En 2015, on a vu fleurir sur les trousses des profs des pins « je suis Charlie ». « Je suis », un journal raciste, mysogine, homophobe et transphobe.
Aujourd’hui, il y a un nouveau pins sur la trousse : « je suis Samuel Paty ». « Je suis », un prof raciste, qui a cru pertinent de montrer des caricatures islamophobes, en les présentant comme un modèle à suivre de la liberté d’expression, et a discriminé ses élèves en proposant à celleux qui seraient choqué.es de sortir de classe.

Verra-t-on bientôt des pins « je suis Fatiha-Agag Boudjahlat » ? « Je suis » une prof raciste, transphobe, qui appelle publiquement sur twitter les terroristes blancs d’extrême droite à « remettre le score à égalité » ?
Ou bien des pins « je suis Didier Lemaire » ? « Je suis » un prof raciste, fasciste, adepte de la théorie du grand remplacement, qui déclare que « Nous ne sommes pas loin d’un scénario à l’algérienne et nous ne sommes plus dans un état de paix. Il nous faut des lois d’exception qui visent l’ennemi et ne s’appliquent qu’à l’ennemi. » ?

Combien de profs ont dénoncé la loi raciste de 2004 sur les signes religieux à l’école ?
La création de la « Charte de la laïcité » en 2003 ?
L’instauration de « référents laïcité » dans les académies, véritables commissaires politiques de la République ?
La place de plus en plus importante faite à la « laïcité » dans les programmes ainsi que dans la formation en INSPE (ex-ESPE) ?
La délation raciste de mineur.es à la police par des collègues ? La répression policière et judiciaire qui s’en est suivie ?
Bien trop peu. Et pas assez fort.

Si l’Education Nationale a toujours été une institution raciste, on pouvait avoir l’impression que contrairement à la Police, ce racisme ne concernait que l’institution elle-même, sa direction et non pas les profs, sauf à la marge. On pouvait se baser par exemple sur les sondages de sorties des urnes, qui montrent toujours que le vote FN/RN est très minoritaire dans l’enseignement.
Mais il est aujourd’hui évident que le racisme n’est pas et n’a jamais été l’exclusivité du FN. On le voit très clairement, au grand jour, dans la quasi-totalité des partis politiques y compris à « gauche » (PS, EELV, PCF, LFI, LO…), et dans certains syndicats (FO et FSU concernant les profs).
Ce constat est le même pour le corps professoral. Le racisme dans l’Education Nationale, ce n’est pas seulement le/la prof tellement raciste que sa haine saute aux yeux de tou.tes, c’est aussi le/la prof qui se dit antiraciste, républicain.e mais pense que « le voile musulman est un objet de soumission de la femme ».

Si l’Education Nationale est quelque peu hermétique au racisme « à l’ancienne », elle est en revanche complètement poreuse au racisme « républicain », qui ne dit pas son nom. Plus que poreuse, c’est en fait une institution qui est aux avants postes de ce nouveau racisme pour qui la laïcité fait office à la fois d’épée et de bouclier.

Qui a en effet fait du voile un objet de discussion central en France ? Ce sont des profs et des directeur.trices d’établissements scolaires, dès la fin des années 1980, notamment lors de « l’affaire de Creil ».
En septembre 1989, le principal d’un collège avait exclu trois élèves musulmanes au motif que « le voile est une marque religieuse incompatible avec le bon fonctionnement d’un établissement scolaire ». Il en avait profité pour stigmatiser les élèves juif.ves en dénonçant « une vingtaine de jeunes israélites [qui] ne viennent pas le samedi matin, ni le vendredi soir pendant l’hiver ». Tout ça avec le soutien des profs de son établissement. Cet évènement aura créé une tempête médiatique qui aurait pu s’achever avec un arrêt du Conseil d’Etat rendu en novembre 1989 disant clairement que « le port du voile islamique, en tant qu’expression religieuse, dans un établissement scolaire public, est compatible avec la laïcité ».

