De même, l’amende pour non port-du masque dans un lieu fermé, pour non respect de la distanciation physique (deux mètres au Québec) ou pour tout rassemblement à l’intérieur ou à l’extérieur d’une résidence privée située en zone rouge est portée à 1000 $ plus les frais de dossier (soit 1546 $) pour toutes les personnes présentes, y compris l’occupant des lieux. Et puisqu’on en est aux innovations flicosanitaires, il fallait bien un nouveau dispositif pour que les flics (y compris municipaux) puissent pénétrer à tout moment au domicile des gens et vérifier qu’aucune personne extérieure au foyer ne s’y trouve : voici donc arrivé le télémandat judiciaire de perquisition.

L’utilisation large du télémandat est très récente, puisqu’elle a été introduite en juin dernier lors d’un projet de loi québecois sur « l’efficacité de la justice pénale ». Juridiquement, le Code prévoit donc depuis, à l’article 141.1, qu’« un juge peut, sur demande à la suite d’une déclaration faite par écrit et sous serment d’un agent de la paix ou d’une personne chargée de l’application d’une loi, décerner un mandat ou un télémandat général l’autorisant à utiliser un dispositif, une technique ou une méthode d’enquête, ou à accomplir tout acte qu’il mentionne, qui constituerait, sans cette autorisation, une fouille, une perquisition ou une saisie abusive à l’égard d’une personne ou d’un bien ».

Concrètement, comme l’explique pédagogiquement un grand journal local, les policiers reçoivent un appel d’une balance citoyenne signalant un rassemblement dans un logement. Ils s’y rendent afin de vérifier si une infraction est bel et bien commise. Les flics peuvent également remarquer eux-mêmes un attroupement qui leur semble illégal lorsqu’ils sont en patrouille. Si l’occupant des lieux les laisse entrer sans opposition, les policiers peuvent vérifier s’il s’agit bel et bien d’un rassemblement interdit en vérifiant la domiciliation des personnes présentes. Dans le cas contraire, ils contactent le juge de garde à ce moment-là pour lui indiquer qu’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’une infraction est en train d’être commise et qu’ils ont besoin de plus de renseignements pour le confirmer. Ce dernier leur envoie alors un télémandat de perquisition sur leur portable, puisque le principe est qu’il peut leur être envoyé « par téléphone ou à l’aide d’un autre moyen de télécommunication ». Si le résident refuse toujours de laisser entrer les flics malgré l’obtention du mandat judiciaire, il s’expose alors à une arrestation pour entrave et un forçage légal de sa porte.
Précisons enfin que l’élargissement de cette procédure d’urgence avait été initialement prévue en juin pour des cas précis (arrêter un témoin qui fait défaut de se rendre à la cour ; emprisonner une personne qui ne paie pas ses amendes ; forcer la comparution d’une personne), et pas pour un contrôle policier de masse de l’ensemble des domiciles de la population. Mais on sait bien que chaque pas fait en avant par l’Etat est destiné à s’étendre à l’infini contre ses sujets tant qu’il en a le rapport de force, comme en témoigne par exemple la énième prolongation de l’état d’urgence sanitaire en France, votée à l’Assemblée le 1er octobre dernier. Alors qu’il devait s’arrêter au 31 octobre, il court désormais jusqu’au… 31 mars 2021 en permettant des restrictions de liberté en matière de circulation, de rassemblements, d’accueil du public, ou d’établir des tests covid obligatoires.

Bon, en même temps, après le télé-travail, la télé-école ou la visioconférence pour juger les prisonniers depuis la prison, quelques-uns ne manqueront pas de faire remarquer ironiquement que le télémandat judiciaire constitue en réalité rien moins qu’une raison supplémentaire de saboter les infrastructures comme les antennes de téléphonie mobile et la fibre optique, dont le rôle en matière de surveillance policière n’est plus à démontrer.

[synthèse de la presse québecoise, 4 octobre 2020]