On se souvient de Chirac comme d’un homme débonnaire, très abordable, fidèle en amitié, chaleureux, qui aimait les gens. Il est vrai que lorsque qu’on a vécu les années qui suivirent 2007, on peut se prendre à regretter les années Chirac. On dit qu’avec lui il n’y aurait pas eu les gilets jaunes. Il est vrai qu’il a su s’incliner face à la rue en 2006, chose que ses successeurs ne feront jamais. On retient de lui l’homme ancré dans son territoire, proche du monde paysan ; son refus de s’aligner sur les États-Unis dans la guerre contre le terrorisme, au Moyen-Orient ainsi que dans son propre pays ; son agacement face au zèle de la sécurité israélienne qui veut l’empêcher d’approcher les palestiniens ; le passionné des arts premiers, dégouté de l’art fabriqué ; le resquilleur du métro, déterminé à sauter les obstacles ; la fin du service militaire ; le premier à reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs ; on retient de lui cette célèbre phrase : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », en faisant de lui un visionnaire de l’écologie, … Bref, on est en train de construire un mythe.

  • Il serait bon de se rappeller que Jacques Chirac n’était pas que cela. Que Chirac est aussi l’homme de la reprise des essais nucléaires à Mururoa en Polynésie quelques semaines seulement après sa première institution comme président de la république en 1995. Ce qui a valu de belles émeutes à Papeete ainsi que le saccage de l’aéroport de Faa’a à Tahiti.

C’est aussi l’homme qui a perdu, malgré ses appels désespérés, le référendum européen et qui l’a ensuite tout simplement ignoré. Il est aussi celui qui a été mis en échec par la rue en 1995 face à la grève contre le plan Juppé sur les retraites et la sécurité sociale.

Nouvel échec en 2005 face au mouvement lycéen contre la loi Fillon sur l’éducation puis en 2006 face au mouvement contre la loi pour l’égalité des chances. Loi qui avait été pensé comme une réponse aux révoltes de 2005 dans les banlieues et qui n’a servit qu’à les propager jusqu’au coeur des villes. C’est toute une génération politique qui se construira autour de la charnière 2005-2006.

  • Jacques Chirac est aussi le premier ex-président de la république à comparaître devant un tribunal.

 Il est condamné à deux ans de prison avec sursis pour « détournement de fonds publics, abus de confiance, délit d’ingérence et prise illégale d’intérêt » par rapport aux emplois fictifs payés par des entreprises ou la Mairie de Paris entre 1990 et 1995 dont il été responsable. Il est aussi soumis à une instruction pour détournements de fonds en marge de l’attribution de marchés publics de l’office HLM de la Ville de Paris pour financer le RPR. Un vice de procédure empêche sa condamnation. Chirac est aussi impliqué dans le détournement d’une partie des marchés publics de construction et d’entretien des lycées. Les entreprises du BTP qui se voyaient attribuer ces marchés reversaient 2% du montant des contrats au RPR. Bénéficiant de l’immunité présidentielle, il ne sera pas entendu par la justice. Il a également été révélé que la compagnie aérienne Euralair avait mis à disposition l’un de ses appareils pour Jacques et Bernadette Chirac sans jamais leur facturer. Entre 1987 et 1995, les époux Chirac sont aussi accusés d’avoir dépensé l’équivalent de 2,14 millions d’euros en « frais de réception » payés par les services municipaux. Chirac est aussi mêlé au détournements de plusieurs millions de francs des caisses de la Sempap, imprimerie chargée de l’impression des documents municipaux. Nous n’oublierons pas non plus sa responsabilité dans l’inscription d’électeurs fictifs pour les élections de 1989 et 1995. Honnête et droit Chirac ?

Pour une petite plongée dans le système Chirac, lisez cet article de l’Express :

https://www.lexpress.fr/actualite/politique/emplois-fictifs-valises-de-billets-barbouzeries-l-autre-face-de-jacques-chirac_2099861.html

Enfin, ce bon vieux Jacques était aussi le soutien et l’ami des dictateurs africains : Hassan II, roi du Maroc de 1961 à 1999 ; Omar Bongo, président du Gabon de 1967 à 2009 ; Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo de 1979 à 1992 et depuis 1997 ; Gnassingbé Eyadema, président de la République du Togo de 1967 à 2005 et Paul Biya, président de la République du Cameroun depuis 1982. En tandem avec Charles Pasqua, ils s’emparent de l’essentiel de la Françafrique entre 1974 et 1976, Chirac en devient le pivot en réussisant à réunir les réseaux Foccart et Pasqua. Il donne un coup de main militaire à Denis Sassou Nguesso en 1974, 1988 puis de 1997 à 2003. Il couvre Idrss Déby, criminel contre l’humanité et faux-monnayeur. Il met en place la vente d’armes soviétiques à José Eduardo dos Santos pour mater le mouvement de libération de l’Angola. Il se refait une image en luttant contre les faux médicaments, pousé par son ami François Pinault, principal distributeur de médicaments sur le continent africain. Chirac déclarera lui-même : « Une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique ».