• Besoin de sexe ?

Le sexe peut se concrétiser sous de multiples formes selon la raison qui motive l’acte. Envie de sexe pour assouvir un désir ou besoin de sexe pour avoir un orgasme, les motivations varient en fonction des personnes et du moment.
L’être humain n’a pas un besoin vital de sexe, et peut ainsi observer des périodes d’abstinence très longues sans mettre en péril sa santé physique ou mentale. Un individu asexuel (qui ne ressent pas d’attirance sexuelle pour autrui) peut ne jamais avoir de rapports sexuels.
Parler de « besoin », c’est ajouter une charge sexuelle à celles déjà existantes, ressenties parfois très lourdement. C’est permettre à certains « masculinistes » de défendre l’ardeur de leurs pulsions et de considérer le désir sexuel telle une émotion irrépressible, donnant ainsi un pouvoir abject à ceux qui ne parviennent pas à le réprimer.

  • « J’ai envie de sexe »

La phrase est simple, mais les implications compliquées. Ai-je envie d’un soulagement physique, de lâcher prise, de tendresse, d’étreinte passionnelle avec l’autre, d’oublier mes tracas quotidiens, de me sentir désirable ?
Les choses se complexifient quand on tente de faire de l’envie sexuelle un dénominateur commun : « tout le monde a envie de sexe ». Eh bien non. Le désir fait désordre : face à lui, face aux autres, nous sommes différents. Parfois même peut poindre une discordance entre ce qu’expriment nos organes génitaux, ce dont nous avons conscience et ce dont nous avons intellectuellement envie.

  •   Pas de désir et tout s’effondre

Tout instable qu’il soit, le désir sexuel reste socialement marqué. Longtemps considéré comme mauvais, il a été réhabilité, puis instrumentalisé. Un corps désirant est un corps qui fonctionne. Pas de désir et tout s’effondre… Ce qui pousse les individus à une obligation de réussite et de résultat. Les « winners » s’affichent ainsi avec une libido puissante et gratifiante.
Cet impératif se traduit par la façon même dont nous évoquons le désir. Parce que le sexe est politique, et parce qu’il existe une économie du désir, les manières dont nous abordons le désir et en parlons n’impliquent pas les mêmes projets de vie.
Quand le besoin induit une nécessité, le désir, lui, traduit l’aspiration profonde vers l’autre. Le champ du désir est relationnel.

  •    Le choix de l’abstinence sexuelle

Dans leur enquête sur la sexualité en France, publiée en 2008, les sociologues Nathalie Bajos et Michel Bozon ont évalué que 8,1% de la population n’avaient pas eu de rapport sexuel au cours de la précédente année, dont 40 % affirmaient ne pas souhaiter en avoir.

Dans une société où les injonctions à l’épanouissement personnel sont constantes, celles et ceux qui choisissent de renoncer à une vie sexuelle doivent faire face à un tabou bien ancré.

Décider de ne pas céder au désir, au fantasme ou à un rapport sexuel peut être l’aboutissement d’un long questionnement philosophique, et devenir une vraie construction sociale.

L’abstinence sexuelle, ce n’est pas simplement décider de ne pas faire. C’est faire preuve d’un effort exigeant mais évident ; c’est manifester un choix politique motivé par le rejet d’un système de valorisation de l’hypersexualité et le refus des normes physiques ou comportementales que véhicule le sexe.

« Je ne veux plus, je ne veux pas payer et je ne veux pas avoir un rapport qui est celui d’un intérêt. Je ne veux plus de ce rapport-là avec mon corps aux hommes et on demande toujours une rétribution trop trop forte à la femme », a déclaré Lio sur France Inter, le 11 septembre 2020, la chanteuse star des années 80, abstinente sexuelle depuis 8 ans. « [Mon désir] a été hypothéqué, clos par le désir des hommes à qui j’ai voulu plaire parce qu’ils prennent toute la place. »
L’abstinence, enfin, un choix intime suite à un désintérêt, en réaction à la place outrancière que prend le sujet du sexe dans nos existences, nos corps, nos têtes et nos relations sociales.

Loin du défaut d’opportunité ou d’une conséquence d’un choix moral ou religieux, la « non consommation de sexe » incarne une forme de contre-pouvoir dans une société capitaliste et patriarcale où l’injonction au plaisir et au bonheur est omniprésente. Elle pourrait favoriser une récupération de la sexualité comme une chose à soi et mener à d’autres voies personnelles d’accès au plaisir.