Envisageons deux possibilités (parmi d’autres):
1/ une approche plutot marxiste orthodoxe:
– une réflexion basée sur le salariat voire son extension (revendiquée par le mouvement radfem marxiste, par exemple la mobilisation « wages for housework », en français « un salaire pour le travail domestique »);
– une vision « classiste » de l’après-révolution, où les paysan.nes indépendant.es et les ex-salarié.es agricoles resteraient producteur.rices de nourriture. Un exemple significatif est la popularité d’ouvrages tels que Le paysan impossible de Yannick Ogor qui revendique une classe paysanne « rebelle » à laquelle il appartiendrait. Ou plus classiquement Les paysans dans la lutte des classes de Bernard Lambert
Ce qui pose les questions suivantes:
– quelle portée de la revendication d’abolition des classes? Ne s’agirait-il pas in fine de remplacer une classe dirigeante par une autre? Auquel cas pour les exploité.es (du monde agricole mais pas que(, à quoi bon la révolution?
– une fois le salariat aboli, qui produirait la nourriture?
En effet, on peut partir du constat que si l’agriculture capitaliste était abolie, l’agriculture « paysanne » ne pourrait pas fournir la demande et les ouvrier.es agricoles actuel.les ne seraient pas motivé.es à continuer la production; la plupart d’entre elleux étant plus en recherche de salaire que de travail agricole; peu font ce métier par « vocation ».

2/ une approche plus libertaire :
– les urgences actuelles sont multiples et l’agriculture n’est pas un thème prioritaire mais
– après l’avènement de la révolution, un processus assembléiste et autogestionnaire serait mis en place parmi les révolutionnaires pour décider qui prendrait part à la production agricole
(ce qui serait compatible avec une application à l’agriculture du slogan syndical « travailler tous.tes, moins et autrement » et avec le principe de rotation des tâches)
(ce qui pourrait conduire théoriquement à l’abolition de la « classe paysanne » (!) )

Ce qui pose les questions suivantes:
– quels stocks de nourriture assureraient la jonction pendant le nécessaire temps de la mise en place de l’autogestion (formation d’assemblées, décisions collectives, acquisition de connaissances nécessaires à la production, émergence de nouvelles formes d’organisation de la production) ?
– comment éviter la perpétuation, certe sous des formes plus subtiles, des hiérarchies sociales actuelles (comme trop souvent dans les milieux militants)?
Autrement dit, comment éviter que les tâches « minorées socialement » (et l’agriculture en fait partie) ne soient in fine effectuées par des groupes ou personnes « minoré.es socialement »?
(Via des discriminations sexistes, racistes, agistes, validistes, religieuses etc)
Autrement dit encore, tout ce que tu décides par choix de ne pas faire toi-même et qui doit être fait est fait par d’autres, qui n’ont pas le choix.

Remarques:
– Ces pistes de réflexion ne sont pas exhaustives et d’autres réponses pertinentes existent probablement.
– La thématique agricole mérite d’être appropriée par les forces militantes pour éviter que la révolution ne finisse en famine (et en contre-révolution capitaliste, fasciste ou autre)
– historiquement, les révolutions qui ont « tenu » sont celles issues de sociétés paysannes (révolution française 1789, Catalogne 1936, révolutions latino-américaines, …)
– les rapports de force des salarié.es peuvent être posés – et gagnables – lorsqu’une désertion collective de longue durée est possible (comme dans les manufactures françaises de la deuxième moitié du XIXe siècle)
– à défaut de démarche à large échelle, des connaissances même basiques en agriculture (et en autoconstruction) permettent des processus d’émancipation (individuelle ou en petits groupes affinitaires), même partielle, du salariat et de la société de consommation.
En d’autre termes, construire l’autonomie.

…faute de quoi on ne peut que faire le constat de son aliénation au système capitaliste.