Sur les débats autour des pratiques sexistes dans le milieu militant nantais
Catégorie : Local
Thèmes : Archives
Lieux : Nantes
Indymedia Nantes a été un des espaces d’expression où se sont exprimés à la fois la dénonciation de ces pratiques sexistes et les difficultés évidentes de les aborder. Au sein du collectif, nous avons abordés à plusieurs reprises cette question en déplorant la tournure que prenaient les échanges. Ce n’est pas tant la dimension conflictuelle du débat qui embarrasse les membres du collectif que la tournure négative qu’il prend et la difficulté à faire qu’il débouche sur quelque chose d’intéressant ou de positif. Nous nous sommes interrogés sur la manière d’intervenir ou plutôt sur la manière de favoriser le débat de manière constructive.
Il nous a semblé qu’une des manières d’y arriver pouvait peut-être être de mettre à disposition des documents que certains d’entre nous avions abordant cette question des relations hommes/femmes et plus largement des rapports genrés.
Nous en proposons donc un premier document qui analyse la manière dont se distribue la parole dans les groupes mixtes aboutissant souvent à la mise sous silence des femmes. Nous en avons quelques autres en lien… si certains ont d’autres textes ou d’autres outils, ils sont les bienvenus sur le site.
Bien entendu, la lecture du meilleur texte sur la question du sexisme ne fera pas avancer d’un iota les choses si les pratiques concrètes et quotidiennes ne changent pas, mais mettre des mots sur ces pratiques est parfois un premier pas pour ne plus les subir, pour s’en défaire ou pour les remettre en cause, du moins espérons-le.
Premier texte :
Le même au format pdf
Autres textes sur le net….
– http://www.antipatriarcat.org/hcp/html/leo_thiers-vidal.html
– http://1libertaire.free.fr/Delphy13.html
– http://www.feminismeradical.com/anarpat.htm
– http://home.graffiti.net/flagrant-delit/Textes/fd10_affect.html
– http://1libertaire.free.fr/Debatsurdebat01.html
– http://vegantekno.free.fr/antisexism.html
– http://www.antipatriarcat.org/hcp/html/accueil.html
Un site sur le sujet :
dites, pb technique: il y a pas grand chose dans le fichier rtf…
Chez moi, ça fonctionne. En clinquant sur le texte il te demande où l’enregistrer…
Que se passe-t-il chez toi?
Spino
Moi aussi j’avais des problèmes pour lire le texte. Du coup j’ai rajouté le meme au format pdf histoire que tout le monde puisse le lire
ok en pdf ça marche.
en rtf ça m’indique au départ quand ça charge bien un truc comme 40000 caractères mais au final il n’y a que deux « ?? » qui s’affichent… vous avez une idée pourquoi?
(j’utilise word pour mac)
Soit, au lieu de cliquer directement dessus, tu l' »enregistres sous » avant de l’ouvrir, soit tu nous laisses ton contact pour qu’on t’envoie ça par mail (tu peux envoyer un mail à nantes@indymedia.org ou à l’unE des modérateuricEs qui sont intervenuEs sur cette contrib’)…
moi j’utilise abiword (logiciel libre) et ça marche bien… bilan n’hésitez plus, gnu/linux for revolution !! ;)
au fait ça me fait penser je vous balance ces adresses
– http://grepgrrl.poivron.org/pages/french.html site d’un « collectif » (je sais pas si c’est le bon mot) de geekEs (pareil)
– http://gendertrouble.org
– http://infokiosques.net (qui en ce moment marche pas tres bien mais est plein de textes intéressants)
Personnellement, je pense qu’il devenait effectivement nécessaire de créer un débat ouvert sur les pratiques sexistes dans le milieu militant libertaire nantais… la situation est tendue, crystallisée autour de cette question depuis plusieurs mois sans compter des années (je ne peux estimer combien)de domination masculine sans aucune remise en question.
Dès lors je trouve votre initiative très pertinente ainsi que le choix du texte et des liens. L’on peut se dire qu’après plusieurs mois d’enlisement ainsi que de guerre de tranchées par média interposé qu’il s’agit d’un espoir de voir enfin une réelle confrontation.
