Toujours là. 

Toujours là. À se lancer dans l’aventure sans brides de la pratique
anarchiste, dans ce cyclone d’idées libres qui tend vers la tempête de
l’action déréglée, du jeu sans prix à gagner, de la vie sans médiations.
Toujours là. À l’écart et contre les idéologies promouvant des sujets
politiques, contre les lunettes embuées du citoyennisme, contre
l’imposition de la vie sécuritaire transformée en habitude et
obéissance.
Toujours là. Malgré les tentatives de récupération et d’anéantissement
de l’idée de liberté. Malgré les réalismes, les moralismes et
l’intégration de la logique du pouvoir par ses faux critiques, qui
visent la réforme de la domination plutôt que sa destruction.
Toujours là. À persister dans la recherche de sentiers pour tisser des
complicités pour combattre l’offensive technologique en train de
renouveler et d’approfondir la domination, pour s’atteler passionnément
à la destruction de l’oppression et de l’exploitation, pour regarder
au-delà des horizons de ce présent insipide.
Toujours là. Même si les dépendances des prothèses technologiques
cherchent à nous détourner de l’annihilation en cours de notre
sensibilité et de notre imagination. Même si les rapports virtuels
cherchent à nous dépouiller de la complicité et de l’humanité.
Toujours là. À revendiquer avec amour et fierté les idées anarchistes,
dans une époque où intégration et répression vont main dans la main,
obscurcissant toujours plus les horizons de révolte.
Deux jours pour se retrouver autour de l’anarchisme et de ses
propositions, pour les discuter et les approfondir; autour des livres et
de notre presse, témoins de notre patrimoine révolutionnaire, et autour
des nouvelles étincelles de papier, prêtes à incendier ce présent
tiraillé entre la résignation profonde et la rage occasionnelle.
Deux jours et une foire du livre anarchiste, libre de compromis
commerciaux et institutionnels.
Deux jours trempés d’idées en liberté, loin des anciens et des nouveaux
bergers des masses, loin des anciens et des nouveaux suiveurs de
troupeaux. Car tout est toujours possible pour celui qui, entre la
tension individuelle et la transformation sociale, se sent un individu
en lutte réussissant à fusionner les idées et la pratique.
Ces deux jours auront lieu à Marseille le 21 et le 22 septembre 2019.

 

Programme


SAMEDI 21 SEPTEMBRE
10h Ouverture de la Foire du livre anarchiste à Marseille avec en
permanence distros, tables de presse, stands d’editeurs anarchistes et
exposition autour de la presse anarchiste à Marseille fin du 19eme
siècle.

11h Bienvenue : nous saisissons l’occasion de l’ouverture de cet
événement pour présenter certains projets anarchistes de Marseille comme
le CIRA, Centre International des Recherches sur l’Anarchisme fondé en
1965 et l’imprimerie anarchiste L’Impatience active depuis 2018.

14h Débat: Restructuration du pouvoir et perspectives anarchistes, débat
présenté par Alfredo M. Bonanno

À la fin des années soixante-dix, en pleine période de fermentation
révolutionnaire, la domination entamait une vaste restructuration. Les
grands bagnes industriels fermaient leurs portes, la production devenait
toujours plus automatisée, les discours d’État étaient saupoudrés de
participation citoyenne et d’intégration, les marchés se diversifiaient.
Plutôt que de subir ce processus, des anarchistes proposaient alors
d’aller du centre à la périphérie. Petits groupes affinitaires,
auto-organisation des luttes, organisation informelle, luttes
spécifiques et attaques diffuses étaient les éléments de base pour
élaborer des projectualités insurrectionnelles contre la restructuration
en cours.
Nous nous trouvons aujourd’hui face à une nouvelle restructuration, ou
plutôt, face à un nouveau processus transformant profondément l’ensemble
des rapports sociaux. Si l’axe central de ce processus est constitué par
la technologie dans le sens le plus ample du terme, il semble être en
train de recouvrir la réalité même d’un fin brouillard, où les capacités
caractéristiques de l’être humain (comme la sensibilité et la
compréhension de la réalité qui l’entoure) tendent à s’effacer en faveur
d’un nouveau paradigme. Dans un monde en proie à des guerres
sanguinaires, subissant une dévastation environnementale irréversible et
une annihilation profonde des capacités de compréhension de la réalité,
qu’en est-il d’une proposition anarchiste d’aujourd’hui ? Réfléchir sur
les transformations en cours amène l’anarchiste, cet amant de la
liberté, à poser la question de la destruction. Et si la destruction
révolutionnaire n’est pas un slogan, si ce n’est pas un simple artifice
rhétorique, il faut affronter les problèmes qui font le pont entre
l’idée et l’agir : comment se battre, par quels moyens, avec quelles
formes organisationnelles et quelles projectualités.

