Plus globalement, ce « moment coronarivus » est un indicateur de l’état du monde : de la destruction de la biodiversité, de l’urbanisation vertigineuse ou encore de la dégradation des systèmes de santé publique. Sur le blog Chuang, qui s’intéresse au développement du capitalisme en Chine, « à ses racines historiques et aux révoltes de ceux d’en bas qui sont écrasés », un long texte intitulé « Social contagion » [1] remet l’apparition du virus dans son contexte : » Tout comme la grippe espagnole, le coronavirus a pu se propager rapidement du fait de la dégradation générale des soins de santé de base dans la population en général. Mais précisément parce que cette dégradation s’est développée au cœur d’une croissance économique spectaculaire, elle a été masquée par la splendeur des villes clinquantes et des industries gigantesques. La réalité, cependant, est que les dépenses publiques pour les soins de santé et l’éducation en Chine restent extrêmement faibles. »

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Il ne s’agit pas de réduire les causes épidémiologiques du virus à la course au profit et à la destruction des milieux naturels, mais force est de constater que les pandémies ne se répandent pas au hasard. Ainsi, c’est sur le terrain d’un environnement bouleversé que s’est développé le redoutable virus Ebola, responsable de 11 000 morts entre 2013 à 2016 en Afrique de l’Ouest, et qui revient par le bassin du Congo depuis 2018. La déforestation massive, souvent au profit de multinationales, a poussé « les chauves-souris, réservoir naturel du virus, à quitter leurs habitats traditionnels et à aller s’installer pour pouvoir se nourrir, près d’arbres fruitiers dans les villages et donc au contact avec l’homme », expliquait en 2014 le chercheur Jean-François Guégan, spécialiste des liens entre environnements et épidémies [2]. Un phénomène également observé pour les virus Nipah et Hendra en Asie du Sud-Est.

La journaliste américaine Sonia Shah prédit même de nouvelles catastrophes liées à nos choix industriels : « Une nouvelle pandémie nous guette, et pas seulement à cause du Covid-19. Aux États-Unis, les efforts de l’administration Trump pour affranchir les industries extractives et l’ensemble des activités industrielles de toute réglementation ne pourront manquer d’aggraver la perte des habitats, favorisant le transfert microbien des animaux aux humains. » [3]

Une bonne nouvelle : avec la paralysie économique causée par le virus, on observe depuis fin janvier une baisse spectaculaire de la pollution en Chine. Le coronavirus aura-t-il raison du dioxyde d’azote ? Pas sûr que ça dure…

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Même si, en France, on semble encore loin des villes chinoises mises en quarantaine et des drones policiers rappelant à l’ordre les récalcitrants qui sortiraient de chez eux, les mesures strictes de sécurité publique et les interdictions de rassemblement commencent à se multiplier. Un climat de confinement qui pourrait se marier avec l’usage du 49-3. « Ça n’a aucun lien avec le coronavirus », a tenu à préciser le Premier ministre, Édouard Philippe, le 29 février, après avoir annoncé qu’il engageait la responsabilité de son gouvernement sur la réforme des retraites, mettant une brusque fin aux débats à l’Assemblée nationale…

Le coronavirus aura-t-il raison des luttes sociales du moment ? Plutôt crever !

http://cqfd-journal.org/Tranche-de-pandemie