Un confit est une préparation culinaire qui consiste à faire cuire lentement des aliments dans du sucre ou dans de la graisse. Ce procédé va permettre de mieux les conserver.

L’annonce de l’arrivée du Coronavirus sur le territoire national est vue comme le nouvel ennemi intérieur à combattre. Nous étions (presque) habitués au vocabulaire belliqueux des médias et des gouvernements, vocabulaire en accord avec un état d’urgence exceptionnel mis en place de façon durable pour palier à un terrorisme diffus, mal connu mais reconnaissable à son visage barbu, à un k-way jaune ou encore un à gilet noir. Nous étions habitués aux dispositifs d’exceptions (caméras, fichage ADN, repérage GPS grâce aux smartphones). On se savait surveillés mais tant que nous n’avions rien à nous reprocher, nous pouvions circuler en toute tranquillité dans la smart-city, de notre lieu de vie à notre lieu de travail en passant au supermarché et même jusqu’au bureau de vote. Une douce vie en somme, que venaient perturber certes quelques drôles d’énergumènes adeptes d’une promenade hebdomadaire en groupe qui malgré une pluie de gaz lacrymogène criaient « anti-capitaliste, à bas le gouvernement ».

Cependant, voilà que le 16 mars nos vies basculent, notre nouvel ennemi commun n’a pas de visage, pas de « signes particuliers » et il est difficile de le prendre sur le fait en train de « commettre un acte en vue de », a priori il est invisible aux caméras et pire encore il est partout, dans l’air. On se demande alors si respirer pourrait devenir un acte de collaboration avec l’ennemi.

Le nombre de morts en Mediterranée, la résurgence de la syphilis et de la tuberculose dans la Jungle à calais, n’auraient ils pas dû aussi mériter alors l’élan de la société, réquisitionnée aujourd’hui au nom d’une guerre invisible. Notre société immuno-dépressive se jette à corps perdu dans les bras de mesures qui laisseront autant de séquelles que ce virus. Les handicapés confinés dans les MAS, shootés au valium pour supporter la solitude, la privation des familles, ne s’en remettront peut être pas ; mais ce n’est pas l’épanouissement des corps et des êtres qui est en jeu, mais le mythe de la nation pour oublier que cette guerre a commencé avant. Par la destruction de tout ce qui était initiative collective à petite échelle, coupe budgétaire et centralisation des structures hospitalières. On ne réparera pas ce qui a été détruit par quelques médailles et une cagnotte illusoire. Les soignants sont trop cons d’avoir laissé partir en miette ce qui donnait un sens à ce métier. Et pour ceux qui ont lutté jusqu’à perdre leur propre santé, c’est amer de voir que la classe moyenne redécouvrant sa mortalité s’intéresse soudain à ce que les hôpitaux aient effectivement de quoi soigner.

Dans ce contexte de rabattage médiatique il devient de plus en plus complexe de réfléchir à ce qui nous agresse, et de comprendre comment nous pouvons et voulons nous en défendre singulièrement et collectivement. La crise du virus covid implique un pan bien plus large de notre existence qu’une crise sanitaire.

La réappropriation du corps, des soins, de la santé, il s’agit bien de cela ; mais on ne se l’autorise plus en temps de pandémie. La situation nous coule entre les doigts et l’on se résignera à attendre la réponse miracle à genoux car nous n’avons pas confiance en notre capacité de réflexion.

L’immunologie est une partie de la médecine qui est complexe, s’y pencher paraît intéressant ces temps-ci ; quand certains ne prennent pas position car ce ne serait que de médecine dont il s’agit. Mais les médecins deviennent eux-mêmes dépassés dans les services et les soignants appellent à toujours plus de confinement, devons-nous pour autant les suivre les yeux fermés ? La médecine n’est pas une science exacte mais nous avons du mal à l’accepter, comme le fait que notre système de santé est en délabrement et que sa course après une technologie à la pointe cache bien des manques de base. L’immunologie n’est peut-être pas à la portée de tous pour soigner les patients à l’hôpital mais elle peut l’être pour se pencher sur la sienne.

Se pencher une minute sur quelques bases ne permettra pas des connaissances solides mais peut-être d’y être curieux.

