage homosexuel. Mais au regard de notre constitution et de la DUDH pourquoi chercherait-on à interpréter la loi de manière à interdire ce type de mariage ?

La loi se permet-elle d’imposer ou d’interdire à un homme hétérosexuel (majeure) le choix de sa future épouse (majeure) ? Non !
La loi se permette-t-elle d’imposer ou d’interdire à une femme hétérosexuel (majeure) le choix de son futur époux (majeure) ? Non !

Alors pourquoi cette même liberté de choix serait-elle refusée à un homme ou à une femme homosexuel(le) (majeur(e)) ? Sur quelle base juridique notre société si profondément attachée à sa laïcité peut-elle se fonder pour interdire une telle liberté de choix ?

Il nous faut bien admettre qu’il n’y a aucune justification à une telle interdiction à moins que l’on se tourne vers l’une des sources de notre droit que certains aimeraient faire disparaître.

Il s’agit là des valeurs « judéo-chrétiennes » profondément ancrées dans nos sociétés occidentales. L’islam représentant la seconde religion de France, on ne peut l’oublier dans cette analyse d’autant que, n’en déplaise à certains, les valeurs de ces trois religions sont bien les mêmes.

Les trois principales religions monothéistes abrahamiques que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam s’opposent fondamentalement au mariage homosexuel car l’homosexualité, considérée comme un grave péché, est formellement interdite. C’est avec les révélations successives de ces trois religions et leur développement que l’homosexualité a été interdite.

Revenons à ceux qui s’opposent au mariage homosexuel. Après avoir vu ces points, on ne peut fonder la justification de cette opposition que dans la Religion et les valeurs morales qu’elle véhicule.

Si ce n’était pas le cas, comme pourrait-on justifier cette opposition ? Comment expliquer que de grands démocrates et des donneurs de leçons soient contre alors qu’ils nous ont expliqué clairement leur conception laïque de notre société ?

Comment comprendre qu’ils se soient opposés de façon si virulente au port du voile en nous faisant de beaux discours sur la laïcité et sur la menace que pouvait représenter pour la société l’acceptation du port du voile à l’école ? Comment expliquer d’un côté cette volonté de protéger « à tout prix les femmes » au nom de la laïcité et de nos valeurs républicaines et démocratiques et d’un autre côté ce refus du mariage gay ?

On ne peut d’un côté s’opposer au mariage gay sur des fondements qui ne peuvent qu’être religieux et de l’autre s’opposer à ce que des personnes respectent des préceptes religieux qui ne regardent qu’elles.

De quel droit peut-on se permettre de juger de la sincérité et des motivations des femmes qui portent le voile (elles sont forcées, soumises…) alors que dans le même temps on refuse à des personnes qui expriment sincèrement leur sentiment le droit de se marier.

Comment peut-on sous le prétexte de vouloir « protéger » des femmes contre une forme d’asservissement leur interdire l’accès à un collège, un lycée, une administration ou un emploi ? On veut les protéger en les empêchant de s’instruire, d’avoir une autonomie financière et de se sociabiliser ?

Comment peut-on oser utiliser le mot « laïcité » pour définir notre société quand on n’interdit à des individus majeurs la possibilité de se marier pour la seule raison qu’ils sont homosexuels ? On veut démontrer qu’il y a bel et bien une séparation de l’Eglise et de l’Etat en interdisant à des citoyens de se marier sur la base de règles figurant dans la Bible ?

Il y a manifestement un manque flagrant de cohérence et d’honnêteté intellectuelle.

Il est temps pour certains de nos média, de nos intellectuels et de nos politiques de cesser de se gargariser avec des mots et des principes qu’ils ont dépouillé de leurs sens et de jouer la carte du populisme en faisant appel aux plus bas instincts humain dans le but de faire vendre ou d’être élu.

Il est temps pour certains de nos média, de nos intellectuels et de nos politiques d’admettre que non seulement la Religion est l’une des sources non négligeables des valeurs qui constituent les fondements de notre société, aussi laïque soit-elle, mais aussi que la Religion reste un élément qui continu à apporter malgré tout sa contribution à notre société républicaine.

Si certains veulent s’opposer à l’influence de la Religion dans notre société, alors ils devront remettre en cause bien plus que le port du voile ou les préceptes religieux respectés par des femmes et des hommes à la peau basanée originaire de pays où poussent les dattiers et les palmiers.

Paul Draszen