Maroc: Rapport annuel des violations des droits syndicaux (2005)

Population: 31.100.000 / Capitale: Rabat / Conventions de l’OIT Ratifiées: 29 – 98 – 100 – 105 – 111 – 138 – 182

Le gouvernement porte atteinte au droit de grève en élaborant un projet de loi très restrictif. Sur le terrain, les syndicalistes font également l’objet de multiples intimidations. Dans les entreprises Somitex et Nalys, 200 travailleurs nouvellement syndiqués ont été licenciés.

LIBERTÉS SYNDICALES EN DROIT

Les travailleurs sont libres de former des syndicats et d’y adhérer, sans qu’aucune autorisation préalable ne soit requise. Les travailleurs agricoles ont moins de droits que les autres et il est complètement interdit aux magistrats de mener des activités syndicales.
Code du travail
Élaboré en 2003 en vue de moderniser les relations du travail et de rendre l’industrie marocaine plus attrayante pour les investisseurs étrangers, le nouveau Code du travail a pour leitmotiv  » la flexibilité  » ce qui comporte à la fois des caractéristiques positives et certaines négatives. Il inclut des dispositions visant à mettre fin à la nature informelle du travail et à mettre la législation en conformité avec les conventions de l’OIT, telles que celle sur la maternité et celle sur l’âge minimum d’emploi. Il rend également obligatoire de couvrir les accidents du travail et d’enregistrer les travailleurs à la sécurité sociale. Les syndicats ne sont pas entièrement satisfaits du nouveau code. Ils se plaignent qu’il représente une institutionnalisation de l’insécurité de l’emploi et qu’il rend plus facile pour les entreprises de recruter du personnel temporaire. Les employeurs n’ont pas non plus obtenu tout ce qu’ils souhaitaient. Notamment, le gouvernement n’a pas accédé à leur proposition que deux tiers des travailleurs au moins d’une entreprise doivent voter en faveur d’une grève avant qu’une action de grève puisse avoir lieu.
Interdiction de la discrimination antisyndicale
Le nouveau code interdit spécifiquement aux employeurs de licencier des travailleurs qui auraient participé à une action de syndicalisation légitime, et les tribunaux ont le pouvoir de réintégrer arbitrairement des travailleurs licenciés tout comme celui d’obliger les employeurs à payer des indemnités et les arriérés de salaire.
Négociation collective sévèrement contrôlée
Dans une tentative de  » contrôler  » la négociation collective, le gouvernement institutionnalise la procédure de négociation collective pour tous les travailleurs couverts par l’un des trois types de contrats introduits par le nouveau code (à durée indéterminée, à durée déterminée et temporaire).
Droit de grève
En février 2004, le gouvernement a élaboré unilatéralement un projet de loi relatif au droit de grève. L’Union marocaine du Travail (UMT) a demandé une révision de ce texte dont certains articles rendent impossible l’exercice du droit de grève et violent plusieurs conventions internationales ratifiées par le Maroc. L’article 5 garantit par exemple  » La liberté de travail  » aux salariés qui ne participent pas à la grève. Pour l’UMT, le flou qui entoure cette notion laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. La centrale syndicale a également réitéré sa demande de voir abroger l’article 288 du Code pénal relatif à  » la liberté de faire grève « , disant qu’il donnait aux employeurs de trop nombreuses prérogatives. Quant à l’article 6 qui stipule que la grève suspend le contrat de travail et ne le résilie pas sauf dans le cas où le salarié commet une faute grave pendant la grève (vol, ivresse publique, insulte ou usage de toute sorte de violence à l’encontre d’un travailleur ou de son employeur), pour le syndicat, cette notion de faute grave expose les grévistes au licenciement et aux poursuites judiciaires. Dans ce contexte, un slogan ou un piquet de grève, dont l’usage est pourtant reconnu et permis par la jurisprudence de l’OIT, ne seront-ils pas pris pour des actes de violence ?
Nouvelles restrictions imposées aux sit-in, aux piquets et aux manifestations publiques
Suite à un arrêt rendu par un tribunal, les sit-in sont interdits et les employeurs ont le droit de suspendre tout travailleur qui empêcherait les non grévistes de se rendre au travail pendant sept jours. Une récidive au cours de l’année peut entraîner une suspension de 15 jours.
En vertu du nouveau Code du travail, les employeurs ont le droit de poursuivre en justice tout gréviste qui effectue un sit-in, qui porte atteinte à la propriété de l’entreprise ou qui organise activement des piquets de grève. Le gouvernement a le pouvoir de faire cesser des manifestations dans des lieux publics qui se tiennent sans autorisation gouvernementale, et il peut empêcher l’occupation des usines.

