L’urgence. Non pas l’urgence réelle, qui se heurte à une nécessité en tant que telle, mais celle qui, prélevée sur elle, devient pur excès sur elle-même, vivant pour elle-même. En cela il faudrait plutôt l’appeler panique. Cependant, quelque chose se joue dans ce recouvrement d’un terme par l’autre. Là où la panique demeure encore trop pathologique, l’urgence en revanche, est présentable, institutionnalisable. C’est bel et bien au nom de l’urgence, et non de la panique, que l’agitation médiatique carbure. Qu’elle soit sanitaire, environnementale, humanitaire, raciale… l’urgence spectaculaire dans laquelle les machines communicantes des régimes libéraux aiment tant s’investir procède comme une esthétique de leur propre catastrophe, de leur propre ruine. Il y a une addiction à l’urgence, à la substance anxiogène de l’urgence. Comme si sa pression exercée par injection dans les canaux de l’information se devait d’être sans cesse maintenue en hypertension. Comme s’il fallait empêcher l’effondrement d’un corps hanté par sa propre vacuité. Urgence donc, dont le flux déborde le lit réel des rapports de forces pour venir inonder l’imaginaire, quitte à noyer le réel.

Avant que la vidéo du meurtre de George Floyd ne mette le feu aux poudres, on se souviendra non sans difficulté que ce drame succédait à une série d’événements eux aussi catastrophiques bien que depuis évaporés de la mémoire collective. Et l’on serait à vrai dire bien réticent de remonter plus en amont les innombrables forêts incendiées et vies humaines vérolées, les images de famines et de génocides, tant la densité et la violence épuisante de l’historique décourageraient le plus endurci des archivistes. Chose plus étonnante encore, on les oublie alors même qu’à chaque fois ils s’imposèrent comme des événements historiques, dont la violence inédite et inouïe était censée marquer à jamais les annales et bouleverser les consciences. Peut-être n’avaient-ils vocation qu’à circuler à vide, moyennant quelques interventions alarmistes, dont on se demande bien si elles étaient destinées à bloquer ce flux d’abjections ou à le perpétuer.  

Il se pourrait que l’explosion spectaculaire de mouvements antiracistes qui ont suivi la retransmission de ce meurtre n’échappe pas à cette règle, malgré la cristallisation non négligeable d’un profond désir de repenser structurellement le monde. Force est de constater que l’on subit dans un premier temps le même type de disruption médiatique que pour les actualités plus furtives. Disruption qui recouvre avant tout du bruit des commentaires, le silence et la violence singulière des événements (entendus au sen fort [1]). Puisque c’est ça, l’événement, que la pulsion de mort de l’urgence paraît évacuer d’emblée. Tel un Stuka prêt à frapper en piqué, son vacarme strident génère une terreur et un désarroi précipitant chacun à se demander quoi faire, quoi dire, quoi penser, puisqu’on nous le répète : « Silence = Death » [2]. C’est là où la fonction confusionnelle de l’urgence entre en jeu : comme brouillage des consciences et bombardement du site événementiel.

Les images du meurtre de George Floyd, traumatisme collectif à bien des égards événementiel, s’est ainsi vu pilonné de sens, enseveli sous les décombres des significations,  recouvrant par là ce qu’il pouvait receler de justement traumatisant pour la structure elle-même, empêchant ainsi la réalité d’être réellement horrifiée d’elle-même, de descendre dans les tréfonds de sa propre abjection, et d’atteindre le cœur de ce qui donne corps à sa violence.

 

A y regarder de plus près, la situation présente permet de distinguer deux terrains décisifs sur lesquels s’opèrent ce qui se caractérise par une oblitération et un écrasement du réel.

