1) Pourquoi Firstream-OFUP met en place une stratégie bancaire

Dans sa logique de marchandisation de l’Université, la holding Firstream, propriétaire de l’OFUP depuis l’an 2000, a souhaité utiliser le réseau étudiant presse pour commercialiser des produits bancaires à l’intérieur même des universités. Cette décision stratégique visait à profiter de la vitrine « presse » pour vendre des produits beaucoup plus rentables. Les banques n’ayant pas accès aux universités pour vendre leurs produits, Firstream souhaitait ainsi profiter de l’aura de l’OFUP pour tromper la vigilance du monde syndical enseignant hostile l’intrusion des banques dans les établissements d’enseignement.

Au niveau marketing, le client bancaire fait partie des clients dont la ‘durée de vie’ est la plus forte, c’est-à-dire qu’il reste bien souvent de très nombreuses années dans la même banque. De ce fait, son ‘coût d’acquisition’, c’est-à-dire la somme à investir pour capter un nouveau client, peut être beaucoup plus élevé. Il est donc logique qu’un commissionnement pour une ouverture de compte soit beaucoup plus élevé que pour l’acquisition d’un client presse dont la durée de vie excède rarement une ou deux années. Toutes les banques souhaitent aujourd’hui capter les jeunes actifs au plus tôt en espérant les fidéliser sur plusieurs décennies. C’est pourquoi les commerciaux de Firstream ont proposé aux banques d’intervenir en amont de cette cible et de la capter directement sur les campus. C’est ainsi que Firstream a intégré un pôle « produits financiers » dans le programme OFUP

2) Les premières activités bancaires : BNP et COVEFI

Contrairement aux déclarations des cadres dirigeants de l’OFUP interviewés par France 3 début 2005 ou cités par Ouest France le 17 mars 2005, la vente de produits bancaires n’a pas été un « test » ou une simple dérive ponctuelle, mais une stratégie mûrement réfléchie. Avant de lancer à grande échelle ses vendeurs à l’assaut de toutes les universités françaises, Firstream a procédé à des études marketing et à des essais

A l’automne 2002, des ventes directes de produits de la BNP se sont déroulées (bien sur sans autorisation) autour des tables de presse OFUP. Après un séminaire de formation aux techniques de ventes au siège de Firstream à Paris, les étudiants ainsi recrutés ont démarché dans les halls des facultés. Ils devaient utiliser un questionnaire sur les habitudes bancaires de l’étudiant et l’amener à se rendre dans l’agence BNP la plus proche de son lieu d’étude.

Après cet essai grandeur nature, Firstream a confirmé cette orientation stratégique au printemps 2003 par une vaste opération de parrainages avec la banque en ligne COVEFI. Les étudiants embauchés en CDD devaient vendre des comptes en banque à leurs amis ; en échange d’un abonnement OFUP gratuit à des revues de loisirs, le client devait signer une C.O.C. (Convention d’Ouverture de Compte). Pour exploiter comme il se doit les vendeurs, ceux-ci n’étaient payés qu’à partir de la 10ème C.O.C. validée. De cette manière ceux qui réalisaient moins de 10 ventes confirmées n’ont jamais été rémunérés pour leur travail.

Ces modes de distribution (vente directe sur les campus et parrainages) devaient compléter la traditionnelle ouverture de compte forcée COVEFI faîte aux candidats lors des réunions de sélection OFUP. Lors des différentes réunions (réunions de formation, de sélection) dans des salles prêtées gratuitement par les universités, l’OFUP a vendu des milliers de comptes COVEFI. Firstream a vendu au total environ 10 000 comptes COVEFI dans ces conditions. Et ces pratiques continuent aujourd’hui.

C’est la complémentarité de ces canaux de distribution, véritable force de frappe commerciale, que Firstream a présenté aux groupes bancaires. Lors des négociations, c’est Axa qui a emporté le partenariat face aux autres banques. Cette entreprise d’assurances, lançant à l’époque un nouveau produit bancaire en ligne, s’est laissé séduire par le projet de Firstream et y a vu un moyen de soutenir cette campagne de lancement. Après avoir reçu un gros chèque d’exclusivité de la part d’Axa, Firstream a cassé son ancien partenariat avec la COVEFI (partenariat qui reprendra par la suite) et a lancé le réseau OFUP dans la bataille.