Il serait peut-être utile de s’arrêter plus longtemps sur cette question, car la situation à Nantes sur le plan du sexisme devient depuis lontemps invivable: les intimidations physiques ne sont pas à exclure pour une militante souhaitant se sortir de son rôle-type d’accompagnatrice/supportrice des hommes. Je ne veux aucunement dire qu’il existe un stade « tolérable » de sexisme mais, l’on est arrivé ces derniers temps à des niveaux peu souvent égalés. Personnellement, j’ai été, ces derniers temps plus victime d’aggressions sexistes(et en plus elles étaient plus caractérisées) en milieu militant libertaire qu’en milieu neutre. De plus, ces aggressions étaient plus pernitieuses vu que certaines personnes reproduisant le patriarchat dans ce milieu vont aussi se poser comme chantres de l’anti-sexisme et vont même jusqu’à conseiller des bibliographies sur ce sujet… A croire qu à Nantes (je ne veux pas parler pour les autres villes que je ne connais pas ou très partiellement)les personnes ont cru pouvoir être anti-sexistes avec comme seul effort la revendication d’être anti-sexiste et la maitrise du discours.
Toutefois, comme vous le soulignez vous-même, je crains que cela ne soit suffisant puisqu’aucune confrontation directe, aucn débat public dans ce milieu n’existe (il en est de même pour le principe d’autogestion) je pense d’ailleurs que cette rencontre est d’ailleurs sciemment évitée afin de bloquer toute remise en question de nos pratiques. Dès lors, je reste quand même pessimiste quant à une issue constructive dans un bref délais de cette situation; Vu qu il existe une réelle volonté de non remise en question.
well,well,well,comme il est encore possible de l ecouter,alors allez sur le site de france culture,cliquez dossiers,selectionnez Elfriede Jelinek,choisissez emissions a réecouter,cliquez sur « a voix nue »,et prenez ensuite le temps d ecouter surement mais d entendre,peut etre,ce que developpe cette ecrivaine de talent en affinité avec la pensée de karl kraus,qui a denoncé sans cesse au travers de son oeuvre la domination masculine,revoquant meme la possibilité d un art feminin,car soumis depuis toujours aux criteres masculins etc etc etc……
J ai une petite question quant à la syntaxe militante. Quequ’unE,-e,/e,(e)pourrait-il ou elle m’expliquer s’il existe des différenciations conscientes entre les différentes formes de féminisation des mots? Et si oui sur quoi se basent-elles? Merci
je crois qu’il s’agit juste de choix « esthétiques » différents. en français j’ai d’abord plus vu le style « -e » et depuis qq temps le style « E » qui vient peut-être de l’allemand où même la plupart des textes officiels (type formulaire p.ex.) sont féminisés avec des majuscules.
seulement le style « (e) » est parfois contesté, parce que les parenthèses peuvent être vues comme créant une sorte d’hierarchie…
et d’ailleurs, personnellement je trouve ça bien de ne pas créer un nouvel orthographe (et donc une sorte de répression qui va avec) mais de faire comme on veut et surtout d’essayer différentes manières de féminiser.
p.ex. pour dire « ils et elles » j’ai déjà vu « ils/elles », « illes », « els », … j’sais pas trop ce qui est le mieux mais lâchons nous et profitons en pour jouer un peu avec le langage!
pour éclairer la question du langage,un texte que nous avons écrit il y a quelques mois(inter raï mars 2005)
LA LANGUE FRANCAISE SE PRETE –T-ELLE DIFFICILEMENT A LA FEMINISATION DU LANGAGE ?
Soulignons d’abord que ce qui caractérise «notre langage » c’est sa non-neutralité. Globalement la plupart des langues sont construites sur ce modèle..
S’il est n’est pas neutre le langage comme tout outil a un sens. Aussi lorsque la grammaire stipule que le «masculin » l’emporte sur le « féminin » il ne faut pas y voir un phénomène « naturel » il faut comprendre ici que le langage est autant une construction sociale et politique que le véhicule inconscient ( à force d’intégration, d’habitude et de naturalisme) de cette société .
Ainsi les anciens voyaient le féminin comme passif, le masculin comme actif. Plus tard au 17ème siècle, Vaugelas et le père Bouhours posent que le genre masculin est le plus noble. Il prévaut tout seul contre deux féminins. On reconnaît là les fondements d’un slogan toujours d’actualité : « le masculin l’emporte ».
Avec Bescherelle au 19ème siècle le masculin est le substantif par excellence et l’on apprend a former le féminin supposé inexistant.
Aussi depuis toujours, dans les grammaires et les dictionnaires, le masculin paraît être l’unique donnée de la langue et le féminin une sorte d’artifice. On se rappelle que selon une certaine version de la Genèse Eve aurait été «crée » à partir d’une cote d’Adam… Et bien c’est ainsi que les mots féminins sont construit à partir du substantif qui lui est toujours masculin.
Le présupposé du masculin premier, ouvertement déclaré en son temps est aujourd’hui implicite et entièrement intériorise par les hommes et les femmes. Tous conditionnés à cet ordre norme !
