Voilà bientôt deux semaines que nous vivons sous confinement. Dans ce contexte de crise sanitaire, où il est facile de se sentir isolé.e, il nous apparaît indispensable à Rennes de continuer à entretenir les liens militants existants et de maintenir une parole politique en analysant la gestion gouvernementale de l’épidémie de Covid-19 comme les politiques désastreuses qui l’ont précédée. Parce que cette crise expose au grand jour les rouages infâmes d’un système que nous dénonçons depuis trop longtemps et parce que le gouvernement est déjà en train d’organiser une sortie de crise qui – à grand renfort d’austérité – impactera tout le monde et surtout les plus fragiles d’entre nous, il est vital de nous organiser et de trouver dès à présent les moyens d’action qui nous permettront de combattre les politiques de relance de la grande machine capitaliste.

Le pouvoir n’est pas seulement coupable de ne pas avoir anticipé l’ampleur de cette crise : il l’a organisée depuis des décennies en dépeçant l’état social par ses cures d’austérité : privatisation à répétition, réductions de budget et de personnel. Il a laissé l’économie de marché devenir le maître mot même dans nos biens communs les plus précieux. Ainsi dans la gestion de l’hôpital public, la rentabilité a depuis longtemps pris le pas sur la garantie d’une santé de qualité pour toutes et tous. Plutôt que de construire un système hospitalier capable de résister à n’importe quelle crise sanitaire, les gouvernements successifs n’ont eut de cesse de supprimer des lits, de fermer des services voire des hôpitaux entiers en zone rurale et réduire le nombre de soignant·e·s. Alors que les personnels hospitaliers tirent depuis des années la sonnette d’alarme concernant le manque de moyens, ces mêmes gouvernements n’ont volontairement pas renouvelé et garanti des stocks suffisants de protections sanitaires (masques, tests et réactifs permettant de les analyser) pendant que des budgets sans limite étaient alloués dans certains secteurs comme celui du « maintien de l’ordre » (lacrymo, GLI-F4 et LBD).
Un sacré sens des priorités.

Et une nouvelle fois, eux qui n’ ont que le mot responsabilité à la bouche, ont caché leur incompétence par une doctrine autoritaire lors de la mise en place du confinement. Faible anticipation, impréparation, absence de pédagogie, des directives floues (parfois absurdes) imposées à la dernière minute et dont le respect est assuré avec le traditionnel autoritarisme d’un déploiement maximal des forces de l’ordre. Le tout assorti d’amendes au motif ridicule, de violences policières touchant comme par hasard davantage les noir·e·s, les arabes ou les gens des quartiers pauvres (pendant que le patron du MEDEF se ballade tranquillement entre sa maison de campagne et ses bureaux parisiens). Allant même jusqu’à condamner à des peines de prison, au moment où la sur population carcérale de longue date exige encore plus la libération de détenu-es et la fermeture des centres de rétention. Il conviendra aussi de rester attentif aux différents moyens de surveillance (drones, géolocalisation des téléphone…) menaçant les libertés individuelles au nom de la sécurité sanitaire.

En plus d’avoir mis en place les conditions de cette crise, le gouvernement prouve encore sa soumission aux logiques capitalistes. D’une part, si sa réaction a été tardive face à l’épidémie, ce n’est pas parce qu’il avait naïvement sous-estimé la dangerosité du Covid-19 mais bien par souci de faire fonctionner le plus longtemps possible la machine à fric. Même après la mise en place du confinement, alors que toutes les forces de production devraient être tournées vers la gestion de crise sanitaire, le gouvernement reste dans la retenue, dans le contrôle de son déficit et de sa croissance. Ainsi, dans le secteur du bâtiment, les grands chantiers inutiles se poursuivent alors qu’il faudrait en urgence monter des hôpitaux de campagne et libérer le matériel de protection pour les personnels soignants. De la même manière, le gouvernement a laissé se dérouler les élections municipales alors qu’il savait l’ampleur que cette crise sanitaire allait prendre (comme l’a révélé récemment Agnès Buzyn, ex-ministre de la santé).D’autre part, si Macron veut donner l’illusion d’un retour à l’Etat-Providence à grand renfort de chômage partiel, de primes, de suspension de cotisations, de garanties de prêts bancaires des entreprises (et pourquoi pas en parlant de nationalisations), ne nous y trompons pas, toutes ces mesures visent la préservation de l’économie capitaliste. Un indice de cette politique : les réformes concernant les personnes précaires (retraites, chômage) sont seulement suspendues, tandis que les réformes du début de mandat favorisant les grandes entreprises (CICE) et les plus fortunés (suppression de l’ISF), elles, ne le sont pas et, pourtant, continuent d’essorer l’état social. Cette théorie du ruissellement qui devait être bénéfique, ne nous est bien entendu d’aucune utilité.