17:30 Présentation du livre: Incognito, Expériences qui défient
l’identification, ed. Mutineseditions

Ce livre qui parle de clandestinité projette un rayon de lumière dans
l’obscurité. Il propose un saut dans le versant inconnu du secret, dans
cette dimension parallèle où, souvent, même ce qui peut être dit ne
l’est pas. Par excès de précaution, par peur, ou parce qu’on considère
la clandestinité comme une question qui ne nous concerne pas. Ou encore,
dans certains milieux, et dans le pire des cas, par pur calcul
politique.
Et pourtant, même si on observe ce monde superficiellement, il ne se
présente pas comme une lande désolée, mais plutôt comme un monde peuplé
d’êtres vivants, d’expériences et d’idées qui naviguent à nos côtés,
dans les aspects les plus misérables et les plus fascinants de notre
quotidien, à côté de nos désirs les plus ardents et de nos rêves
éveillés les plus passionnés.
Les textes rassemblés ici parlent de ce monde, nous en rapportant
quelques voix parmi tant d’autres, des voix dont le ton, les émotions et
les messages sont certes variés, mais qui vivent ou ont vécu dans la
dimension de la clandestinité. Des expériences qui ont été endurées par
choix ou bien pour des raisons extérieures à sa propre volonté, suite à
un parcours de lutte révolutionnaire pour les uns ou bien d’une
condition sociale pour tant d’autres, par tous ceux qui n’ont plus rien
à perdre sur les chemins de l’exploitation et de l’atrocité des
frontières, pas même une pièce d’identité.

20:30h Repas et soirée musicale

DIMANCHE 22 SEPTEMBRE

10h Ouverture: avec en permanence distros, tables de presse, stands
d’éditeurs anarchistes et exposition autour de la presse anarchiste à
Marseille fin du 19eme siècle.

12h Projection: documentaire « Anarchistes en Russie, Ukraine et
Biélorussie »

Le film revient sur les dix dernières années d’action anarchiste dans
ces contrées. La projection sera suivie de la lecture d’une contribution
écrite par des compagnons russes pour l’occasion, contribution qui
propose de revenir sur les tensions sociales, la répression et la
conflictualité anarchiste en Russie, ce qui ne manquera pas de soulever
une discussion sur la solidarité internationale et révolutionnaire.

14h Débat: Autour de la révolution syrienne et l’intervention anarchiste
L’ État syrien mène une politique d’extermination massive. En répondant
à un mouvement populaire de libération, il n’arrête pas de trouver des
moyens plus effectifs pour détruire la révolte. Dans le but de parvenir
à une nouvelle situation gouvernable sur son territoire, il a
massivement déplacé et aliéné ceux qui ne pouvaient pas être mis au pas.
La guerre contre-insurrectionnelle a été utilisée comme exemple pour
freiner les soulèvements et les révoltes, notamment en Égypte, en Iran
et en Jordanie. En plus, cela a créé une situation dans laquelle des
États étrangers se disputent davantage du pouvoir politique et où des
corporations font leur business au détriment d’une lutte libératrice.
Bien que cela semble être un espace attrayant pour la réflexion, la
critique et la solidarité anarchistes, cela ne semble pas se
matérialiser dans la pensée de ce dernier ni sur le terrain. La question
demeure : avec les conséquences massives de la situation en Syrie,
pourquoi n’y a-t-il pas eu un engagement égal avec elle d’un point de
vue anarchiste ? Outre le soutien matériel envers les réfugiés, pourquoi
les aspects, les aspirations et les combats du mouvement populaire
syrien ont-ils été ignorés ?
Cette discussion s’agit d’une critique des échecs passés et récents à
s’adresser à la situation en Syrie d’une perspective anarchiste. C’est
aussi une invitation à réfléchir ensemble à l’intervention anarchiste
dans des mouvements populaires qui ne revendiquent pas clairement des
propositions anarchistes.

17:30h Présentation du livre: Face à face avec l’ennemi, Severino Di
Giovanni et les anarchistes intransigeants dans les années 1920 et 1930
en Amérique du Sud. ed. Tumult et L’Assoiffé

« De sa jeunesse on ne sait que peu de choses, enfant intelligent, vif,
intolérant envers l’autorité familiale… ». Severino di Giovanni naît à
Chieti en 1901, dès le plus jeune âge il plonge dans les lectures qui
ont nourri et enflammé ses tensions anarchistes. En 1922, il émigre à
Buenos Aires avec sa famille, emmenant avec lui le lourd bagage de la
misère et de la rancœur dues aux persécutions que les fascistes lui
avaient réservé. À vingt-trois ans il incite, dans les colonnes d’un
journal anarchiste de Buenos Aires, à « détruire les casernes, les
tribunaux, les églises et toute idole en papier mâché ». Aussitôt classé
par la police en tant que « redoutable agitateur anarchiste », il se dédie
sans trêve à l’anarchisme le plus intransigeant, l’attente étant la
chose la plus éloignée de lui : des journaux, des livres et une
bibliothèque, pour faire une brèche dans la marée de crève-la-faim
italiens qui avaient émigré là-bas.
Mais l’agitation de celui qui vit avec la hâte de brûler dans le feu de
la révolte absolue, n’est pas seulement faite de discussions et d’encre.
Si d’un côté les théories sont un enrichissement utile, les actions
dynamitardes et les expropriations à main armée menées avec ses
compagnons ont montré qu’attaquer « l’ennemi face à face » n’est pas
seulement possible, mais aussi indispensable pour accélérer le processus
révolutionnaire au bénéfice de tout le monde.
Arrêté alors qu’il sortait d’une imprimerie en plein cœur de Buenos
Aires, Di Giovanni répondit à ceux qui voulaient mettre un terme à sa
vie en ouvrant le feu avec son Colt 45. Accablé et finalement capturé,
il sera fusillé deux jours après son arrestation, à cinq heures dix du
matin. C’était le premier février 1931. Il est mort comme il a vécu, en
criant « Vive l’anarchie » devant le peloton d’exécution qui l’a criblé de
balles.