Mais c’était sans compter sur l’acharnement des professeurs et directeur.trices d’établissements scolaires, qui ont été très nombreux.ses à continuer de discriminer les élèves musulmanes, à vouloir absolument les dévoiler, quitte à aller à l’encontre d’un arrêt de la plus haute juridiction administrative de France. Quelques exemples :

  1. En 1990, trois élèves sont exclues du collège Pasteur de Noyon. Les enseignant.es d’un collège de Nantua se mettent en grève contre le port du voile à l’école.
  2. En octobre 1994, à Mantes la Jolie, manifestation des élèves du lycée Saint-Exupéry en faveur de la liberté de porter le voile en classe.
  3. Un mois plus tard, 24 élèves voilées sont expulsées de ce lycée et du lycée Faidherbe à Lille.

Entre 1993 et 2003, c’est une centaine d’élèves musulmanes qui seront exclues de collèges ou lycées publics pour port de voile « islamique ».
C’est aussi dans ce laps de temps qu’a eu lieu l’attaque du World Trade Center le 11 septembre 2001 par Al-Quaeda, faisant beaucoup pour la libération et la légitimation des discours racistes dans l’espace public, y compris dans les écoles.

L’aboutissement de cette séquence -initiée par des profs et personnels de l’Education Nationale-, c’est la décision de Jacques Chirac (le même qui quelques années plus tôt se plaignait du « bruit et de l’odeur » des personnes noires et arabes) de créer une loi interdisant tout signe de port religieux à l’école, décision matérialisée par l’adoption de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l’école. Loi qui permettra à l’Education Nationale d’exclure légalement des centaines d’élèves musulmanes de ses collèges et lycées.

Là où le FN/RN a échoué, le Printemps républicain a réussi et s’est répandu dans l’Education Nationale comme une gangrène.
Au grand jour, avec la nomination de personnes proches de ce parti ou y appartenant à des postes clés, comme recteur.trice,ou encore au conseil des « sages » de la laïcité, créé par le ministre, Blanquer, un partisan d’une ligne ultra-raciste d’interdiction du voile dans tout l’espace public. On y retrouve par exemple Laurent Bouvet, co-fondateur du printemps républicain. Ce parti infiltre aussi la formation des enseignant.es en INSPE (ex-ESPE). Par exemple, Frédérique de la Morena, membre du conseil des sages, autrice de livres racistes comme « Laïcité, une question de frontières », et conférencière au Grand Orient de France aux côtés notamment d’Aurore Bergé, est formatrice à l’antenne de Montauban de l’INSPE de Toulouse.
Mais aussi, plus discrètement et insinieusement, avec la reprise des éléments de langage du Printemps républicain, par une partie du corps professoral, par des personnes qui n’osent pas être associées à ce parti mais en partagent les idées.

Et que se passe-t-il pour celleux qui ont le courage de dénoncer tout ce racisme ? Celleux qui le font individuellement sont au mieux ignoré.es, au pire se font sanctionner, ostraciser par la hiérarchie, celleux qui le font collectivement (comme Sud Education 93) servent d’exemple à des députés racistes pour justifier la dissolution de syndicats professionnels. Bientôt, les profs qui oseront parler de racisme d’Etat, de racisme systémique seront santionné.es par leur hiérarchie mais aussi par la justice pénale.
Et pour les profs racistes ? Des ronds de serviette dans plus ou moins tous les grands médias, un soutien sans faille de toute la hiérarchie, du DASEN jusqu’au ministère, avec protection fonctionnelle, voire même protection policière pour les plus racistes.

Aux profs qui restent sur la touche, ne soyez plus complices du pire par silence et/ou inaction, faites vous entendre, et luttez contre la gangrène raciste, par tous les moyens.
Aux profs qui se voient comme des grains de sable dans la machine : un grain de sable ça abîme les engrenages tout doucement, mais un sabot ça bloque l’engrenage et ça casse la machine. Soyez des sabots. Sabotez.