             1.     Premièrement, l’oblitération et l’écrasement par l’intelligence artificielle de l’hétérogénéité de la vie subjective. La réalité virtuelle des réseaux sociaux est devenue l’environnement privilégié de l’action « solidaire » ou « militante ». Tout acte, pensée ou fait qui lui est extérieur est instantanément ramené à cette matrice dans laquelle il prend corps. La subjectivité et son rapport au monde vit en elle, se synchronise avec elle, au point que la réactivité en live de la machine se substitue à la temporalité du devenir-sujet. Hybridation toute cyborgienne qui attend du sujet qu’il n’attende pas, et qu’il se rabatte sur des solutions opérantes, préprogrammées. De même que la machine n’est en définitive rien d’autre qu’un opérateur recevant et donnant des ordres, le militantisme-cyborg n’opère que sur le mode de l’injonction, politique et morale, et de sa mise en œuvre, dans l’instant. L’interpellation est directe, immédiate. C’est pourquoi sa pression n’est pas tant celle de manifester son engagement, ses positions, son empathie, sa bonne volonté… tout cela est déjà pure perte. Encore moins bien sûr, de se retirer de la cacophonie pour penser… cela serait considéré comme criminel. Mais plutôt d’être enjoint à répéter des mots d’ordres et des noms propres, véritables opérateurs d’immédiateté de cette ventriloquie autoritaire. S’identifier par exemple comme Indigène, Antiraciste, White Ally, à quoi on indexera des slogans du type « White silence is violence », « Defund the police » ou « The system is the problem » (l’omniprésence de l’anglais indiquant au passage de quelle souveraineté hégémonique on se fait le porte-voix). L’injonction est bien celle d’adhérer à la clôture ontologique des noms propres et de se laisser griser par l’opérationnalité instantanée des slogans, dont les justifications empiriques et théoriques n’ont pas vraiment d’importance, dès lors qu’elles ne sont que la caution de sens d’un impact symbolique et non un processus de pensée en tant que tel. L’identification essentialiste aux noms propres et leur articulation compulsive aux mots d’ordres réalisent de fait ce dont la publicité et la propagande ont toujours rêvé : dire et faire dire aux gens qui ils doivent être et ce qu’ils doivent faire.

Plus de pluralité interne à l’identité, plus de clivage du sujet, plus de travail du négatif ni de confrontation au réel. Toute cette violence du réel se voit désormais convertie en urgence de l’assignation identitaire et de l’alignement à des impératifs d’action. On voit d’ici se profiler le piège totalitaire de la « réalité intégrale » [3], qui signerait l’annihilation complète de l’altérité et la réduction de la réalité à une pure opérationnalité positive.

Mais peut-être y sommes-nous déjà, lorsque l’on voit la popularité des slides / modes d’emploi qui prolifèrent sur instagram et qui, tout en assignant les personnes à des communautés particulières, leur explique point par point comment et pourquoi il est impératif de s’y assimiler, puis à partir de là, quoi penser, quoi dire, quoi faire. On trouvera par exemple maints modes d’emploi à l’usage des « White Allies », où les personnes visées apprendront pourquoi il faut qu’elles soient Blanches, pourquoi il faut qu’elles soient des alliées, ce qu’elle doivent dès lors dire et comment, à quels moments elles doivent parler et à quels moment elles doivent se taire, ainsi que comment et quand elles doivent agir pour se rendre utiles. Bref, comment point par point, savoir qu’elle est leur place et être correctement des leurs.   

 

          2.              Deuxièmement, l’oblitération et l’écrasement de toute universalité immanente aux cultures par la propagation d’une vision monogénéalogique de l’Histoire. Il existe bel et bien dans le discours décolonial une ambition révolutionnaire sincère, dont on peut à vrai dire plaquer le schéma sur celui de la lutte des classes. « Black Live Matters » ne parodie-t-il pas en un certain sens le « Nous ne sommes rien, soyons tout » de l’Internationale ? Les Noirs (catégorie qui en soi embrasse plus largement les non-Blancs) sont aux Suprémacistes Blancs ce que les prolétaires sont à la bourgeoisie : leur autre absolu, celui qui doit être symboliquement en excès, à mettre à la marge ou à évacuer pour que l’unité symbolique du système fonctionne ; puis inversement, celui qui porte en soi la ruine de cet ordre symbolique et de sa hiérarchisation, c’est-à-dire l’abolition de toutes les races comme de toutes les classes.

