Les pompiers pyromanes de l’antisémitisme

« Lobby juif ». Jusqu’à présent, en France, seule l’extrême droite utilisait cette expression qui, en deux mots, résume tous les fantasmes antisémites : la finance juive, les médias juifs, le pouvoir juif, bref une version modernisée des Protocoles des sages de Sion. Or voilà que, pour la première fois, on la retrouve sous la plume d’une personnalité juive : Elisabeth Schemla, fondatrice du site proche-orient.info après avoir été rédactrice en chef au Nouvel Observateur, puis collaboratrice de Mme Edith Cresson à Bruxelles, auteure enfin d’un livre fort peu critique – c’est un euphémisme – à l’égard du général Ariel Sharon.

Proche-orient.info n’a pas peur du grand écart : ce site prône en effet une laïcité intransigeante tout en défendant des démarches communautaires. Mais, le 25 février 2004, dans son éditorial, sa directrice est tombée… du côté où elle penchait. Après avoir salué pêle-mêle l’annonce (d’ailleurs prématurée) de la non-diffusion en France du film La Passion du Christ, de Mel Gibson, le refus de l’Olympia d’accueillir le spectacle du comique Dieudonné et l’interdiction faite à Mme Leila Shahid, déléguée générale de Palestine en France, de prendre la parole dans un collège niçois, elle commentait : « Ce sont des organisations françaises juives qui ont coup sur coup conduit la bagarre et, au nom de la République, ont obtenu gain de cause, après de nombreuses autres victoires durant l’année 2003. » Et d’ajouter : « Des personnalités prestigieuses et prétendument toutes-puissantes laissent la place à des responsables, des associations et des institutions qui savent de mieux en mieux se faire entendre des pouvoirs publics. » Titre de cette ardente défense et illustration de la censure : « En France, naissance d’un lobby juif au sens plein et respectable du terme »…

Quelques jours auparavant, un collaborateur du site en question, Sylvain Attal, publiait un livre, dont l’ultime chapitre s’intitule : « Un lobby ? Chiche ! » « Jusqu’ici, écrit-il, les représentants de la communauté juive se sont montrés réticents ou franchement hostiles à cette idée, craignant qu’elle n’alimente l’antisémitisme, ou au moins le reproche de communautarisme. Aujourd’hui, il semble qu’ils aient évolué. [Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF)] Roger Cukierman affirme ne pas être effarouché par l’idée : “S’il y a un lobby, c’est parce que nous sommes attaqués.” » Et Attal d’énoncer les succès remportés par ledit lobby, en France comme à l’échelle de l’Union européenne. Un exemple : Mme D., « une lobbyiste évoluant dans le milieu de l’industrie, pro-israélienne convaincue », aurait contribué à empêcher le Quai d’Orsay de nommer à Tel-Aviv un ambassadeur jugé pro-arabe. « Circonstance aggravante à ses yeux, il est marié à une musulmane d’origine algérienne »…

A vrai dire, cette nouvelle radicalisation des inconditionnels d’Israël reflète leur faiblesse plutôt que leur force : la campagne qu’ils ont engagée depuis plus de trois ans a, pour l’essentiel, échoué. Quels buts se fixaient-ils en recourant à l’arme, dangereuse s’il en est, du chantage à l’antisémitisme ? Faire taire les voix dissidentes parmi les juifs de France, mieux peser ainsi sur les médias et, de la sorte, influer sur l’opinion publique, voire infléchir la politique de la France. Et ils n’ont pas lésiné sur les moyens : diffamations de journalistes et de chercheurs insensibles aux charmes du premier ministre Ariel Sharon, manifestations agressives devant le siège de médias déclarés « hostiles », violences en série des extrémistes de droite du Betar et de la Ligue de défense juive (LDJ), sans oublier la multiplication des procès contre des intellectuels présentés comme « antisémites »… Cette offensive tous azimuts se poursuit, hélas, plus hargneuse que jamais.

Ainsi les gros bras de l’extrême droite juive n’ont-ils pas renoncé à leurs pratiques fascisantes. Le 30 décembre 2003, un commando masqué, armé de barres de fer et de coups-de-poings américains, a blessé des membres de l’Association générale des étudiants de Nanterre en plein tribunal administratif. Et les nervis tenteront de recommencer, le 21 janvier 2004, à l’issue d’une reconstitution à la police judiciaire…

En matière d’insultes aussi, c’est un vrai festival. Encore sur proche-orient. info, Alexandre Adler, interrogé à propos de Tariq Ramadan, se déclare « beaucoup plus choqué par des traîtres juifs comme les Brauman et autres ». A l’antenne d’une radio communautaire, Alain Finkielkraut taxe d’« antisémitisme juif » le cinéaste israélien Eyal Sivan, qu’il soupçonne de vouloir « tuer », « liquider » et « faire disparaître » ses coreligionnaires. Quant à Pascal Boniface, le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), il « a fait encore un grand pas, selon le mensuel L’Arche, dans la direction qui mène de la critique raisonnée d’Israël à la haine irraisonnée des juifs »…

Même escalade dans l’ordre juridique. Me Gilles-William Goldnadel a certes perdu toutes ses procédures contre Raymonda Tawil, Témoignage chrétien, Daniel Mermet, Michèle Manceaux et, récemment, le journal Ras l’Front. Le crime de ce dernier ? Avoir éclairé la biographie de l’idéologue Alexandre Del Valle, soudainement passé de l’extrême droite antiaméricaine et antisioniste à la droite… de la communauté juive.

Ces déconvenues n’ont cependant pas découragé l’avocat. Le voilà qui s’attaque au sociologue Edgar Morin, à l’écrivaine Danièle Sallenave et au député européen Sami Naïr, accusés de « diffamation raciale » pour avoir écrit, le 4 juin 2002, dans Le Monde : « On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issue du peuple le plus longtemps persécuté dans l’histoire de l’humanité, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en “peuple dominateur et sûr de lui”. » L’avocat, heureusement, ne plaidait pas en 1967 : il aurait assurément traîné le général de Gaulle devant les tribunaux !

Dominique Vidal

(Forcément antisémite d’après les critères Indy Nantes)

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