Interview
Entretien avec Paul OKILI BOYER,Président-Fondateur du FRONT D’ACTION GABONAISE

Ancien détenu politique de Bongo (1975 – 1983), ancien ministre du gouvernement en exil, Paul Okili Boyer vient de se joindre à la coalition anti-Bongo conduite par l’ancien ministre d’Etat Zacharie Myboto. Nous l’avons rencontré : « Le Gabon a besoin du sang neuf. M. Bongo est très gentil mais il faut qu’il aille se reposer. »

Le mercredi 12 octobre 2005

La commission nationale électorale gabonaise a publié un communiqué dévoilant le calendrier électoral. Quel commentaire faites-vous par rapport à ce communiqué ?

Paul Okili Boyer : On n’a jamais vu dans un pays démocratique une élection à un tour. La commission électorale est conduite par des personnes qui sont totalement assujetties au régime gabonais. Comment peut-elle être impartiale. Il est hors de question d’accepter de telles choses.

Vous vous rapprochez du candidat Zacharie Myboto pour la conquête du pouvoir au Gabon. Quelles sont les raisons profondes de ce rapprochement ?

P. O. B. : Quand un homme vous montre que véritablement au fonds de lui les valeurs qu’il dégage ne sont pas celles d’un opportunisme, on est obligé de se rapprocher d’un tel leader. M. Myboto veut aider le peuple gabonais à reprendre les valeurs culturelles et traditionnelles.

On vous a connu très proche de Pierre Mamboundou qui est l’autre candidat à cette élection. On aurait pu penser logiquement que votre soutien lui soit accordé. Ce n’est pas le cas pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

P. O. B. : Actuellement le Gabon a besoin de sang neuf et surtout d’expérience. M. Myboto connaît les rouages de la gouvernance d’un État. M. Mamboundou a été à l’ASECNA et je ne lui connais pas de stature politique. Je trouve aussi que M. Mamboundou est un peu régionaliste.

N’avez-vous pas l’impression que l’opposition gabonaise est trop divisée pour venir à bout d’Omar Bongo Ondimba dans une élection à un tour ?

P. O. B. : Étant dans l’opposition gabonaise depuis 1975, date de mon incarcération politique, je peux dire qu’il n’y a pas d’opposition gabonaise. Elle n’a pas été divisée, elle n’a jamais existé. M. Paul Mba Abessolé a voulu prendre pour son compte des valeurs qui ne lui appartenaient pas. Maintenant, nous avons un homme qui s’appelle Myboto qui a des valeurs traditionnelles qui sont respectables.

Pendant 8 ans vous avez été dans les geôles de Bongo. Qu’est ce qui nous garantie que vous ne faites pas l’opposition juste par désir de vengeance ?

P. O. B. : Je crois à la « real politic ». Lorsque j’étais en prison, Bongo n’avait que 8ans de pouvoir. J’ai vu le Gabon de l’intérieur, le Gabon vrai et ceux qui m’ont côtoyé en prison tels : Mindou mi Zamba, Paul Louis Akonjo, Obiang Byé François, Raphaël Raizani, tous ces jeunes qui sont allés là bas avaient des valeurs traditionnelles qui montrent qu’effectivement le Gabon peut se reconstruire. Ce n’est pas la vengeance que je veux puisque le jour où il y aura un vrai changement politique au Gabon, la première chose que je dirai, c’est de ne pas faire du mal à cet homme-là. Est-ce qu’on fait du mal à un musée. Le musée a deux choses : des valeurs qui sont vrais et des valeurs qui sont fausses. Je crois que Bongo a beaucoup de valeurs fausses.

En 2003, vous avez quand même répondu à l’appel de Omar Bongo. Alors, vous êtes un vrai opposant ou un opportuniste ?

P. O. B. : L’opportunisme politique part du fond même de la personne : en disant, je suis une valeur, une non valeur ou une valeur ajoutée. En 2003, Jean Marie Adze, ambassadeur du Gabon en France nous a fait appel en disant que Bongo veut nous voir. Il se trouve que même étant Mpongoué de l’Estuaire, M. Adze, qui est Obamba du Haut Ogoué, a des liens avec ma famille et quelques fois en Afrique, ça passe par la petite porte. Je l’accompagne donc au Gabon. Mais la première chose que Bongo fait avant de me recevoir c’est de faire visiter ma chambre d’hôtel par ses services de sécurité. J’ai pris la poudre d’escampette avec intelligence parce que j’avais aussi une famille à nourrir.

La ministre française de la coopération vient de faire une visite tranquille au Gabon et qui a toutes les allures d’un soutien à Omar Bongo. Ayant la double nationalité française et gabonaise, quel commentaire faites vous de cette visite ?

P. O. B. : Cette visite me fait rigoler et dénote de la foccardisation de la politique française en Afrique. Pour certains hommes politiques français qui continuent de prendre les africains pour de grands enfants, l’Afrique n’a pas de raison d’être sans avoir la raison de la France derrière. Ce qui est peut-être normal parce que nous sommes des francophones et des francophiles. Vous parlez d’une visite tranquille, bien sûr qu’elle doit être tranquille parce que la France n’a pas à s’inquiéter en Afrique. Seulement, la France n’a pas compris qu’il y a des discrétions à faire par rapport à nos peuples qui ont aussi des valeurs traditionnelles. Nous respectons les valeurs françaises, nous les aimons mais qu’on puisse aussi respecter les valeurs gabonaises.

D’aucuns disent que le président Bongo a fait reposer sa politique essentiellement sur le clientélisme. Avez-vous déjà rencontré sa générosité dite infinie ?

P. O. B. : J’ai regardé mon compte en banque encore hier soir. Il n’ y a pas de virement envoyé par Omar Bongo. J’ai été déçu en regardant la vidéo de l’Onu sur Internet. J’ai constaté que Bongo a perdu ses papiers. Il ne sait plus ce qu’il dit, ce qu’il fait. Il faut du sang neuf au Gabon, M. Bongo est très gentil mais il faut qu’il aille se reposer. Si le front d’action gabonaise se rapproche de m. Myboto, c’est tout simplement parce qu’il faut donner sa valeur à quelqu’un qui a de la valeur. M. Myboto vient apporter du sang neuf à cette République. Et c’est pourquoi, moi Paul Okili Boyer, j’appelle à le voter.

Vous êtes un Gabonais à la peau blanche. Au moment où on parle de plus en plus de repli identitaire en Afrique, quels problèmes avez-vous déjà rencontré à cause de la couleur de votre peau.

P. O. B. : Mon problème est très simple. Le gabonais en tant que tel comme d’ailleurs tout africain, lorsqu’il est né, lorsqu’il vit, lorsqu’il a été initié aux pratiques traditionnelles, celles qui font qu’on ait un corps fort dans un creuset, n’a qu’une seule chose : son pays, sa nation, sa famille. C’est peut-être trop traditionnel pour certains et un peu nationaliste. C’est dommage mais grâce à çà, il se fond dans sa nation et ne peut pas vouloir le mal de quelqu’un. Je regrette pour m. Bongo qui a pu croire à un moment donné que prendre l’argent du Gabon pour faire n’importe quoi pouvait perpétuer le système qui veut que : nos pères sont avant nous, nous sommes après eux et nos enfants nous suivront. C’est la notion la plus fondamentale des ethnies africaines.

Propos recueillis par Etienne de Tayo

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