Après plus de trois semaines de grève totale, unanime, et solidaire des pigistes, du jamais vu dans la maison Infomer, un accord a été signé. Maigre accord.
 » On n’est pas des poissons panés « 

clamait le premier communiqué. Faut dire qu’à ces salarié-e-s, roulé-e-s dans la farine, on n’a proposé que des miettes.

Dans cette filiale du prospère groupe Ouest-France, les payes de misère des 25 pigistes basés dans les ports français s’étaient comprimées avec le temps. Le ressentiment aussi. Mal payé-e-s et parfois pas payé-e-s du tout malgré un déplacement en mer, le suivi d’une réunion de crise des pêcheurs au petit matin, un colloque, des enquêtes diverses, sans publication
d’article ou de photo. Corvéable et impayable à merci. Partis de très bas, les salaires n’ont même suivi le coût de la vie. Portées depuis deux ans par les délégués du personnel, les demandes polies de revalorisation salariales n’avaient déclenché que des refus catégoriques et agacés.

28 euros le feuillet, c’était deux fois moins que la moyenne nationale en vigueur. Contre exemple : le quotidien gratuit 20 minutes (à 50% détenu par le même prospère groupe Ouest-France) rémunère ses pigistes à 75 euros le feuillet.

La barre de revendication avait été mise assez bas, dans une vision raisonnable, modeste, qui s’est retournée contre les grévistes. Demandé peu, obtenu moins. Normal. Après un si long conflit, la direction a très peu lâché. 35 euros tout de suite pour un titre, Le marin, une promesse à 40 euros dans un an. Ce point d’arrivée à 40 euros était le point de départ des revendications ! L’ostréiculteur passera à 32 euros le feuillet dans un an !

Les acquis de cette grève sont ailleurs : dans la formidable solidarité à distance de ces journalistes opérant dans les ports de Marseille à Boulogne, dans la détermination de collègues de travail distants de centaines de kilomètres, réunis par une sorte d’AG virtuelle permanente pendant tout le conflit. Cette unité de gens qui ne se cotoient jamais dans le travail, la direction d’Infomer ne s’y attendait pas.

Les délégués se sont retrouvés à négocier avec une base réactive, débattant tous les points de stratégie, les relais, les soutiens. Les textes, communiqués, mels de protestation auprès du patron de ce petit groupe de
presse professionnelle, tout s’est discuté, amendé, amélioré en direct.

Le flot de mels d’indignation a montré son impact, relayé par divers réseaux. Ca montre au patron d’une boite que ce qui se passe chez lui est suivi de près par des gens qu’il ne situe pas, ni socialement ni géographiquement. Une semaine, le dirigeant d’Infomer a concédé avoir reçu 250 de ces mels !

Le pragmatisme des multiples réunions de négociation a plutôt usé ces délégués au contact d’une direction cassante, arrogante. Alors qu’à travers les mels échangés, la rage froide des salarié-e-s était parfois en relatif déphasage.

L’accord de fin de la grève a été signé par la CFDT seule. Le SNJ n’a pas signé.

Mais on apprend beaucoup dans la solidarité. On apprend que le climat paternaliste, démocrate chrétien est désormais un mythe, dépassé par le climat de mépris hautain et la crispation du conflit dus à la seule
intransigeance de patrons qui rêvent de transformer leurs pigistes salariés en vulgaires prestataires de service dont on change comme de boulanger du coin.

Les pigistes d’Infomer

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L’accord :

– Le marin

Le feuillet passe de 28 à 35 euros au 1er mars 05, et à 40 euros au 1er mars 06

– L’Ostréiculteur Français
Le feuillet passe à 30 euros au 1er mars 05, à 32 au 1er mars 06
Photo : 20 euros au 1er mars 05

– Indexation
Dès le 1er mai 2005 pour Produits de la Mer et pour l’ensemble des contributions (textes, photos, etc)

– Dès le 1er mai 2007 pour le marin et l’Ostr.Fr et pour l’ensemble des contributions (textes, photos, etc)

– Prise en compte, au 1er janvier 2007, du montant de l’indexation 2006 sur les barèmes de l’ensemble des contributions (textes, photos, etc- du marin et de l’Ostr.Fr (Exemple, si l’indexation 2006 est à 1,5 %, le feuillet marin passe à 40,6 euros).

– L’indice retenu est celui de la FNPS.

Le reste

– Dotation de 300 euros sur 3 ans pour le matériel, dès 2005 (1).
– Forfaits accès ADSL (environ 50 euros/mois)(1*).
– Bons de commande précis pour papiers, photos…
– Principe d’une réunion annuelle (défrayée et payée) avec l’ensemble des pigistes, au siège. La première pourrait avoir lieu en septembre/octobre 2005..

(1*) Uniquement pour les pigistes les plus importants au sens du dernier protocole électoral. Calculé selon un seuil de revenu, ce critère ne retient que 9 des 25 pigistes.