On ne peut que saluer le tour de force d’une révolte radicale qui épouse au plus près la réalité physique de l’oppression, lui demeurant immanente, inscrivant ainsi dans la chair même un enjeu qui jusqu’ici s’énonçait de façon abstraite. Néanmoins, ce ne sera pas sans objecter que le prolétariat des Etats socialistes, pourtant classe majoritaire, fît finalement les frais d’une trahison de sa propre utopie en reconduisant une nouvelle hiérarchie de classe, au moins aussi injuste et inégalitaire. Bien que se désolidarisant de l’horizon messianique du Grand Soir, les mouvements antiracistes ne sont pas à l’abri d’une récupération symétrique, non seulement du fait d’une refondation des catégories raciales mais également d’une réduction racialiste de l’Histoire.

Les identités collectives, celles des communautés et des cultures, sont désormais aisément assimilées à un enracinement ontologique sûr, là aussi confinées aux frontières de leur nom propre, sur lequel jamais elles ne constituent un excès, à la façon d’une essence intemporelle et immuable persévérant dans son être. Le rapport antagoniste entre Blancs et Indigènes est alors le nœud obsessionnel de cette rhétorique [4] qui, prise dans son versant naturalisant dit en substance que l’Occident, en tant qu’essence, est le responsable de tous les maux dont le monde actuel a hérité.

Sa raison serait par exemple la conceptrice même, en tout temps, d’un mouvement d’appropriation expropriateur déchaîné, dont les oppressions coloniales, patriarcales, racistes, financières, ou militaires qui en découleraient, seraient les propriétés intrinsèques et exclusives de son être face auxquelles la pureté autochtone, pourtant par nature dépourvue de ces qualités démiurgiques, n’a pu que céder à force de violence et de corruption. Comme si l’Occident (pourtant constitué comme identité depuis la colonisation seulement) n’avait jamais été autre chose que l’Occident (l’Histoire des romains, des vikings, des régimes féodaux… aurait-elle été d’avance celle de l’Occident avant que n’arrive 1492 ?).

Comme si la raison et ce qu’elle peut charrier de violence expropriatrice ne procédait pas d’une circulation du savoir courant depuis des millénaires entre les civilisations, mais d’une corruption de l’esprit toute occidentale. Comme si l’oppression des femmes par les hommes, ou des minorités ethniques par une majorité, ou la colonisation d’une terre par un peuple, n’avait été que le monopole de l’Occident. En s’appuyant ainsi sur une logique scabreuse et manichéenne, véritable réécriture de l’Histoire dont les effets de vérité flattent plus la paresse intellectuelle et le narcissisme moral que la perspicacité, le sujet pressé par l’urgence de l’actualité trouvera là un rapport antagoniste clair et net, prêt à être jeté dans la lutte contre l’oppression : Blanc = colons = raison occidentale = oppression hétéro-patriarco-raciste = capitalisme / Reste du monde = Indigènes racisés = expropriés de leur condition autochtone = oppressés par l’appareillage capitalo-hétéro-patriarcho-raciste des Blancs [5]. 

 

Que le capitalisme prenne forme en Europe puis que l’occident colonial ait fondé l’expansion de celui-ci sur la race, catégorie qui bien qu’aujourd’hui scientifiquement récusée soit toujours active dans la structure de l’oppression capitaliste, cela est incontestable. Mais dès lors pourquoi une déconstruction des mécanismes de cette structure conduirait-elle à un tel repli essentialiste plutôt que sur un rejet même de celui-ci ? Pourquoi ne faire que parodier un dépassement dialectique, en lui préférant la forme d’une purification identitaire plutôt qu’un horizon messianique ? Pourquoi maintenir et verrouiller les catégories raciales, sous prétexte d’un usage stratégique, plutôt que de s’en débarrasser afin d’embrasser des catégories plus universelles, au risque d’être plus contradictoires ? Pourquoi ne pas prendre exemple, entre autres, sur la notion d’identité Queer, qui déconstruit celle de la binarité homme/femme tout en conservant une pluralité interne qui refuse de réactiver le fétichisme naturaliste des genres.