Le système immunitaire agit à plusieurs niveaux et est difficilement prévisible d’une personne à l’autre. Une première barrière nous protège de ce qui nous attaque, ce sont d’abord peau, poils, muqueuses et sécrétions qui sont en contact avec l’extérieur qui procèdent à un tri. Les cellules du système immunitaire prennent le relais en détectant si ces cellules étrangères sont porteuses d’une bactérie ou d’un virus qui pourrait attaquer notre organisme. En d’autres termes, des cellules nous constituent, d’autres nous sont extérieures et inoffensives et d’autres encore nous attaquent. Il s’agit pour l’organisme de différencier ce qui nous constitue de ce qui nous détruit.

Deux types de défenses s’appliquent ; innée et adaptative. La défense innée est ce qui déclenche les réactions inflammatoires à chaque agression, pour prévenir du danger. lors d’une plaie par exemple, une peau qui devient rouge, gonflée et chaude est en pleine réaction inflammatoire, elle prévient le corps par la douleur et l’aspect qu ‘il y a quelque chose qui cloche. Cette défense innée tente aussi de faire un premier nettoyage en s’attaquant assez basiquement aux cellules infectées. La défense adaptative est celle qui conserve la mémoire des infections précédentes et des manières de s’en défendre. c’est celle-là qui fabriquera des anticorps spécifiques aux virus ou bactéries entrant dans notre organisme et qui est donc témoin de l’expérience et de l’histoire du corps. Dans les maladies auto-immunes, l’organisme s’attaque à ses propres cellules ne pouvant différencier les siennes des cellules ennemies, ce qui explique une fragilité à l’égard de n’importe quel microbe.

L’immunité est bien singulière et on verra l’intérêt d’y être attentif pour se connaître. Le confinement nous a enfermé dans une réflexion individualiste qui a enchaîné panique et dépolitisation, mais l’immunité est bien collective aussi. On se rend compte début avril que le confinement va être compliqué à lever car il n’y aura pas assez de personnes immunisées contre ce virus. L’immunité collective consiste à ce que la majorité de la population contracte le virus. Soit par la vaccination en injectant un peu du virus pour stimuler nos systèmes immunitaires et créer une défense spécifique, soit par la contamination directe où l’organisme produit également des anticorps au contact du virus. Dans ce cas-là on peut renforcer nos systèmes immunitaires pour qu’ils soient plus réactifs qu’à l’habitude.

La décision politique de confiner la population aujourd’hui met en évidence le contrôle de notre immunité par l’institution de la médecine et dans le même temps de l’état. « Le corps est une réalité bio-politique, la médecine est une stratégie bio-politique »i, on ne peut se contenter de considérer que ce que nous sommes en train de vivre n’est qu’une réponse autoritaire à une crise sanitaire apparue à cause d’un virus inconnu. Elle vient pointer notre insuffisance à s’emparer d’une pensée corporelle qui ne se séparerait pas du politique. Le capitalisme n’a pas attendu une crise sanitaire pour s’emparer du corps comme réalité politique. Il l’a réduit à sa fonction productive, à sa force de travail. « Le contrôle de la société sur les individus ne s’effectue pas seulement par la conscience ou par l’idéologie, mais aussi dans le corps et avec le corps. Pour la société capitaliste, c’est le bio-politique qui importait avant tout, le biologique, le somatique, le corporel. »ii Ainsi, est apparu une médecine sociale qui devient hégémonique au détriment d’une médecine collective et privée avec des solutions hétérogènes pour se prémunir contre la maladie, de voir et d’accepter la mort possible entraînée par celle-ci. N’avoir qu’une seule réponse « médicale » pour un même mal ne relève pas d’une médecine intelligente, mais bien d’une idéologie totalisante loin d’être pragmatique et efficace. Elle réduit le corps à un mécanisme rationnel et réifie l’humanité, ne lui donnant qu’une valeur productive. Elle produit la notion aussi des personnes vulnérables selon des critères très variables. Si la vulnérabilité existe, il s’agit de se connaître et de connaître ses faiblesses pour ne pas déléguer sa protection à une entité étatique qui n’a pas les moyens réels de le faire. L’immunité peut être variable et des facteurs divers sont à prendre en compte pour ne pas s’exposer. Mais c’est aussi à ceux qui le peuvent de fabriquer des anticorps pour éviter des épidémies comme celle qui sévit actuellement.