LIBERTÉS SYNDICALES DANS LA PRATIQUE

Dans la pratique, les salaires sont souvent fixés par l’employeur mais il y a cependant une tradition de négociation collective dans certains secteurs, y compris le secteur industriel.
Dans certains cas, des différends surgissent du fait que les employeurs ne mettent pas en œuvre les accords conclus à la suite de négociations collectives.
Dans de nombreuses entreprises privées et même dans le secteur public, la législation du travail est souvent ignorée
Certains des pires contrevenants sont les entreprises multinationales qui agissent de connivence avec les autorités. Par exemple, lors de l’établissement d’un syndicat en novembre 2000 dans la filiale de la ville de Salé du groupe irlandais « Fruit of the Loom », entreprise qui emploie plus de 1 200 travailleurs, tout un arsenal de tactiques antisyndicales a été utilisé. Lorsque l’UMT, qui est affiliée à la CISL, a attiré l’attention du gouverneur de Salé sur l’affaire, celui-ci a pris le parti de la direction de « Fruit of the Loom », déclarant carrément qu’il ne souhaitait pas de syndicats dans sa préfecture.
Abus dans les zones franches
Les zones franches commencent à se développer, notamment dans le port de Tanger et à Casablanca. Beaucoup d’entreprises qui y sont installées travaillent malheureusement en marge de la légalité, Ce sont souvent de petites unités de production (textile, agro-alimentaire, etc.) qui ne déclarent pas leurs employés et ne les paient pas au salaire minimum.

VIOLATIONS EN 2004

Lourdes condamnations pour des grévistes après la mort accidentelle d¹un de leurs assaillants

Depuis décembre 2002, 150 ouvriers et cadres des mines d’Imini, relevant de la Société anonyme chérifienne d’études minières (SACEM) étaient en sit-in devant le siège social de l’entreprise à Ougoug. Ils protestaient contre la décision de leur employeur de transformer leur contrat en temps partiel avec une réduction de salaire de 50 %. Le 15 avril 2004, le sit-in des travailleurs a été brutalement brisé par des hommes de main envoyés par la direction de la SACEM. Parmi les 120 personnes recrutées au sein de cette milice patronale, se trouvait un homme diabétique, souffrant de troubles psychologiques et qui venait de sortir de l’hôpital. Après avoir été légèrement blessé à la main durant l’assaut, cet homme aurait été conduit une nouvelle fois à l’hôpital où il serait mort dans des circonstances suspectes. Entre-temps, une partie des travailleurs syndiqués étaient arrêtés et des poursuites judiciaires liées à sa mort intentées contre eux.
200 licenciements Chez SOMITEX et NALY à Salé
Depuis l’adhésion de leurs ouvrières au syndicat, le 14 décembre 2003, les responsables de Somitex et Nalys, filiales de la Société anglaise Somitex (Textile), ont multiplié les mesures répressives à l’encontre du personnel. La direction a interdit à quatre ouvriers d’accéder à leur poste de travail et a licencié un groupe d’ouvriers ayant un contrat à durée déterminée. Les ouvriers ont revendiqué la réintégration des quatre ouvriers et des négociations avec leurs représentants syndicaux. En guise de réponse, la direction a alors licencié plusieurs autres ouvriers, dont tous les membres du bureau syndical. Devant le refus absolu de la direction de répondre aux multiples appels au dialogue, les travailleurs ont décidé de porter un brassard les 18 et 19 mars 2004. La direction a alors accusé le secrétaire général de  » terrorisme « , et l’a conduit au commissariat pour essayer de l’intimider. Le personnel a lancé une grève de protestation pendant 48 heures. Le 10 avril, les ouvriers ont été violemment interpellés par les forces de l’ordre, à l’entrée de l’usine,. Ces incidents ont fait une dizaine de blessés. Depuis lors, la direction a décidé de licencier environ 200 salariés adhérents de l’UMT.
La direction de TECMED-Rabat ne veut pas de syndicat
Les ouvriers syndiqués de TECMED ont été l’objet d’incessantes intimidations de la part des responsables de leur entreprise depuis la création de leur bureau syndical au sein de l’UMT, le 15 février. La direction ne s’est pas présentée aux réunions prévues avec les représentants syndicaux, a licencié le trésorier du bureau syndical, et a menacé les ouvriers pour qu’ils quittent l’organisation. Ces abus ont conduit le personnel à observer une grève d’avertissement de 24 heures. Le 6 mars, alors que le syndicat avait respecté toutes les procédures légales et que l’action de grève n’avait engendré aucun accident, la direction a déclaré la grève illégale et a licencié de façon totalement arbitraire une partie des grévistes.

Source:

le web de la CISL-ICFTU.

www.icftu.org