Mais s’il est de plus en plus banal d’interroger aujourd’hui la notion de «race », la notion de « sexe » quant à elle n’est guère remise en cause. Ces deux notions sont pourtant toutes les deux centrales dans la structuration des sociétés et leur système hiérarchique. « Sexe » et « race » sont le produit d’un long processus de « spécification » et de « naturalisation sociale » propre aux relations de domination et d’appropriation.
Le concept d’appropriation est d’ailleurs un élément essentiel de la théorie des rapports entre les sexes comme le souligne C. Guillaumin dans son livre « sexe, race et pratique du pouvoir ».
Aussi explique-t-elle comment la possession est directement liée au principe de «privilège de masculinité ». Aboli en 1790 ce droit ancestral stipulait que ne pouvaient hériter des biens patrimoniaux que les individus de sexes mâles. Ce privilège est précisément de l’emporter sur n’importe quelle femelle en matière d’héritage de la terre.
Aboli dans sa forme juridique il continue à fonctionner sous d’autres formes, de manière banale, et ce même quand le masculin ne se relie pas a une caractéristique anatomique. Le métaphorique , le symbolique prend le relais. . C’est le cas dans la langue française dans laquelle le masculin l’emporte sur le féminin parce qu’il est de « genre » masculin et non parce qu’il a des attributs anatomiques masculins.
Dans cet exemple, Le privilège de masculinité ne réside pas dans l’anatomie sexuelle mais dans le fait de posséder la terre. Ainsi au regard de l’histoire, dans le langage c’est cette toute puissance du masculin possesseur de la terre, des biens parmi lesquelles les femmes et des enfants que nous transmettons et réactualisons chaque jour comme message implicite de domination d’une catégorie sur une autre. Derrière l’idée de l’ordre naturel du langage et de la société se situe l’oppression et son besoin d’être légitimée .
Si le genre grammatical (masculin féminin) ne peut être totalement confondu avec le sexe (mâle/ femelle) puisqu’il existe des mots masculins pouvant designer des femmes et inversement, il n’empêche qu’il existe une correspondance réelle entre genre et sexe dans la langue.
Le genre (de l’anglais «gender ») est un concept venu d’outre atlantique. L’usage du mot genre en français comme traduction de gender a longtemps été refusé par les historiens et les éditeurs. En France le terme est apparu en en 1988 avec la traduction sous le titre «genre une catégorie utile de l’analyse historique » de l’article de l’historienne américaine Joan Scott. Elle définie le genre comme un élément constitutif des rapports sociaux fondé sur les différences perçues entre le sexe et le genre est une façon première de signifier les rapports de pouvoir.
Le genre(homme- femme) c’est ce que l’on pourrait appeler le sexe social (distinctions d’ordres sociales politiques économiques…) par opposition au sexe biologique(mâle-femelle : dimorphisme sexuel). Le genre social est l’identité construite par l’environnement social des individus c’est a dire la «masculinité et la féminité que l’on peut considérer non pas comme des données naturelles mais comme le résultat de mécanismes extrêmement forts de constructions et de reproduction sociale au travers de l’éducation.
Simone de Beauvoir avec «on ne naît pas femme on le devient »(Le deuxième sexe) puis Pierre Bourdieu «on ne naît pas homme on le devient » (La domination masculine),Colette Guillaumin , Monique Wittig ensuite, illustrent bien cette construction sociale des «identités » masculines et féminines dans une normalisation des genres qui a pour but le maintien de l’ oppression d’une catégorie sur une autre..
Le caractère sexué et de fait sexiste de « notre langue » fait de celui-ci une courroie de transmission de cette construction sociale qu’est le genre et par conséquent de l’oppression qui en découle.
La mise en place d’un langage non sexiste existe déjà, souvent de manière non officielle, notamment a travers la création de mots tran-sexe tels que « Illes » et « els » pour « ils » et « elles » ou encore l’emploi de terme épicène (neutre) du point de vue du genre. Il s’agit par exemple de parler de « personnes » plutôt que d’ « individu-e-s » tout en faisant attention aux risques de modification de sens : ces deux termes ne sont pas équivalents d’un point de vue politique (concept d’individualisme, libertaire ou libéral opposé au personnalisme concept a connotation chrétienne chez Emmanuel Mounier).
Si la féminisation de la langue française représente un premier pas pour faire sortir les femmes de l’invisibilité que leur confère notre langage et leur permettre de se rapproprier un moyen d’expression politique, la création d’un langage neutre est essentielle et incontournable. C’est le seul moyen de déconstruire le caractère sexué de la langue et plus largement le « genre ».
1 groupe de réflexion anti-sexiste du GASProm