Ce qui pose question dans la défense immunitaire est ce que l’on veut mettre en jeu pour se protéger de ce qui nous entoure, quels risques on veut prendre. Les bactéries et virus circulent, autant au sein d’un groupe qui vit ensemble qu’au niveau d’une ville et plus largement comme on le voit par exemple au niveau mondial avec le coronavirus. S’en prémunir complètement est quasi impossible à moins d’avoir une hygiène drastique et aucune vie sociale, encore que n’être jamais en contact avec des bactéries autres que les siennes expose à une fragilité importante. Doit-on rappeler que le métissage et la circulation est ce qui permet d’avoir une santé et non l’inverse ? Nous dégénérons dans l’entre-soi. Mais on touche là au rêve d’aseptisation de nos lieux de vie et de nos sociétés. L’asepsie est nécessaire pour désinfecter les plaies, dans les hôpitaux pour soigner les patients. Mais il est différent de l’inviter dans la ville, nos appartements, la confiner dans nos intimités.

C’est pourtant le rêve porté par les dirigeants de nos métropoles : désinfecter nos centre-villes. Chercher un milieu le plus safe possible au milieu de cette smart city. Le traitement du coronavirus arriverait à nous faire rentrer dans la tête que toute vie sociale est synonyme de saleté.

Pour se soigner ou se prémunir d’une grippe ou du coronavirus, il existerait bien d’autres manières que de s’arracher masques et gants pour les porter systématiquement, là où ça augmente une hystérie plus que ça n’est utile quand on se promène seul dehors. Porter un masque est par exemple utile pour la personne malade mais là encore il faudrait que l’on sache à quoi servent les outils de soin plutôt que de leur faire subir la loi du marché. En France, les tests apparaissent utiles plus pour contrôler le déconfinement que pour ralentir l’épidémie, on commence à se dire qu’il pourrait être utile de savoir si l’on est infecté après trois semaines de confinement.

Il ne s’agira pas tellement de proposer LA solution concernant les gestes à adopter quand et comment, on ne nous apportera pas ces réponses sur un plateau. Se poser ces questions nécessite de chercher, de revenir sur ses pas, et de décider en sachant faire état de ses erreurs et de les partager. Cela ne peut se faire quand la seule chose recherchée est d’être rassurée à tout prix. Une fois de plus c’est une affaire de choix et de pouvoir en être conscients, de ce que l’on met en jeu, ce qu’on perd et ce que l’on gagne.

C’est à l’œuvre dans les choix que font les parents : vaccinations, surprotection ou exposition aux bactéries etc, ils prennent des responsabilités sans pouvoir garantir la bonne santé même si leurs choix peuvent la guider sur un certain mode. Ce qui paraît important est plutôt d’être logique avec soi-même et ceux avec qui l’on vit, une sorte d’intégrité, et cette question d’immunité devient alors envisageable au niveau local.

Envisager une santé au niveau local et politique n’est pas nouveau. Depuis les années 60, des groupes ont pris en compte les déterminants sociaux et culturels de la santé, le besoin de faire avec ceux-ci et des expériences sont à l’œuvre malgré des subventions qui ne suivent pas. Que ce soit les campagnes pour la santé menées par les Black Panthers qui repolitisent cette question ou les centres de santé communautaires, ils voient l’absurdité de ne pas partir de l’existence des gens pour les soigner. Une attention est portée aux soins de base et à l’alimentation et la santé sort de sa tour d’ivoire médicale. La santé communautaire pose la question matérielle là où la majorité des pays occidentaux a mis l’accent sur le progrès technologique en médecine et non sur la prévention pour tous.

Le gouvernement a (pour une fois) entendu l’avis d’experts qui scientifiquement apportent des réponses objectives et rationnelles pour notre bien-être. Et l’information qui est tombée n’est pas des moindres : la maladie tue et la mort n’est rien d’autre que le néant, et n’a d’autre sens que celui de l’injustice providentielle.

La maladie et la mort font peur, et ces inconnues nous cloisonnent dans l’idée qu’il faut trouver la solution, l’appliquer et enfin guérir pour être tous en vie, biologiquement. Mais en vie pour quoi faire? Il n’est pas entendable de revenir sur cette question, car il va de soi que les humains doivent être sauvés. Ce qui vient peut-être pointer notre rapport culturel à la mort, après la mort il y a le néant. Le corps reste la preuve du vivant donc il est plus éthique de maintenir un corps biologique en survie que de le laisser partir vers le néant quitte à vider son existence de sens.

