QUI PREND QUI EN OTAGE?

Le 23 février, cela fera quatre ans qu’Ingrid Betancourt, une femme politique colombienne, a été enlevé par la guérilla des FARC. Parce qu’elle est sur la même ligne que le parti des Verts et qu’elle défend l’Europe, on a droit à un énorme tapage soutenu par les médias et l’appareil d’Etat français.

Ce tapage se moque totalement des conditions de vie des gens en Colombie et du fait que la terreur soit massivement pratiqué là-bas par des escadrons de la mort. C’est pourquoi nous appelons au boycott de ce tapage et à la diffusion massive de contre-informations à ce sujet.

Il y en assez que certains prennent certaines « causes » comme prétexte pour apparaître comme « humaniste », « citoyen », « démocratique » alors que leurs objectifs véritables sont d’obtenir une bonne image populaire ou de se faire élire. Le fait que cette campagne soit très largement soutenu par Renaud, cet ancien sympathisant révolutionnaire devenu ami de Mitterrand et désormais grand fan de « Qui veut gagner des millions », montre bien le caractère de tout ça.

Pourquoi les FARC ont-ils enlevé Ingrid Betancourt?

Les FARC considèrent que le régime colombien n’est pas démocratique et que les droits des citoyens sont bafoués. Dans la mesure où Ingrid Betancourt est une femme politique traditionnelle (ses parents colombiens ont d’ailleurs été ministre et sénatrice) qui a fait ses études en France à Sciences Po avant de devenir député et sénatrice en Colombie, elle fait partie de la vie politique traditionnelle du régime.

L’un des dirigeants des FARC, Raúl Reyes, a très clairement dit en 2004 que « Ingrid a été détenue parce qu’elle était une candidate présidentielle du système colombien de gouvernement. Nous ne savions pas qu’elle est une citoyenne française, cela ne nous a été révélé que maintenant, après sa détention. Avant, elle n’était rien de plus qu’une candidate aux élections présidentielles du système. » (http://anncol.org/uk/site/doc.php?id=122)

Les FARC refusent-ils de discuter de la libération d’Ingrid Betancourt?

Non. La responsabilité du refus de négociation provient de l’Etat colombien, qui refuse de discuter avec les FARC.
Ceci a été constaté par exemple par la fille d’Ingrid Betancourt; elle a expliqué au mois de février 2005 sur France 2 qu’il fallait que ce soit l’opinion publique et le gouvernement français qui fasse pression sur le Président colombien Uribe afin qu’il accepte d’ouvrir des négociations.

Pourquoi les FARC ne libérent-ils pas tout simplement Ingrid Betancourt?

Parce qu’Ingrid Betancourt est une figure politique participant à la vie de l’Etat. L’initiative faite en Europe pour demander aux FARC de libérer unilatéralement Ingrid Betancourt parce qu’elle représente les intérêts de l’Europe ne correspond pas aux réalités colombiennes.

Alain Lipietz, haut responsable des Verts, qui est allé en Colombie pour cela, a du lui-même constater que son initiative « reposait sur l’hypothèse optimiste que les FARC n’avaient pas réalisé qu’en enlevant Ingrid, c’est à la bonne volonté de l’Europe, des Verts mondiaux etc qu’ils s’attaquaient, et pas à la candidate d’un petit parti local. » (http://web.greens.org/ingrid/lipietz_francais.htm)

La Colombie meurt de la drogue, des grand propriétaires terriens et des USA. Les Verts européens lui importe peu.

Les FARC refusent-ils donc de se presser pour libérer Ingrid Betancourt?

Au contraire. Dans un entretien du 30 décembre 2004 à la revue colombienne Voz le commandant des FARC Simon Trinidad a expliqué qu’il était allé à Quito « pour entrer personnellement en contact avec l’ONU et avec l’ex-époux d’Ingrid [Betancourt] qui travaillait à l’ambassade de France dans cette ville, afin de relancer l’idée de l’Echange des prisonniers ».

La responsabilité des lenteurs vient de l’Etat colombien, dont le président Uribe a par exemple ordonné le 13 décembre 2004 l’enlèvement du négociateur international des FARC, Rodrigo Granda, résident au Venezuela.

Ingrid Betancourt n’est ainsi pas la seule otage?

Effectivement. La Radio Suisse Romande constate elle-même dans un article que : « Le grand cas que Paris fait de Mme Betancourt, descendante d’une famille de l’aristocratie colombienne (son père fut ministre de l’éducation puis ambassadeur auprès de l’UNESCO), n’est d’ailleurs pas sans causer quelque irritation de la part des familles d’otages plus modestes.

Pour Gustavo Munoz, président de la fondation Nouvelle espérance, qui représente ces familles, il est aberrant que le monde, la France en particulier, se batte pour la libération d’Ingrid et non pour les 5000 séquestrés colombiens. » (http://info.rsr.ch/fr/rsr.html?siteSect=500&sid=5559155&rubricId=)

Mais pourquoi les FARC utilisent-ils la lutte armée?

La violence n’est ainsi pas un fait nouveau en Colombie, elle va de la de la « guerre des mille jours » (1897-1899) à la période de la « violencia » (1948-1953) où périrent 200.000 personnes. Même une figure de la chrétienté comme Camillo Torres, engagé socialement, a dû pour survivre passer dans la guérilla.

La Colombie n’est pas un régime démocratique, mais un pays dominé par l’armée, les services secrets, les grands propriétaires terriens disposant de milices armées jusqu’aux dents, les cartels de la drogue…

1 % de la population détient 45 % des richesses, et 37 grands propriétaires possèdent 50 % des terres cultivables.
Les escadrons de la mort tuent les opposants; comme l’a constaté même Amnesty International la politique des USA en Colombie « est la même politique que celle qui appuyait les escadrons de la mort au Salvador dans les années 1980. »

Le chanteur Renaud, avec sa chanson « dans la jungle », accuse les FARC d’être communiste ainsi que d’avoir abandonné ses idéaux révolutionnaires pour le narco-trafic.

Renaud accumule les clichés pour dramatiser mais ceux-ci ne collent pas du tout à la réalité . Il parle par exemple de « guerre perdue depuis longtemps » alors que les FARC sont désormais présentes dans toute la Colombie (pour seulement la moitié au début des années 1990). Il cite Staline et Mao pour s’appuyer sur la peur des rouges, mais la vérité est que les FARC sont une force armée issue de l’autodéfense, s’opposant aux grands propriétaires terriens et aux fascistes.

Le fait est que les FARC ont comme objectif la démocratie et l’indépendance de leur pays, leur programme se fonde sur un minimum, elles sont issues de l’autodéfense paysanne.
Après tout si le commandant des FARC Raul Eyes avait ainsi accueilli en juin 1999 le président de la Bourse de New York dans une « zone libérée », il pourrait certainement accueillir Renaud pour discuter.

Ne faut-il pas s’opposer à la fois à l’Etat colombien et aux FARC, comme l’a fait Ingrid Betancourt?

Ingrid Betancourt n’était pas opposé à l’Etat colombien; elle avait travaillé au ministères des finances avant d’avoir été plusieurs fois élu. Elle critiquait le régime mais prônait une participation aux élections car pour elle celles-ci étaient soi-disant « libres » et « démocratiques ».

Après, on peut critiquer les FARC, mais toute critique doit se fonder sur la réalité colombienne. Et le fait est que les FARC sont une force progressiste, alors que l’Etat colombien et ceux qui le soutiennent profitent de l’état de terreur.

source : http://lescommunistes.net/~infos/colombie.html