Urgence climatique, état d’urgence, urgence, urgence, urgence, mais est-ce que ça urge vraiment ?

L’urgence est l’état des choses qui demande une solution rapide pour ne pas empirer. L’exemple de l ‘urgence à l’hôpital est parlant : si quelqu’un perd son sang en masse, il va aux Urgences, sinon il meurt. Est-ce pareil pour le climat ?

La question ne doit pas se poser en ces termes. D’abord parce que la notion de « climat » est une notion technique de météorologues et que le problème est beaucoup plus global que cela. En parlant de « climat », nos experts ne parlent pas de la nature, d’espèces, d’arbres, d’oiseaux, d’humains, de la vie quoi. Cet notion technique a l’art de ne froisser personne et de dépolitiser le débat.
Ensuite, il faut faire très attention à ne pas tomber dans le panneau du pic d’anxiété médiatiquement provoqué comme pour Charlie.
Certes, il y a catastrophe, mais cela fait plus de vingt ans que les scientifiques du GIEC l’affirment. René Reisel et Jaime Semprun, dans leur livre Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable en parlaient il y a plus de dix ans ! Nous sommes déjà bien au courant, rien qu’en regardant autour de nous, la prolifération des pollutions et la nature qui se meurt.
Mais alors pourquoi tout ce tapage en ce moment ?
Nous vivons une époque où l’affect qui nous relie tous dans cette société déshumaine et hyper-rapide, c’est l’anxiété. Les média de masse, les politiciens et les marchands de sommeil accentuent ce phénomène à chaque occasion propice : pour faire de l’audimat, pour une élection ou pour nous vendre la dernière camelote à la mode…et ça marche !
L’anxiété accrue crée la peur qui provoque à son tour tout une série de réactions collectives et individuelles souvent débiles et néfastes pour la communauté : mouvement de panique, colères et violences aveugles, crises d’achats compulsives, écrans-sucre-suicides-nihilisme-hédonisme. En gros, à l’ampleur de l’urgence provoquée médiatiquement nous répondons avec la même ampleur par des sentiments primaires et essayons de retourner dans le cocon doux, infantilisant, rassurant de la maman. Massivement et socialement, cela conduit surtout à une soumission profonde aux directives des puissants en cravates et col blancs. Il suffit que 3-4 guguss affublés de l’étiquette « expert » en climatologie prout-prout parlent d’un ton solennel pour que nous tendions l’oreille et écoutions ces nouveaux prophètes à l’heure du scientifisme béatifié.

Ils répondent aux questions qu’ils posent.

En écoutant la radio, la télé et Internet, on entend parler « d’émissions de CO2 » et point barre. C’est simple comme problème non ?
Les hardes de scientifiques, d’experts et techniciens nous incitent à regarder le monde avec leur œillères étroites, à parler de « données », de chimie et de thermodynamique comme si la Terre et les êtres qui la peuplent étaient un « système » qu’on pourrait réduire à des chiffres que l’on aurait plus qu’à fourrer dans un ordinateur, et hop ! la solution apparaîtrait. Mais merde, nous ne vivons pas dans Matrix, le monde est irréductible à cette vision étroite et mesquine fait de chiffres et d’algorithmes.
Vient se pencher, par dessus l’épaule du scientifique, le businessman qui voit lui, outre des « données », des dollars à se faire, parce que le fameux « carbone » est avant tout un marché.
A l’heure de la finance, on achète le droit de polluer. Celui-ci constitue des titres qui peuvent s’échanger au gré des fluctuations des cours boursiers en dollars sonnants et trébuchants. Et bientôt un droit de tuer ? Échangeable sur le marché de la mort ? Si un État tue plus que prévu, bah ils rachètent des points sur ce marché, et il n’est plus coupable. Cela vous offusque ? Mais c’est exactement cela le CO2 mon amour. La taxe carbone et le marché du carbone sont seulement des moyens pour le capitalisme d’engranger plus d’argent. Et ni les arbres plantés en rang d’oignon ne « compenseront » une forêt détruite, ni les voitures électriques empêcheront les industriels de Total ou d’Elf d’extraire du pétrole pour le vendre et le brûler. Ni une espèce ne peut être déplacer de son milieu naturel pour être « sauver »…Cynisme et efficacité sont les deux mamelles du système.

De quel système parlons nous ?