Pour prendre l’exemple des personnes âgées qui sont aujourd’hui ciblées par le virus de par leur fragilité, cette question du choix n’est pas à ses prémices. Les maisons de retraite pullulent et deviennent un marché avec des grands groupes comme Korian et Orpea qui font raquer les résidents tous les mois, exploitent du personnel avec des conventions dans le privé mais proposent un service matériellement désirable avec télés, service à la personne, médicalisation et aseptisation des lieux. La fin de vie en maison de retraite n’est même plus un choix à prendre pour ceux qui ont de quoi les payer, c’est une évidence. Et au nom de la sécurité médicale de ces personnes, on fera passer tout le reste en second. Dépossédées de leurs voisins, des marchés, de leurs animaux et de leurs habitudes. Mais ce sont pourtant bien des choix qui s’opèrent, éviter toute pathologie et allonger la durée de vie, au risque de dépressions ancrées comme on en voit beaucoup dans ces lieux. Car en effet quel est le sens à continuer de se prémunir des maladies et de l’extérieur quand on ne reçoit rien de toute façon de cet extérieur. Ainsi les repas sont sous vide et suivent une chaîne qui évite tout contact pour se protéger des intoxications, les personnes sont placées à table, souvent éloignées et parfois esseulées pour se prémunir de conflits relationnels. Mais on aura la garantie – quand le personnel n’est pas en sous-effectif comme souvent – que ces personnes auront leurs médicaments sans faute, l’huile anti-escarre tous les soirs et qu’on changera leurs protections.

Un vieux patient avait ainsi gardé une gousse d’ail dans sa chambre car il adorait ça et c’était son dernier plaisir qu’il s’octroyait lors des repas qu’il devait prendre seul dans sa chambre. On ne tarda pas à le lui enlever sans rien demander avec l’évidence des questions d’hygiène et de sécurité.

On peut paraître loin du covid, mais on est souvent réduits à notre corps biologique en Ehpad, pour pouvoir finir son existence le plus loin possible de la maladie, qui est en même temps omniprésente. Il ne s’agit pas de démontrer la supériorité d’un choix de vie, mais de questionner ce qu’on laisse aux mains de l’institution, ce qu’on considère comme intègre ou désintégrant.

En cette période de confinement qu’on ne peut critiquer sans passer pour un meurtrier qui ne penserait pas aux plus fragiles, on pourrait déjà leur demander, aux personnes âgées ce qu’elles en pensent. Les vieux ne sont pas un amas de personnes homogène et il y en a pour lesquelles continuer de voir leurs amis et faire leurs courses sera plus désirable que de se parquer pour ne pas risquer la fin de vie à l’hôpital.

Outre les personnes âgées, ce sont celles qui ont des maladies chroniques qui ont le plus de risque d’aller vers une aggravation ou la mort avec le covid. Le diabète et l’hypertension artérielle sont apparues principalement avec la malbouffe, le stress et la sédentarisation. Pour les maladies respiratoires, on devine l’influence importante de la pollution et des gaz. Le capitalisme a produit sur nos corps fragilités et maladies, mais que voulons-nous en faire maintenant ? Les classes les plus pauvres sont les plus touchées on n’en doutera pas, mais devons-nous subir en plus le traitement du système ?

« Il faut « endiguer » le coronavirus par tous les moyens, et cela ne peut se faire sans une position claire et ferme : le confinement. » Effectivement, les chiffres sont alarmants si ON ne fait rien. La prédiction de Neil Ferguson, un épidémiologiste qui utilise notamment la méthode de la modélisation mathématique, est formelle : « Au global, dans une épidémie non mitigée, nous prédisons approximativement 510.000 morts en Grande-Bretagne et 2,2 millions aux États-Unis ». L’homme de science s’appuie sur des analyses de différentes pandémies grippales et l’évaluation de différentes interventions possibles pour endiguer la propagation du virus, comme la fermeture des écoles, la mise en quarantaine des personnes infectées ou encore la fermeture des frontières. La différence entre ces mesures se fait donc sur la nuance des restrictions sociales. Il ne semble pas suggérer la réouverture des services hospitaliers fermés récemment, de mobiliser des fonds pour pallier au déficit budgétaire de la santé publique en baisse depuis des décennies, ou de faire appel des équipe de chercheurs (comme l’ont tenté certains à Marseille ou ailleurs avec moins de bruit) qui aurait trouvé un traitement curatif contre le fléau.