 

Il semble que notre société, tout en ayant la question de l’émancipation à la bouche, d’une part désire en verrouiller la pluralité, ne souffrant aucune contradiction interne, mais d’autre part ne peut plus se satisfaire pour cela d’une dialectique messianique, universaliste, absolutiste. Il y a, en occident, une véritable aversion collective face aux horreurs universalistes de l’Histoire. Et on ne contredira pas que, des croisades aux goulags en passant par la traite négrière, un universalisme violemment expropriateur a régné, faisant fi des particularismes culturels des autres pour extrapoler ceux des uns. On voit bien que, face à ce crime, ce qui préside à cette mystification réduisant l’Histoire à une sorte de forêt dont chaque arbre serait une culture autonome, sert d’abord à justifier un rachat moral, à obtenir un mea culpa. A savoir qu’être porteur d’une universalité, c’est alors immédiatement être rabattu sur une présupposée adhésion à la raison Blanche (par nature hétéro-patriarcho-colonialo-raciste) et par voie de conséquence, de se dresser contre l’émancipation de présupposées minorités autochtones, en leur déniant l’affirmation triomphante de leurs authentiques essences particulières (ethniques, sexuelles, religieuses, réduites à la clôture fétichiste de leur nom propre).

 

Pour s’expier de ce crime, il faut alors que ceux qui hériteraient culturellement et exclusivement de cet universalisme propre aux Blancs, embrassent la prise de conscience de leur appartenance à cette race de bourreaux. Ce n’est qu’à ce prix qu’ils pourront s’inscrire dans le concert de l’amour entre les races égales, non sans un douloureux processus de culpabilisation, de mises à l’épreuve auto-humiliantes et de glorification des martyres racisés, qui viennent au passage redonner vie à une sensibilité toute chrétienne, preuve, sans doute, d’un possible regain d’authenticité autochtone du Blanc, d’un possible rachat de son âme perdue.

 

 

Et qu’est-ce qui se joue alors dans ce spectacle d’expiation de la raison et de l’universel, si ce n’est une expiation jouissive de l’Histoire, qui par la rédemption de sa figure coloniale (blanche, dominatrice, raciste), se lave de ses crimes et met fin à elle-même [6]. L’Histoire, entendue comme ensemble de relations d’altérations des cultures, traversées d’invasions, d’occupations, de conversions, de traductions, de métissages, d’assimilation de langues, de coutumes et de savoirs étrangers… cette Histoire, non sans raisons, n’est plus permise aujourd’hui. Que reste-t-il alors comme tissage de relations possibles, si ce n’est celui du négoce qui, indexé sur la notion vide de « valeur » permet ainsi de tout échanger – c’est-à-dire rien – laissant intactes les identités cohabitant dans leur différence. Et qu’est-ce donc, dès lors, que cette anti-Histoire délirant une forêt de cultures autonomes, si ce n’est le miroir d’un fantasme bien connu : celui de l’accomplissement, hégémonique et naturalisant, du marché global dans le multiculturalisme.

 

Libéralisme

 

En somme, toute cette opération de brouillage de l’événement par l’imaginaire en panique, masque celle, plus souterraine, d’un recodage autoritaire et régénérateur de la structure libérale elle-même. Ce qui s’abîme dans la panique est bel et bien l’événement et son principe de réalité, permettant ainsi à l’imaginaire de s’affranchir de lui et de se réorganiser, en interne, sur des bases théoriques purement spéculatives. L’urgence fait ici office de réflexe cicatrisant. Il s’agit moins de remuer le couteau dans la plaie que de la recoudre. Ce qui est exigé en définitive, c’est une réparation. Réparation des crimes racistes en vitrine, réparation de la structure altérée, en définitive.

Par la grâce des états d’urgence émergeant sous la pression du dehors, le marché se revalorise, du dedans de la valeur elle-même. Le spectre de la reproduction perpétuelle du capital, recyclant tout, y compris les théories et tactiques les plus antagonistes, ne cesse de hanter l’actualité et de déjouer les événements. Le terrible constat postmoderne demeure le même : c’est la mobilisation de l’imaginaire à travers la mobilisation contestataire, qui se révèle être une démobilisation du réel et un investissement symbolique de la structure elle-même [7]. La crise à laquelle on assiste semble donc avoir pour pente générale, malgré son hétérogénéité interne, une reterritorialisation de la structure établie. En cela qu’elle pousse les populations à se ré-identifier de façon toujours plus fétichiste et plus essentialisée à leurs particularismes, à migrer sur de nouveaux de terrains d’action où seul compte l’immédiateté des solutions, à recoder la réalité établie à coup de nouveaux systèmes de catégories préconçus, à reconduire les anciens mythes par de nouveaux et, en définitive, à augmenter la légitimité et la puissance morale de la structure. On peut imaginer qu’au racisme se substituera un anti-universalisme communautaire tout aussi inégalitaire, à la police brutale et obsolète une aide sociale et psychiatrique normalisant l’infiltration de la violence du droit jusque dans les strates les plus intimes de la vie nue [8], ou encore au monopole invasif et guerrier de certains Etats, la prise d’otage sous surveillance militarisée des populations au nom de la protection du commerce équitable et des différences culturelles. L’assainissement n’est qu’un « empuissantement ». 

