Cet attentat terroriste islamiste a des conséquences incalculables pour les prochaines années tellement les symboles sont forts ici : un enseignant, devant son établissement, un agresseur agé d’à peine 18 ans, l’incroyable cruauté de l’acte commis … c’est catastrophique pour l’ensemble de la communauté éducative, et notamment pour la relation de confiance entre enseignants, élèves et parents, et c’est une catastrophe pour l’ ensemble de la société.

Pour comprendre qu’on puisse jeter en pâture un enseignant ou un être humain de cette manière, il faut imaginer le sentiment d’impunité qui anime certaines personnes qui se permettent d’intimider et se sentent à ce point fortes et légitimes au point de remettre en question les principes même qui fondent toute société. Un contexte où l’État et ses services publics, déjà très affaiblis par des politiques d’austérité budgétaire des derniers gouvernements, sont en plus dénigrés et pointés comme racistes, oppresseurs d’une religion en particulier, islamophobes, et où la laïcité est mise en accusation, présentée comme une anomalie dans le monde où nombre de pays n’ont pas la même approche.

Ce qui a déclenché et permit cet acte c’est toute cette ambiance, tout un écosystème idéologique, celui que construit l’islamisme, pas à pas, infusant à petit doses et avec des ballons d’essais réguliers une idéologie aux multiples ramifications et relais. Idéologie islamiste qui peut se targuer en France d’avoir fait reculer les valeurs de laïcité, d’ émancipation par l’éducation, de liberté d’expression, et d’avoir gagné des batailles culturelles parmi toute une partie de la population qu’elle fourvoie. En effet cette idéologie islamiste avance en France ou en Europe sous couvert du visage du progressisme en prétendant défendre une minorité, des libertés individuelles, alors qu’il n’en est rien. L’agenda de ce mouvement est tout autre et son projet est profondément réactionnaire, y compris et surtout pour celles et ceux qu’elle prétend défendre.

Autant nous savons pointer du doigt et analyser la logique de ces écosystèmes idéologiques quand il s’agit d’actes venant de l’extrême droite traditionnelle comme par exemple le terrible attentat à la sortie d’une mosquée, il y a un an, blessant grièvement par balles deux personnes de confession musulmane. On pointe alors à raison des discours politiques, certaines figures médiatiques, et un parti politique plus spécialement. On sait alors désigner et nommer toute la nébuleuse d’extrême droite habituelle qui banalise les idées racistes … Autant on peut déplorer qu’il y ait une méconnaissance et une forme de naïveté face à cette autre déclinaison de l’extrême droite, plus récente, qu’est le fascisme islamiste.

Il faut maintenant nommer cette extrême droite islamiste, ses allié.e.s islamo-gauchistes, l’analyser, comprendre ses codes, son langage, ses multiples relais à la fois médiatiques, associatifs, sa stratégie d’entrisme dans les partis politiques, dans les services publics, l’entreprise, le sport, jusqu’à vouloir façonner l’ensemble de l’espace public à l’image de son projet de société régressif. Comprendre dans quelle séquence historique elle s’insère, d’où elle vient, comment elle a procédé dans d’autres pays. Je pense à l’Algérie qui en a beaucoup souffert et en souffre encore. Il faut apprendre de l’histoire récente de ces pays, la montée politique de cette idéologie dans les années 80 : c’est ainsi qu’on la combattra plus efficacement en France, avec la même force que l’on combat les autres extrêmes droites implantées dans notre pays depuis bien plus longtemps et plus connues.

Il faut que la gauche se réveille maintenant et qu’elle ne laisse plus le terrain du discours à la droite dure et à l’extrême droite avec toutes les instrumentalisations politiciennes. Qu’elle réaffirme ses valeurs et son combat pour l’ émancipation des consciences par l’éducation, ce qui heurte inévitablement et frontalement le projet des réactionnaires qui prospèrent sur le terreau de l’ignorance. Il ne peut y avoir la moindre convergence avec eux. Il n’est plus possible de rester silencieux quand une lycéenne est menacée de mort pour des propos antireligieux et déscolarisée pendant des mois pour garantir sa sécurité. Si on aspire vraiment à être un jour aux responsabilités dans ce pays, on doit répondre à ce problème pour être crédible. Au pouvoir, on devra forcément faire face à ce fléau. Ce n’est pas parce qu’un problème est instrumentalisé qu’il n’existe pas et qu’il faut se réfugier dans un déni, même relatif.