Dans l’article:

Plusieurs organisations dénoncent à juste titre l’évolution du contentieux des titres de séjour
des étrangers vers des procédures de plus en plus sommaires. Elles dénoncent notamment
un projet qui cherche à y généraliser le « juge unique ». On ne peut que soutenir une telle déclaration.

En même temps, nous pensons qu’il serait très dangereux d’en rester là et de ne pas
reconnaître que cette généralisation des procédures sommaires frappe l’ensemble des
résidents français et des contentieux, pas seulement les étrangers et pas seulement les questions de titres de séjour. Français et étrangers doivent faire face à une évolution globale des lois et des
procédures dans le sens de la simplification et d’un fonctionnement de plus en plus
sommaire au détriment des droits des justiciables.

C’est ainsi, par exemple, qu’après une série de décrets de 2003 on peut lire notamment:

{{ » CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE

(Partie Réglementaire – Décrets en Conseil d’Etat)

Article R222-13

(Décret nº 2003-543 du 24 juin 2003 art. 10 V Journal Officiel du 25 juin 2003 en vigueur le 1er septembre 2003)

Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement :

1º Sur les litiges relatifs aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire ;

2º Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l’Etat et
des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l’exception de ceux concernant l’entrée au service, la discipline et la sortie du service ;

3º Sur les litiges en matière de pensions, d’aide personnalisée au logement, de communication de documents administratifs, de service national ;

4º Sur les litiges relatifs à la redevance audiovisuelle ;

5º Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ;

6º Sur la mise en oeuvre de la responsabilité de l’Etat pour refus opposé à une demande de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ;

7º Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ;

8º Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise
gracieuse ;

9º Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine.

NOTA : Les dispositions de l’article 10 du décret nº 2003-543 s’appliqueront aux instances engagées à
partir du 1er septembre 2003.

NOTA : Les dispositions du décret nº 2003-543, sauf son article 8, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les terres australes et antarctiques françaises (art. 15 du décret nº 2003-543). »}}

Le nombre des litiges jugés par un seul magistrat devient donc très grand, et sur des questions
très importantes. Y compris d’ailleurs sur la situation individuelle des travailleurs que sont les
fonctionnaires et agents publics.

Lorsque la déclaration précitée dit:

« Abandonner la collégialité, c’est renoncer à une garantie essentielle pour le justiciable »

,

c’est vrai dans tous les cas, quel que soit le contentieux ou la nationalité de la
personne concernée. Y compris d’ailleurs pour les procédures de reconduite à la frontière,
où nous ne voyons
pas pourquoi il serait fait exception de ce principe. Car quelle « urgence » y a-t-il d’embarquer un
étranger dans un Charter?

Mais force est de constater que les articles de loi précités ne concernent pas particulièrement les étrangers, et c’est
pourtant une évolution très grave. Pire encore, dans plusieurs des cas cités par l’article R. 222-13 du Code de Justice Administrative, le juge unique statue sans appel, ne restant plus ouvert qu’un éventuel pourvoi en cassation:

{{« CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE

(Partie Réglementaire – Décrets en Conseil d’Etat)

Article R811-1

(Décret nº 2003-543 du 24 juin 2003 art. 11 II Journal Officiel du 25 juin 2003)

Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement
appelée, alors même qu’elle n’aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision
juridictionnelle rendue dans cette instance.

Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1º, 4º, 5º, 6º, 7º, 8º et 9º de l’article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2º et 3º de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d’un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. Cette disposition ne fait pas obstacle à l’application des articles R. 533-1 et R. 541-3.

Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, en cas de connexité avec un litige susceptible d’appel, les décisions portant sur les actions visées au 7º peuvent elles-mêmes faire l’objet d’un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu’elles statuent également, à la demande du même contribuable pour la même année et pour la même commune, sur des conclusions relatives à la taxe professionnelle.

NOTA : Les dispositions de l’article 11 du décret nº 2003-543 s’appliqueront aux décisions des tribunaux administratifs rendues à compter du 1er septembre 2003.

NOTA : Les dispositions du décret nº 2003-543, sauf son article 8, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les terres australes et antarctiques françaises (art. 15 du décret nº 2003-543). »}}

Quant au rejet par ordonnance sans audience ni formation de jugement, c’est devenu un « classique » dans tous les contentieux.

Ce n’est pas rien, et il serait grand temps qu’on en parle et qu’on y réagisse tous ensemble.

Justiciable

justiciable_fr@yahoo.fr