Ne parlons pas des premiers de cordée totalement absent et qui fanfaronnaient lorsqu’il a fallu sauver Notre-Dame-de-Paris. Encore une fois, on socialise les pertes et on privatise les profits. Car c’est bien nous qui allons payer ces mesures : grâce à la loi qui instaure un « état d’urgence sanitaire », le code du travail va pouvoir être « assoupli » et, ce, pour une durée indéterminée. Ainsi, dans les secteurs jugés indispensables à la relance économique, il sera possible de nous faire travailler plus de 35h (et jusqu’à 60h), de déroger au repos quotidien et hebdomadaire et d’imposer le travail dominical. Dans tous les secteurs, nos employeurs pourront modifier nos jours de RTT et nous imposer de les prendre pendant la période de confinement. De plus, les cotisations sociales des entreprises pourraient être annulées pour la période du confinement. Cela signifierait purement et simplement une perte d’une partie de notre salaire puisqu’elles financent le système social (chômage, retraite, santé…). Mais attention, l’ensemble de ces mesures dites exceptionnelles pourraient devenir par la suite la norme, à l’image de l’état d’urgence lié à la situation anti-terroriste mis en place en 2015, renouvelé plusieurs fois et qui, pour finir, est devenu la règle par son inscription dans la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

La crise sanitaire et le confinement mettent en lumière de manière incontestable quelques éléments.

Premièrement, à l’heure où la retraite et les minimas sociaux sont plus que jamais attaqués, il apparaît évident qu’un système social et de solidarité fort est indispensable. On constate une grande défaillance de l’État et de ses collectivités dans la prise en charge des personnes les plus fragiles. En effet, demandeur·euse·s d’asile, sans domicile fixe, travailleur·euse·s du sexe, prisonnier·ère·s, personnes psychiatrisées et bien d’autres sont, en cette période de confinement, plus que jamais obligées de se tourner vers les associations ou les réseaux de solidarité entre particuliers (quand ils existent) car les institutions font défaut. On notera également que les métiers les moins bien considérés et les moins bien payés sont les plus utiles à notre société. Et inversement. Alors que les personnels soignants, les travailleur·euse·s sociaux·ale·s, les caissier·e·s, les agriculteur·rice·s, les éboueur·euse·s, les chauffeur·euse·s de bus, les employé·e·s des mairies, les facteur·rice·s… prouvent chaque jour de cette crise qu’ils et elles sont indispensables, plus rien ne saurait justifier d’un côté leurs conditions de travail catastrophiques et de l’autre les salaires mirobolants perçus par une classe sociale privilégiée dont l’utilité sociale des métiers est plus que discutable. De plus, l’occasion nous est offerte pendant cette période de réfléchir à la place du travail dans nos vies. Et puis, face aux grands enjeux de notre époque, qu’ils soient climatiques ou sociaux, on nous affirme continuellement que certaines mesures sont impossibles, car trop compliquées à mettre en place, trop radicales, trop coûteuses… Alors qu’il faudrait trois ans pour interdire le glyphosate, il n’a pas fallu trois jours pour déployer les mesures les plus radicales de sauvetage de l’économie capitaliste.

C’est pourquoi, nous ne saurons plus entendre qu’il est impossible d’effectuer les changement nécessaires aux bien être de toutes et tous. Nous refuserons de participer à la relance de la grande machine capitaliste.

Dès à présent, continuons de renforcer les réseaux de solidarité de voisinage et de multiplier les initiatives en direction des personnes isolées. Recensons les galères des plus démunis d’entre nous et allions-nous afin d’y faire face. Veillons aussi au respect des conditions d’hygiène pour les personnes qui chaque jour continuent d’aller travailler. Et dénonçons les manquements de l’État et des patrons partout où ils y feront défaut. Surtout préparons le terrain, afin que plus jamais nous n’ayons à travailler dans de telles conditions. Même à distance, continuons de nous organiser. Préparons notre sortie de crise pour que l’État n’ait pas l’occasion de museler la révolte populaire.

REFUSONS LE « RETOUR A LA NORMALE » !
A RENNES COMME AILLEURS, DÈS LA LEVÉE DU CONFINEMENT, RETROUVONS-NOUS TOUTES ET TOUS DANS LA RUE !
LE JOUR MÊME RENDEZ-VOUS A 11H A RÉPUBLIQUE

Des militant·e·s de l’AG de l’Hôtel Dieu

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