 

Tromperie

 

C’est là que les sujets les plus progressistes se voient dupés par cette opération, quasi schizophrénique dirait Deleuze et Guattari, expression même du flux désirant disruptif auquel carbure le capitalisme. Règne du vide symbolique dont l’argent est le nom et dont le flux des échanges se propage en même temps que la peur-panique de sa propre inconsistance. Face à quoi le fétichisme des replis identitaires, bien que constamment pris dans la disruption de leur consistance factice, sans cesse mis en tension dans des « crises de sens » à répétition, deviennent la condition fatalement nécessaire des échanges.

 

Univers

C’est en cela que cette urgence, en tant qu’affirmation impérative et défense farouche des propriétés particulières, est en même temps urgence d’une optimisation des rouages du capitalisme (du moins sous nos latitudes) [9]. Face à l’ancienne violence d’un universalisme idéaliste, ce qui s’impose aujourd’hui est l’universalisation d’un anti-universalisme matérialiste, qui fétichise les particularismes des autres pour mieux les réduire au néant des échanges. Néant qui n’est rien d’autre que le symptôme même du capitalisme, fruit précisément de la corruption et de l’abîmement des structures féodales, du sacré, de la métaphysique, dans l’ascension des puissances de l’argent. Seulement, ce que le capitalisme gagne en s’émancipant de la Transcendance, il le perd dans le crime nihiliste d’une appropriation/expropriation sans limite des choses par l’argent, où tout est négociable, y compris la vie d’une personne. Contrairement aux statues célébrant, là aussi sur un plan imaginaire, colons, racistes et patriarches blancs, l’idéologie du marché et les crimes qu’elle engendre demeurent, quant à elles, réellement indéboulonnables.

 

 

 

Notes  :

[1] Tel qu’on peut le trouver chez Badiou, Deleuze ou Derrida, en tant que jaillissement d’une singularité imprévisible, au point de nécessiter un bouleversement radical des représentations établies.  

[2] Recyclage, au sein des cortèges antiracistes, de l’emblématique slogan graphique du collectif de lutte anti-sida du même nom.

[3] Prophétisée par Jean Baudrillard dans Commentaires sur la société du Spectacle : « J’appelle « Réalité Intégrale » la perpétration sur le monde d’un projet opérationnel sans limites : que tout devienne réel, que tout devienne visible et transparent, que tout soit « libéré », que tout s’accomplisse et que tout ait un sens (or le propre du sens est que tout n’en a pas). Qu’il n’y ait plus rien dont il n’y ait rien à dire. »

[4] Cf. Houria Bouteldja et son ouvrage Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l’amour révolutionnaire.

[5] L’ouvrage de Sabine Prokhoris, Au bon plaisir des docteurs graves, démonte patiemment les mécanismes de fascination et d’emprise de cette logique. Elle a pour objet central une critique sévère des textes de Judith Butler, et montre en quoi la littérature décoloniale a pu s’inspirer d’eux.

[6] Consulter sur ce point l’essai de Baudrillard intitulé Carnaval et Cannibal, décrivant notamment comment la culture occidentale ne triomphe nullement dans le processus d’expansion hégémonique du capitalisme, et comment l’avènement de l’hégémonie (entendue alors comme autodépassement de la domination) passe par un jeu de cannibalisation des figures de la domination par ceux mêmes que la domination a carnavalisé. 

[7] Réel, symbolique et imaginaire entendus là dans leur sens lacanien.

[8] Reprenant la notion de « vie nue » chez Agamben : soumission à un état d’exception qui force la réduction du citoyen à sa vie biologique, sur laquelle il perd également toute souveraineté. 

[9] Cet antagonisme Blancs/Racisés ne résonne pour l’instant pas en Chine par exemple.