Un autre monde est possible. Le slogan a fait flores ces dernières années fédérant des milliers de collectifs militants à travers le monde, redonnant forces et espoirs à des millions de personnes laissées pour compte de la mondialisation capitaliste et repoussant dans les cordes le fameux « There Is No Alternative » de Margaret Tatcher. Mais derrière le slogan le chantier des alternatives est immense et à peine entamé. C’est pourtant là que se joue l’avenir du mouvement altermondialiste : expérimenter partout et maintenant et diffuser ces expériences pour s’enrichir mutuellement d’un bout à l’autre du globe.

Le samedi 15 janvier la chambre d’agriculture alternative du Pays basque a été constituée à Ainhize Monjolose (50 km de Bayonne). Portée depuis sa création en 1982 par ELB, le syndicat agricole basque affilié à la Confédération paysanne, la revendication d’une Chambre d’Agriculture pour le Pays basque répondait aux besoins spécifiques de l’agriculture en Pays basque (zone de montagne, petites exploitations) et à la volonté d’impulser une agriculture paysanne de qualité à l’opposé du modèle productiviste industriel défendu par la FNSEA et la Chambre officielle des Pyrénnées Atlantiques.

Ces 10 dernières années le syndicat ELB devenu majoritaire lors des élections syndicales de 2001 en Pays basque a mené une large campagne d’explication et de mobilisation obtenant le soutien de larges secteurs de la population et des élus locaux. Pourtant le refus répété du gouvernement français et le mépris des structures agricoles départementales face aux revendications des petits paysans basques ont amené le syndicat ELB à faire un pari audacieux, véritable exercice pratique de désobéissance citoyenne, annoncé en début 2004 : créer dans l’année une chambre d’agriculture alternative en faisant appel au soutien populaire. Le projet a été affiné, la collecte de fonds amorcée. Un puissant syndicat du Pays basque Sud a acheté et mis à disposition d’ELB un ancien hôtel dans le village d’Ainize Monjeloze. Au fur et à mesure qu’approchait l’échéance la tension est montée et les menaces se sont faites plus précises. Le préfet des PA a ainsi envoyé un fax à tous les maires dont une majorité soutient le projet pour leur rappeler que le projet était illégal, qu’il utiliserait toutes les ressources de la loi contre lui et qu’aucune subvention publique ne saurait lui être versée. Les caciques locaux de la droite opinent du chef. La fédération des PA du PS est en ébullition et veut interdire à ses élus de participer à l’inauguration.

Le samedi 15 janvier la chambre d’agriculture alternative est pourtant créée devant un millier de personnes, plusieurs délégations de syndicats ouvriers, une cinquantaine de maires, six conseillers généraux et deux conseillers régionaux. La structure se veut différente des Chambres officielles et son conseil d’administration est ouvert aux associations de consommateurs et aux défenseurs de l’environnement. La politique qu’elle compte mener est déjà bien réfléchie et définie : impulser une agriculture paysanne et durable, favoriser le maintien et l’installation des petits agriculteurs, promouvoir une agriculture de qualité, favoriser les circuits courts et le développement local, mettre en place un fonctionnement démocratique transparent et participatif. Face à l’interdiction explicite du préfet d’utiliser le terme « Chambre d’agriculture » le syndicat ELB réplique avec malice : l’association créée s’appellera « Laborantxa Ganbara », traduction de « Chambre d’agriculture » en basque, langue à laquelle l’Etat français n’accorde aucune reconnaissance ou valeur juridique quelconque…

A l’issue de l’AG de fondation le président fraîchement élu remarquait : « …en Pays basque nous avons des armes de construction massive que personne ne peut détruire… ». Il existe en effet au Pays basque une tradition de construction d’alternative concrètes face aux problèmes rencontrés : création de structures pour revitaliser la langue basque (écoles en langue basque, radios, cours pour adultes) de coopératives, structures d’animation en milieu rural, collecte et utilisation locale de l’épargne populaire…

Ce 15 janvier 2005 en Pays basque fait aussi écho à la construction d’une bergerie illégale il y une trentaine d’années sur le
plateau du Larzac par un groupe de paysans résolus ainsi qu’à l’action de centaines d’hommes et de femmes de tous horizons, faucheurs et faucheuses volontaires d’OGM.

Jakes Bortayrou
Membre du comité d’organisation du Forum social Pays basque

Pour plus d’infos sur le projet, voir le compte-rendu d’un atelier animé par ELB lors du dernier Forum social du Pays basque :
www.forumsocialpaysbasque.org/article18-fr.html
Articles de presse sur le site du Journal du Pays basque : www.lejpb.com
Pour soutenir le projet ou demander des renseignements : syndicat.elb@wanadoo.fr