Les jeunes qui manifestent l’on bien compris, quand ils clament « ha anti-capitaliste ! ». Hé oui ! on croyait le terme désuet et ringardisé depuis la fin des années 1970 ! Fini la politique ! les « Trentes Glorieuses » devait nous mener tout droit sur la route du Progrès Illimité. La chimie, l’atome, l’agriculture et la production de masse devaient nous apporter joies, bonheur santé et paix. Alléluiaaa mes frères !!!!!
Aujourd’hui la religion du dieu Progrès se pare de nouveaux adjectif « vert » « durables » « équitable » « bio » « soutenable »… Il prétend maintenir notre confort moderne, assurer celui des milliards d’indiens et de chinois qui veulent le même et en même temps, par les incantations des prêtres-scientifiques, faire des technologies toujours plus propres, plus vertes et plus efficaces.
Mais nous ne sommes plus dupe, Tchernobyl (et Fukushima en rappel), nous obligent à faire face à notre avenir avec moins d’images idylliques dans la tête et moins de faste. Il n’y a pas de paradis sur Terre et la technologie prise dans sa globalité de système technicien [1] est néfaste à l’humanité.
Capitalisme et système technicien (l’un qui produit en masse, l’autre qui fait de ces produits un monstre inarrêtable fait de câbles, d’écrans, d’ondes, de plastique et de béton) font de la planète une vrai poubelle : regardez la courte vidéo « pourquoi j’ai arrêté les douches courtes » où l’on voit bien l’accointance entre l’industrie, la technologie et le système de production capitaliste. Car c’est de production dont il s’agit puisque au final, si ces objets, ces gadgets, ces bagnoles n’étaient pas produites, elles ne pollueraient pas, ni dans leur fabrication, ni dans leur consommation [2]. Ce sont en grande partie les industriels les criminels, responsables de ce BIOCIDE (meurtre de la vie).
Ici nous ne ferons pas l’affront à la « population » en donnant des réponses toutes faites alors même que les questions (les enjeux dirions-nous) sont mal établies. En guise de conclusion, il serait plus utile d’établir des préceptes de bases pour réfléchir collectivement et individuellement :

  • – Ne pas céder à la peur, à la précipitation, au chantage et à la culpabilisation, parce que cela fait le jeux des puissants, des marchands et des escrocs.
  • – L’histoire n’est jamais écrite d’avance, ne pas croire les prophètes et leur prophéties de malheur
    (les collapsologues par exemple, joue sur l’anxiété et la peur de la mort pour faire adhérer à leur préceptes).
  • – Ce méfier des organisations qui paraissent souvent hyper-radical sur leur site et qui nous vendent du prêt-à-penser politique (Extinction Rebellion, Alternatiba, Deep Green Resistance et consorts !). La politique est avant tout quelque chose qui s’éprouve, qui se vit et se réfléchit….pas sur le web.
  • – Reformuler les problèmes que les médias et les experts disent techniques (problème « d’énergie », « d’émissions », « de flux ») en enjeux de société en incluant tous les champs du social.
  • – Les nuisances et pollutions des industries et des technologies ne pourront pas se régler avec encore plus de technologie et d’industries. Le « low tech » est une voie de garage (et un oxymore).
  • – Il faudra d’abord que les riches, industriels, PDG et actionnaires renoncent à leur confort et à l’opulence cynique. Cela passe d’abord par défaire l’équation richesse= puissance=bonheur.
  • – Lire, s’informer, discuter, réfléchir et surtout s’organiser pour se fédérer et peut-être lutter.
  • – Se poser et s’enraciner mais ne pas attendre que les puissants se bougent la nouille. Avez-vous déjà vu une multinationale philanthropique ? Avez-vous déjà fait l’expérience d’un gouvernement qui écoute son peuple ? Avez-vous déjà côtoyé des industriels qui protègent vraiment la nature ?

Collectif pour l’abolition du climat, mai 2019.

[1] Lisez Jacques Ellul, Le système technicien, Le cherche-midi 2014, 2012 [1977]. Ce type avait tout compris avant l’heure !

[2] La plupart des objets technologiques comme les smartphones et les écrans consomment quarante fois plus (en équivalent CO2) pendant leur production que pendant toutes leurs utilisations ultérieures. Voir livre de Biagini, L’Emprise du numérique, édition l’Échappée et renseignez-vous sur l’extractivisme.