Ce n’est pas tant de sommes savantes des défaites circonscrites dans les espaces nationaux dont nous avons besoin, que de critiques impitoyables de nos échecs. Il s’agira donc de démolir les fétiches, les faussaires, les marchands, et les autorités diverses qu’on nous intime de suivre ou de révérer.

On veut nous faire prendre une partie pour le tout, l’aliénation pour de la résistance, la soumission et le contrôle
pour le nec plus ultra de la modernité. Pour y parer une de nos tâches fut de comprendre
comment celles et ceux qui n’ont que leurs forces de travail à vendre pour survivre ont surgi dans l’histoire. Pour autant expliquer pourquoi le prolétariat émerge et s’affirme n’indique pas de prérogative ou de qualité particulière au-delà de la contradiction.

C’est pourquoi nos aspirations et nos pratiques sont marquées du sceau de l’ambivalence.
Nous ne croyons en aucune justice immanente ou en une «vérité » à révéler par un écrit plus particulièrement lumineux.

Quant à la négativité du réel, nous n’avons pas d’autre choix que de lui donner de la profondeur et du sens.
Contre la résolution des immondes antinomies et les synthèses de l’abjecte, il nous a toujours semblé nécessaire
d’acter l’abolition du monde, sans concession aucune avec ce que nous sommes.
Si par moment notre point de vue de classe peut passer pour de l’ouvriérisme c’est que l’on se trompe à notre sujet et
sur notre démarche.

Car nous ne nous complaisons pas dans cette place / rôle que nous impose la dictature de la marchandise. Ainsi nous tentons quotidiennement d’éviter de nous délecter de l’assignation ou de l’essentialisation de ce que nous sommes: des prolétaires. Nous n’aspirons pas plus à être ou faire partie de ce peuple si cajolé par les petit-bourgeois du socialisme (national) des intellectuels ou les propagandistes du fantasmatique « pays réel ».

Nous ne sommes ni bons ni mauvais. L’idiotie et la bêtise n’épargne aucune classe. Si par moment nous mettons en gras la stupidité et la petitesse des exploités c’est que nous sommes féroces avec nous-mêmes et que nous n’idéalisons pas ce que nous vivons, pensons, ceci contrairement aux promoteurs de la décence
commune qui se proposent en utilisant la flagornerie de nous raconter et nous vendre des historiettes populaires et
consolantes sous toutes les déclinaisons possibles.

Nous ne souhaitons aucune popularité au(x) peuple(s) et même aux prolétaires, sinon leurs définitives disparitions.

Quand le peuple est populaire c’est que le supraclassisme n’est jamais loin. C’est qu’on tente en unifiant d’éteindre le
brasier de la guerre des classes. C’est qu’on délimite les luttes dans l’espace national et local alors que c’est la totalité du monde qui doit brûler.

Quand le peuple est populaire c’est que qu’on s’apprête à le racketter une nouvelle fois, qu’on lui prépare une nouvelle facture ou une laborieuse feuille de route. Quand le peuple est populaire c’est qu’on lui vend son
auto-hallucination comme une émancipation. Quand le peuple est populaire c’est qu’on lui propose un
« partage équitable » sur la base du mode actuel de production et un idéal de « justice » dans des rapports
juridiques qui ont leur origine dans la société basée sur l’exploitation.

Quand le peuple est populaire c’est qu’on tente de lui faire oublier qu’il doit en finir avec ce qui fait sa condition première, celle d’être un exploité.

C’est pourquoi nous ne sommes pas le peuple.