Pour faire simple, appelons-là l’entreprise démocratique. Sa structure est standard : personnel de direction, d’administration et de production.

Dans l’entreprise démocratique, le personnel de production commence sa carrière au bas de l’échelle, cela s’appelle l’apprentissage, et s’arrête en cours de route car il ne peut pas changer de catégorie. Ce n’est pas prévu dans le système. Vous pensez bien ! changer d’échelle à ce niveau serait beaucoup trop dangereux. Déjà qu’en restant à sa place, il peut se retrouver en bas plus vite qu’à son tour, alors grimper !

Le personnel administratif aussi commence au bas de l’échelle, mais pas la même. Lui, peut monter et changer d’échelle, ce qui fait que l’on ne trouve à la direction que des anciens de l’administratif. Autre distinguo d’importance, contrairement à la production, l’administratif ne peut pas tomber de l’échelle. Il y est solidement arrimé et ne peut que monter.

Le personnel de direction, lui, commence en haut de l’échelle et cherche à aller toujours plus haut. D’ailleurs, il n’imagine même pas qu’une échelle puisse servir à descendre. Sa compétence principale consiste à empêcher les autres de gravir les échelons. Une des techniques employées pour rester au plus haut, est de scier les échelons au fur et à mesure de son ascension. Tant pis pour l’échelle. Tout comme les administratifs, la direction ne peut pas tomber, car en plus d’y être fermement arrimée elle est munie de parachutes.

Dans l’entreprise démocratique la direction connaît l’administration. Normal, comme ils font souvent échelle commune, cela crée des liens, mais elle ne connaît pas la production. Trop loin, pas le temps. Et à quoi sert de connaître un monde que l’on a aucune envie de fréquenter ? Pourtant la direction est élue par l’ensemble du personnel. Mais, comme ne peuvent se présenter aux postes les plus importants que les membres de la direction et ceux de l’administratif, la production n’est pas très intéressée. Comme ce n’est pas très mobilisateur pour la production, elle ne se mobilise pas. Logique.

Pour être élue, la direction promet beaucoup et n’importe quoi. Cela n’a pas d’importance, c’est le jeu. Et puis, ces engagements ne sont pas faits pour être tenus, ils servent juste le temps de l’élection. Enfin, pas tenus… les engagements promis à la production, car ceux promis au personnel administratif le sont toujours. Car lui se mobilise et sait secouer l’échelle.

Allez savoir pourquoi, l’entreprise démocratique fonctionne constamment sur trois pattes. Alors, par souci de bonne gestion, on applique deux recettes infaillibles. La première et la plus évidente consiste à renvoyer la direction incapable et à la remplacer par une autre direction. Puis, comme ça ne fonctionne pas mieux, on rappelle l’ancienne direction. L’ancienne explique que c’est la faute de la précédente, qui proteste à son tour et déclare que c’est la faute de l’ancienne. Chacune cherche à faire tomber l’autre de son échelle.

La deuxième solution, qui sert essentiellement à financer la première, car à défaut d’être efficace l’incompétence est onéreuse, consiste à tailler dans les dépenses… de la production bien sûr. De la direction ? Vous n’y pensez pas ! c’est elle qui taille. L’administratif ? A éviter à tout prix, aucune échelle, aussi haute soit-elle, ne lui résiste. Mieux vaut taxer la production, ils ont l’habitude et ne disent rien. Enlever un barreau à des millions de petites échelles rapporte beaucoup plus que d’ôter dix barreaux de cent grandes échelles. Et puis, n’est-ce pas de la bonne démocratie de s’occuper en priorité du plus grand nombre ?

Ah ! une question que vous vous posez sans doute. Mais que fabrique donc l’entreprise démocratique ? Des échelles bien sûr !