FONCTIONNAIRE

Il n’y a rien à tirer du fonctionnaire en termes de perspectives révolutionnaires : conçu pour fonctionner, il ne peut guère qu’aller, à la rigueur, recycler sa veulerie, sa soumission et l’esprit borné et tatillon qui lui servent de compétences, dans une quelconque bureaucratie syndicale où il se sentira comme chez lui.
Généralement de classe moyenne, sa terreur crasse de basculer dans le prolétariat manuel et son ambition de faire partie de la bourgeoisie forment la laisse qui maintien ce toutou à la botte de son maître, qu’il va sporadiquement mendier dans ses ridicule manifestations pour un os ou une gamelle de flotte, de quoi vivre dignement avant d’aller crever dans un mouroir pavillonnaire, après des vacances à la plage.

Depuis que l’Histoire a fini de l’assigner à son grand rôle de pourvoyeur de goulags et de camps d’extermination, le fonctionnaire s’ennui.
Depuis la fin des derniers totalitarismes, il se doute qu’approche le moment historique de tirer sa révérence, qu’il appartient à la vieille configuration cumulative, pyramidale et centralisée du pouvoir étatique, en liquidation avec l’avènement de la société- cybernétique et sa configuration selon la logique de circulation, horizontale et décentralisée des pouvoirs économiques transnationaux dont les dispositifs ont progressivement réabsorbé le monopole du politique.
Aussi archaïque que l’Etat, qu’il continue de servir avec zèle, il accompagne de ses pleurnicheries le retrait programmé de la souveraineté de celui- ci et, telles des retraite aux flambeaux, ses manifestations ridicules viennent encore parfois égayer le paysage urbain en y promenant les figurines démodées d’une hideuse et dérisoire créature d’un passé bientôt révolu : la fonction publique.

Qu’elle crève !

Certes, le fonctionnaire remplit encore les écoles, les facs, les prisons et toutes les administrations où il reste le petit kapo de l’Etat, mais son effroi d’espèce menacée se fait de plus en plus sourdement sentir : il lui arrive même de voter extrême- gauche.
Sa façon d’invoquer le spectre du gauchisme- léninisme lorsque, incroyablement, il se syndique, a d’ailleurs quelque chose de touchant : tout ce qui intéresse cette vermine étant de conserver son maître et son poste de valet à son service, la vieille gauche- étatiste sait mieux que personne lui susurrer les dernières promesses rassurantes d’une société future qui aurait encore besoin de lui, une fois le Capital « aboli » ou «maîtrisé » … on pouffe de rire !

Il n’y a rien à tirer du fonctionnaire en termes de perspectives révolutionnaires. Tout ce que ce dernier peut encore faire de subversif est de se supprimer, non pas en tant qu’individu mais en tant que statut ; c’est au fonctionnaire de tuer le fonctionnaire en lui.

Tant qu’il n’aura pas rompu avec sa fonction, le fonctionnaire restera impropre à toute subversion réelle et ne servira qu’à fonctionner … plus pour très longtemps.

(La Sulf’)