Non, apparemment, endiguer une épidémie au XXIème siècle se fait au son du doux terme « confinement ». Doux car il s’accorde avec celui de confort, synonyme de soirée-canapé-pizza-(#commandéesurUber)-sérieNetflix-recentrement-intellectuel-sur-arte-dans-un-appartement-Ikéa-aménagé-pour-le-télétravail. Rien d’effrayant ou d’alarmant, l’ordre ne nécessite pas d’y réfléchir à deux fois, et de plus, il est moins intrusif que de devoir choisir entre deux listes électorales. Certes c’est malheureux pour et celles et ceux qui n’ont pas de jardin et ou de salon, mais que veux-tu, il en faut bien non ? Puis, ON en appelle à notre « devoir de citoyenneté » qui prend du galon par l’injonction de « responsabilité individuelle » pour sauver la nation ! Nous n’avons plus le temps de réfléchir sur notre condition sociale, il faut impérativement faire fît de nos différences quelles qu’elles soient pour vaincre l’ennemi.

Et le gouvernement a pour cela envoyé tout le monde au front, sans oublier les petites mains, l’arrière garde qui ne doivent pas oublier leurs corvées qui sont de l’ordre de l’utilité publique. À celui-ci de leur faire oublier les risques qu’ils prennent au quotidien : « Si on répète qu’il y a un danger de mort à aller travailler, le risque est que les salariés de l’agroalimentaire fassent logiquement valoir leur droit de retrait. Dans ce cas cela peut provoquer des réactions en chaîne, avec des émeutes en cas de pénurie. Il faut vraiment veiller à cela. »iii Le gouvernement veille, et c’est bien rassurant, à ce que rien ne soit touché au niveau des privilèges, nous pouvons lui faire confiance pour prendre des mesures adéquates, si jamais l’arrière garde force un peu trop le ton sur ses condition de travail.

On voit bien qu’il n’y a pas dix chemins, l’immunité pour les gouvernements c’est le confinement. Et c’est bien ce qui veut être préservé ici en priorité. Vu comme la réponse ultime à une épidémie que l’on doit combattre « solidairement », il serait indécent de ne pas suivre la marche. Mais il est imposé à tous. Il est une réponse, des plus répressives et autoritaires emprunté au modèle chinois qui n’est pas réputé pour jouir de ses libertés. Ce traitement qui devient la norme sur le globe, ne pourrait se mettre en place sans un état d’urgence permanent.

Il nous réduit à un corps biologique en nous dépossédant de nos choix.

Certains craignent un pic à la fin de la quarantaine, et un enchaînement sur la durée de cycles de semi-confinements pour endiguer progressivement le virus et ne pas régresser sur la mortalité. Comme quoi même cette réponse est un tâtonnement, long et incertain.

Et elle l’est aussi parce qu’on ne pourra jamais opérer un contrôle total sur l’homme pour le cloisonner et le prémunir d’un virus. Là est bien tout le nœud de ces jours-ci. On dirait que l’être humain est prêt à vivre sous un contrôle étatique exceptionnel pour combattre un virus. Lâcher toute lutte pour la réduire uniquement à un combat médical quand certains entreverront la chute du capitalisme à travers le confinement. Mais même s’il n’y a plus que ces mots à la bouche des journalistes, une crise n’est jamais complètement que sanitaire, elle a des enjeux politiques et est pétrie de nos singularités. Au delà de ce que nous voudrions être, elle révèle au fond que beaucoup se contentent que leur impuissance soit justifiée par l’État, qu’il soit d’urgence ou pas. Ceux qui affichaient leur radicalité contre le gouvernement et sa police se mettent à genoux devant les règles de confinement en rivalisant avec médecins du monde question maraude. Les cagnottes et les ravitaillements sont très bien, un peu humiliants pour les soignants d’avoir les invendus et des chocolats quand tout le monde pense d’abord à sa gueule. Très dur pour ceux qui sont à la rue qu’on abreuve de bons sentiments en les laissant crever face aux amendes et polices toujours plus nombreuses dans les rues. Ce texte vient rappeler que la curiosité pour ce qui nous arrive ne trouvera pas de réponses faciles, mais qu’il est nécessaire de savoir ce qu’on nomme chacun par immunité et ce qu’on en connaît de la nôtre avant de suivre telle ou telle mesure. Être juste ne donne aucune médaille, mais coûte souvent en solitude et en conflit. Nous le savions déjà quand nous luttions contre la numérisation de nos vies et la traque aux indésirables avant le COVID. Il n’y aura pas d’avant et d’après le COVID, il y a maintenant une prise de parti qui matérialise des fossés bien plus profonds et irrémédiables que jamais.

i Foucault « naissance de la médecine sociale »

ii idem

iii Le Monde, 25 mars 2020, proche de Macron