3) La constitution du réseau Axa-Banque

Après cette phase de préparation marketing, Firstream a missionné les directeurs régionaux de l’OFUP pour recruter une force de vente spécialement dédiée à l’activité bancaire. Les cadres commerciaux ont ainsi puisé dans le vivier des candidats OFUP lors des traditionnelles réunions d’information pour les postes « presse ».

Ainsi, une cinquantaine de « consultants bancaires », principalement des étudiants des écoles de commerce, ont été recrutés en marge de l’activité OFUP officielle. Ces consultants ont ensuite été formés (en août 2003) lors d’un séminaire dans les locaux de la faculté de médecine de Bordeaux II. En effet, la faculté Victor Ségalen loue traditionnellement ses locaux chaque mois d’Août pour le séminaire de formation des futurs responsables OFUP qui auront en charge la vente de presse en lycées. En marge de ce séminaire officiel, s’est donc déroulée une formation bancaire à l’anglo-saxonne où des commerciaux d’Axa sont venus expliquer toutes leurs techniques de vente aux jeunes consultants. Bien entendu, l’OFUP a minutieusement dissimulé l’existence d’une telle formation à l’Université de Bordeaux II, responsable du site.

La tenue de ce séminaire banque est d’ailleurs confirmée par un ancien vendeur de l’OFUP dans l’article de Ouest France du 17 mars 2005 : « On a même eu un séminaire un banque pour apprendre à commercialiser ce type de produits ».

4) La mise en pratique sur le terrain de l’opération Axa-Banque

Une fois rentrés dans leur ville d’études, les consultants bancaires ont découvert la triste réalité que cache leur titre prestigieux.

Tout d’abord les conditions de travail des consultants bancaires sont déplorables. Pour sa prospection, le consultant doit travailler en toute discrétion, pour ne pas se faire repérer par les instances universitaires : ce sont des ventes sauvages, tel un mauvais VRP tentant d’investir un immeuble à l’insu des vigiles. Ensuite, l’encadrement est inexistant puisque ce sont les directeurs régionaux de l’OFUP qui sont censés manager les consultants bancaires. Bien évidemment, avec les rentrées de septembre en lycées, la campagne de recrutement OFUP qui bat son plein et les inscriptions sur les universités, les consultants ne sont absolument pas suivis. Souvent chassés des campus manu militari par les services de sécurité, les pauvres vendeurs Axa doivent démarcher à la sauvette à la sortie des bibliothèques universitaires et des cafétérias.

La seule technique de vente qui ramène des C.O.C. (Convention d’Ouverture de Compte) consiste à créer une synergie avec le réseau OFUP officiel. La participation des vendeurs OFUP crédibilise le discours commercial car les stands de presse sont autorisés par des conventions signées. Ainsi les vendeurs d’abonnements presse ont orienté les étudiants de 1ère année, c’est-à-dire les plus malléables, sur les produits bancaires Axa.

Après avoir vendu des abonnements presse, chaque vendeur OFUP devait systématiquement demander : « Souhaitez-vous avoir une information sur les produits financiers proposés par l’OFUP ? ». Si le jeune répondait « oui », le vendeur presse cochait une case spéciale « produits financiers » sur le bulletin de commande. De cette manière, Firstream s’est constitué une base de données qualifiée en prospects banque au moment des inscriptions universitaires de juillet et septembre (là encore sans aucune autorisation). Les vendeurs presse et leurs responsables de centre n’ont d’ailleurs jamais été rémunérés pour cette collecte de fichiers. Sans le savoir, les présidents d’université ont donné une caution morale et institutionnelle à cette vente forcée. Aux yeux d’un étudiant ou de ses parents, l’OFUP, qui est présent dans la chaîne d’inscription, apparaît comme une institution officielle de l’université.

