On voudrait commencer avec deux ou trois choses qu’on a vécues pendant la manifestation qui s’est déroulée le 28 novembre à Paris. On rappelle que c’était la première manifestation appelée par une coordination initiée par les syndicats de journalisme et la ligue des droits de l’homme, et étendue à une soixantaine d’organisations et de médias. Un arc très divers quant à la plus ou moins grande proximité des organisations avec les cortèges sociaux des quatre ou cinq dernières années, allant de reporters d’images qui, avant d’obtenir carte de presse, ont justement commencé leur activité à l’intérieur des cortèges, par exemple le collectif Oeil ou La Meute, qui écrit ici au sujet des « violences policières à l’encontre des reporters d’images » (on ne voit pas pourquoi en effet, les reporters d’image seraient miraculeusement épargnés, sauf à se tenir derrière les lignes le keufs et à ne documenter ainsi que le point de vue des keufs) jusqu’à par exemple la société des réalisateurs de films, née au lendemain de 1968 (on se souvient que sur le trajet de la manifestation, avant d’être interrompue par les coups de marteaux donnée contre la vitrine d’un concessionnaire bmw, une voix avait rappelé cet acte de naissance, comme-ci cela suffisait à donner raison de discourir, parmi d’autres sur la plate-forme roulante de la coordination que tirait justement une camionnette à moteur.

On se souvient que tout le monde avait vu les images de Michel Z. tabassé par la police.

Tout le monde sait que la police tabasse depuis que la police existe. Toutes les polices tabassent, y compris les polices révolutionnaires. Mais en régime de démocratie, il y a toujours une pente de l’esprit qui glisse à gauche vers l’idée d’un tabassage qui serait républicain, c’est-à-dire vers cette idée que l’usage de la force par la police pourrait s’inscrire dans une certaine rationalité et que l’on pourrait en discuter paisiblement. Rituellement, l’auto-hypnose est mise en échec par les témoignages, qui sont innombrables, de personnes humiliées, démontées, mutilées par la police et dramatiquement, tout aussi rituellement, le rêve est reconduit d’un police qui existerait sachant se tenir, qui serait tenue par les forces supérieures de la démocratie, parmi lesquelles les reporters d’images se comptent eux-mêmes en guise de contributeurs à l’idée d’une justice rendue par les oppresseurs même. Au comble de la brutalité d’un esprit versé à gauche, il y a cette idée que le meurtre, lorsqu’il est commis par la police, pourrait avoir ses raisons et que, s’il en manquait, l’appareil de justice en jugerait et ferait la part entre des meurtres commis par la police qui seraient républicains et d’autres qui ne le seraient pas.

Le 28 novembre, de place de la République à place de la bastille, il y avait grand monde et on n’a pas boudé son plaisir.

D’une caméra de rue à la façade de la banque de france, en passant par quelques chères voitures, les flammes avaient bien choisi leur camp. On ne refait pas le récapitulatif. Il y a eu plein de récits, compilés par exemple. Lorsqu’on a choisi de s’arrêter rue du Pasteur Wagner, une voix a dit (à peu près, on cite de mémoire) ; « et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? On fait demi-tour ! Pourquoi est-ce qu’on irait là où on nous dit d’aller ? » Perso, c’était pas notre idée de faire demi-tour et d’inverser le mouvement dense de la foule, mais peu importe. La question était posée. Celle de l’espace de la manifestation défini par la préfecture, et en accord avec la coordination d’appel. De fait, on n’est pas sorti de cet espace. Or, cette fois-ci, à la différence de bien d’autres, il n’y avait pas d’escadrons le long des trottoirs bien sûr, ni même surtout à l’angle des intersections. Il y avait des voies de sorties hors du trajet préfectoral, qu’on n’a pas songé à prendre. Faut re-dire qu’on ne s’est pas ennuyé, non plus. Mais la question de l’espace appelle aussi celle du temps. La manifestation est arrivée au terme du trajet préfectoral, place de la bastille. Des keufs y ont vacillé sur leurs appuis [1]. Les organisations ont quitté la rue et il faut bien dire que nous aussi, d’assez bonne heure. Pourtant, cette fois-ci, autour des organisations, il n’y avait absolument aucun service d’ordre (ah, leurs gazeuses, leur matraques syndicalement et Républiquement maniées !) On s’était dit qu’il y avait un coup à jouer. Que les camionnettes pourraient être enfin d’utilité. On a essayé d’en garer une sur la place, mais ils n’ont pas voulu, et ensuite, ils s’en sont plaints (on peut lire ici les commentaires) et nous répétons qu’il n’y a eu ni agression ni insulte de notre part. Quand même, toutes ces camionnettes qu’on aurait pu mettre en travers de la rue ! Quel dommage ! Dans la rue, cette fois, nous n’avons pris à la préfecture ni le temps ni l’espace.

Donc, pour les prochaines fois, la coordination appelant à manifester les 3, 16 et 30 janvier prochains :

À celles et ceux qui viennent avec une camionnette, on dit qu’ils sont bien libres, comme toute le monde, de rentrer à la maison à l’heure de la dispersion sifflée par les keufs, qu’on ne s’y opposera bien évidemment pas, mais qu’ils nous laissent leur véhicule : on en fera bon usage !

Note

[1] : Oui, l’espionnage de la téléphonie, le visionnage des images de la ratp ont bien servi la cause des keufs, et bientôt des juges, contre un individu que la police est allée cherché un matin dans un squat, parce qu’elle l’accuse d’avoir bousculé un de ses pions place de la bastille, mais toutes les autres images, celles des reporters, qu’ils soient reporters d’occasion, reporters de métier, reporters militants, on en oublie, ont également servi, comme souvent. Lorsqu’il s’agira de tenir la rue, quelle sera l’utilité des reporters d’images ? Qui aura besoin d’identifier les individus ?