Aux frontières hexagonales, la Belgique vient sans surprise de prolonger en interne jusqu’à fin septembre la bulle sociale de cinq personnes maximum autorisées, l’interdiction de faire ses courses à plus de deux personnes ou encore le fichage à l’entrée du pays via le Passenger Locator Form (formulaire de localisation des passagers contre QR code), mais aussi de placer de nouveaux territoires en rouge à l’extérieur, dont les Bouches-du-Rhône (France) ou Madrid (Espagne). Depuis le 21 août, cela signifie qu’il est désormais interdit pour les Belges de s’y rendre, et que ceux qui en rentrent doivent effectuer une quatorzaine. L’Allemagne vient de la même façon de placer le 24 août les régions Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte-d’Azur en zones à risque, ce qui signifie que les voyageurs en revenant devront se soumettre à un test obligatoire et une quatorzaine jusqu’au résultat. Quant à l’Espagne, elle vient le 25 août de déployer 2000 militaires « pour réaliser le traçage » des cas positifs, en précisant que les régions pourront également demander au gouvernement central d’appliquer sur tout ou une partie de leur territoire un nouvel état d’alerte (état d’urgence). De plus, la communauté de Madrid va installer 6000 caméras dans les salles de classe afin que les élèves (masqués à l’école dès 6 ans) placés en quatorzaine puissent continuer de suivre les cours en direct.
Concernant Marseille, lors de la présentation du nouveau préfet des Bouches-du Rhône à la presse le 24 août, ce dernier a précisé qu’une partie de mesures supplémentaires seront annoncées dans les prochains jours, faisant fuiter certaines d’entre elles dans son porte-parole favori (La Provence) : fermeture des bars, limitation des déplacements et annulation d’événements. Mardi soir 25 août, cette préfecture vient d’annoncer pour commencer la fermeture des restaurants, bars et commerces d’alimentation générale de 23h à 6h dans l’ensemble du département jusqu’au 30 septembre, ainsi que l’obligation du port du masque en extérieur dans toute la ville de Marseille dès 11 ans.

En matière de reconfinements locaux en Europe, il y a bien sûr l’exemple estival de la Mayenne, mais surtout ceux de Lerida, A Mariña et Barcelone en Espagne, de Leicester en Angleterre, ou de 19 quartiers populaires Lisbonne au Portugal, avec autant de checks points policiers et de justificatifs à exhiber aux nouvelles frontières établies. Et en matière de couvre-feu, il y a Anvers (Belgique) et les colonies françaises, en particulier la Guyane où il est toujours en vigueur depuis plusieurs mois au prétexte de la frontière avec le Brésil (de 20h, 22h ou 23h jusqu’à 5h du matin selon les zones, mais aussi à partir de 14h tous les dimanches).
Globalement, le schéma actuel de l’État français pour ces reconfinements ciblés par zones s’inscrit dans le schéma suivant, de façon plus ou moins serrée : limiter les flux masqués et distanciés aux seules nécessités du capital (école, travail, consommation), ce qui signifie à la fois restreindre les en-dehors diurnes (déplacements à plus de 100 km, rassemblements de plus de dix personnes, « services publics » avec horaires et capacités restreints) et diminuer drastiquement ceux nocturnes (sous forme de couvre-feu incitatifs -comme la fermetures des commerces et la diminution des transports publics en soirée-, voire imposés). Le tout avec une concentration des dépistages à l’intérieur de ces zones reconfinées, ce qui va remettre massivement au goût du jour tout le dispositif de contrôles étatiques contraints avec tests, brigades sanitaires, fichage de soi et ses proches dans les bases de données Sidep puis Contact Covid, et quatorzaines (y compris hors de son domicile).

Et qui dit plus de surveillance, dit également plus de technologies (verbalisations à distance par caméras, drones, détecteurs de chaleur) et plus d’uniformes pour l’imposer, avec des conséquences comme le refoulement d’un endroit ou encore l’incarcération possible en cumulant plusieurs amendes.
Si pendant le grand confinement l’armée avait été déployée dans les rues (opération Résilience, toujours en vigueur), pour l’instant l’État fait surtout appel à ses larbins de réserve pour augmenter leur nombre et pouvoir multiplier les contrôles – des masques dans la rue pour l’instant, des nouvelles mesures sous peu.

Depuis la semaine dernière, en plus des CRS redéployés dans des métropoles comme Marseille, ce sont ainsi des réservistes supplémentaires de la gendarmerie qui sont en train d’arriver un peu partout. « Dédiés à la lutte contre la reprise épidémique », 1200 réservistes opérationnels regroupés au sein de 300 unités spéciales nommées Détachements d’appui territorial (DAT) ont été affectés près de chez eux au flicage sanitaire, soit autant de férus d’ordre et de volontaires armés quelques jours par an (conseiller en immobilier, directrice marketing, ingénieur, banquier, ex-militaire, etc.) désormais lâchés à la traque aux réfractaires.
Ils patrouillent généralement dans les gares, les transports publics (bus, trains), les centres commerciaux et les bars (pour « éviter qu’ils ne se transforment en discothèques»), ou encore dans les lieux touristiques (lacs, campings) pour traquer les récalcitrants au port du masque et à la distanciation. Et bien sûr les premiers litiges ont d’ores et déjà commencé, comme à chaque fois qu’on donne du pouvoir à un abruti en le revêtant d’un uniforme, allant d’amendes pour port du masque qui oubliait le nez à celle pour port d’un casque ou d’une visière en plastique sans masque dessous, en passant par abaissement abusif du masque pour manger une gauffre ou fumer une clope, jusqu’à tout ce qui ne ressemble pas à un masque ré-gle-men-taire (écharpe, foulard, tee-shirt noué).
Quant au nombre des DAT, à Palavas-les-Flots par exemple, « suite au constat d’un relâchement de la population sur les préconisations sanitaires« , ce sont 31 gendarmes supplémentaires qui viennent de débarquer fin août, 14 réservistes du Détachement d’appui territorial (DAT) et un peloton de 17 gendarmes mobiles. Dans le Tarn et Garonne, ce sont 130 de ces réservistes qui viennent d’arriver, 30 en Isère ou encore une centaine en Franche-Comté, effectuant des patrouilles mixtes avec la police municipale qui ne dispose pas toujours des mêmes pouvoirs légaux de contrainte. Pour différencier les volontaires du DAT des pandores de métier, ce sont ceux qui n’ont pas à la ceinture l’habituel pistolet SIG-Sauer SP 2022 des gendarmes, mais leur ancien modèle, le PAMAS G1.

Pour celles et ceux qui n’avaient déjà pas accepté le grand confinement, dont on nous promet qu’il ne reviendra plus sous cette forme, bienvenus dans la nouvelle normalité flicosanitaire où au pire du quotidien vient se rajouter une couche supplémentaire de surveillance, de contrôles, d’interdictions et de restrictions. Pour notre bien, évidemment, puisque le plus froid des monstres froids sait non seulement ce qui est le mieux pour tous et pour chacun, mais entend aussi nous l’imposer en jouant sur une servitude volontaire aussi moralisatrice que culpabilisante… quant elle ne se fait pas bêtement délatrice.

[synthèse de la presse, 25 août 2020]