Alertés par des étudiants, certaines directions d’université (Rennes II, Montpellier III) ont pris conscience de la gravité de ces pratiques bancaires, qui sont bien souvent à l’origine de l’exclusion de l’OFUP de ces universités. Ainsi, Pierre Merle, vice-président de Montpellier III affirme dans le Midi Libre du 12 mai 2005 : « Ils faisaient de la vente forcée. Non seulement en insistant pour que les étudiants s’abonnent à des revues dont ils n’ont pas besoin mais ils proposaient aussi des assurances ou l’ouverture de produits bancaires. Ce n’est pas leur mission ». Ou encore, M. Tordo, président de l’université de Provence, dont le procès verbal du CEVU (Conseil des études et de la vie universitaire) du 13 mai 2005 rapporte les propos : « Le Président TORDO informe les membres du CEVU que l’OFUP a changé ses stratégies et que, par conséquent, il sera amené à proposer une résiliation du contrat qui liait l’Université à cette entreprise. L’OFUP propose désormais des produits qui n’ont plus de relations directes avec les besoins des étudiants en matière d’information » (cf. http://www.up.univ-mrs.fr/Local/up/dir/docpublics/Universite/Vie_des_conseils/CEVU/05_05_13_cevu.pdf)

5) Etudiants clients et vendeurs : victimes de la direction de l’OFUP-Firtream

Les adresses et numéros de téléphone, collectés illicitement sur les stands de l’OFUP, ont permis de lancer une campagne d’appels pour des rendez-vous commerciaux au stand OFUP. Pour réaliser ces appels, les consultants Axa ont utilisé leurs téléphones personnels à leurs frais puisque les indemnités téléphoniques versées par l’OFUP étaient ridiculement faibles. Les ventes étaient finalisées autour du stand de l’OFUP ou lors des réunions commerciales dans des halls d’hôtels, par les remplissages de ces fameuses C.O.C.

L’offre Axa vendue par l’OFUP était totalement inadaptée aux besoins des étudiants, puisque pour activer son compte, le client devait y placer une somme minimum de 150 euros. La quasi-totalité des enseignes bancaires proposent en agence des offres « jeunes » infiniment plus avantageuses : au lieu de devoir créditer son compte avec 150 euros, celui-ci reçoit une somme de bienvenue et une liberté totale dans sa gestion. L’OFUP n’a donc apporté aucun service digne de ce nom à ses malheureux clients

Les consultants, victimes principales de cette supercherie, ont été totalement sous-payés et n’ont, pour la plupart, touché qu’un fixe de 20 heures hebdomadaires en échange d’un travail ingrat et moralement dégradant.

Depuis, Axa a dénoncé son accord avec Firstream. L’OFUP a rétabli son partenariat avec la COVEFI en 2004 et les ventes forcées en salle de recrutement ont pu continuer. Les opérations de parrainages ont également été relancées. Les directeurs régionaux de l’OFUP ont d’ailleurs des objectifs de vente à faire réaliser par leur réseau (objectif exprimé par un taux d’équipement en comptes COVEFI) avec de la rémunération à la clé. Aujourd’hui encore, il est obligatoire pour tout saisonnier OFUP d’avoir son compte en banque COVEFI faute de quoi « aucune rémunération ne sera versée ».

Conclusion

Malgré toutes ces dérives, les cadres dirigeants de l’OFUP continuent à se présenter comme des bienfaiteurs de la presse et du monde étudiant lors de leurs actions de lobbying auprès des universités. Le lobbying de ces dirigeants redouble aujourd’hui auprès des dirigeants d’université pour endiguer la vague d’exclusion. Ceux qui aujourd’hui multiplient les excuses et les flatteries, font croire que l’OFUP a un nouveau visage, sont pourtant précisément ceux qui ont promu la stratégie bancaire de Firstream-OFUP, et qui devraient aujourd’hui rendre des comptes aux présidents d’université abusés, aux étudiants arnaqués, et aux vendeurs surexploités.

Aujourd’hui, les dirigeants de Firstream continuent à s’en mettre plein les poches en toute impunité. Comme nous l’expliquerons bientôt dans un prochain article, c’est aux étudiants vendeurs que les dirigeants de l’OFUP font payer la baisse d’activité de l’OFUP.

La campagne de la Fédération syndicale étudiante (FSE) va continuer jusqu’à l’interdiction totale de l’OFUP sur toutes les universités de France. Face au lobbying des dirigeants de Firstream, nous appelons tous les syndicats de l’enseignement supérieur à se mobiliser sur cette question.

Nous appelons tous les salariés et anciens salariés de l’OFUP à nous contacter (oxygenefse@free.fr, local B902 au 90 rue de Tolbiac, 75013 PARIS) pour tout témoignage et également pour nous aider à établir la responsabilité de la direction de Firstream dans ces dérives. Oxygène FSE se place du côté des salariés (anciens et actuels) de l’OFUP contre les cadres dirigeants de l’OFUP qui sont responsables de ces dérives.