Misère du mâle

Depuis quelques jours vient de paraître le fameux démenti de Cyril sur Indymédia Nantes. Avant d’aller plus loin, je tiens à signifier plusieurs choses. Premièrement, le démenti de Cyril résulte d’un accord avec les femmes citées dans son texte (je étais présent lorsque le groupe de femmes discuta avec Cyril). Deuxièmement, si l’impression de ce texte donne un sentiment d’aveux, d’expiation chrétienne et autres, il faut peut-être s’interroger quant à l’écriture de ce texte. Manier un procédé d’écriture, reste un moyen tactique pour décrédibiliser un discours, une parole où un ressentiment d’ordre politique. D’ailleurs, les premières réactions attestent ce phénomène. L’histoire est peut-être un éternel recommencement ? L’an dernier, il y a eu une confrontation liée à la question du sexisme en milieu militant. Certes, la méthode était différente, mais l’on peut voir une continuité avec l’affaire en cours. Encore une fois, la critique s’attarde essentiellement sur le procédé, a défaut de poser la question de fond qui est sous-jacente dans ces deux histoires. Evidemment, les fins doivent correspondrent avec les moyens quant à un problème politique précis. Cependant, nous, les mâles, avons-nous une réflexion et des pratiques quotidiennes en accord avec ce que nous défendons ? A savoir, l’idée d’une société à l’intérieur de laquelle toutes formes de dominations seraient bannies. Critiquer le moyen est une chose. L’absence d’une réflexion liée à la pratique quant à ce problème en est une autre, au sein du milieu militant. Autrement dit, critiquer le procédé reste le seul moyen efficace, quand une carence réflexive et pratique se fait sentir face à ce type de problème. Voilà où en est le milieu militant à l’heure d’aujourd’hui.

Nous osons aborder, nous, les mâles militants, des questions précises et d’ordre générale telles que : Le syndicalisme, la mondialisation, le rôle de l’Etat, la stratégie du patronat, la rupture dans une lutte politique etc.. Mais en aucun cas, nous n’arrivons clairement à aborder la question homme/femme au sein de nos relations quotidiennes. Par ailleurs, je tiens à dire qu’autour de cette question, je ne me différencie pas de mes congénères. Evidemment, ma construction masculine m’interroge et me pose une série de questions envers moi-même. C’est pourquoi, ce problème peut traduit un malaise et mal-être envers la communauté male et militante. Le mutualiser entre congénères masculins paraît toujours aussi problématique et laborieux. Evidemment, par mon appellation d’homme je fais explicitement partie du groupe dominant. A partir de là, nous avons cette difficulté majeure à nous remettre en question quant à notre propre construction sexuée dans le milieu libertaire. On peut abattre le capitalisme et instaurer l’autogestion généralisée dans les faits, mais instaurer aussi « tout le pouvoir au pénis » dans la pratique, encore une fois.

Certes, notre vie quotidienne en tant que mâle n’est pas très réjouissante. Nous vivons des situations sociales pas forcément rose, nous sommes confrontés aux impératifs de la survie quotidienne. Par conséquent, la difficulté à aborder la question du genre comme un moyen d’oppression et de domination, y compris dans notre cénacle, traduit peut-être un refus catégorique de partager le pouvoir. Nous sommes en partie dépossédés de notre vie et dans l’incapacité d’en avoir le contrôle. De là, le refus de poser clairement le sexisme comme une réalité militante, a peut-être, pour finalité de garder un pouvoir à l’intérieur de la chapelle militante. Dans la vie courante, nous vivons une oppression d’ordre économique et sociale. Ainsi, le refus d’accorder une place envers le genre féminin et le rendre secondaire par nos attitudes et réactions sur certains points, sous entend peut-être, un refus de partager notre pouvoir d’homme socialement construit y compris au sein du milieu militant. Le pouvoir masculin en milieu militant devient le seul bien que nous ayons, nous, les mâles. Bref, nous sommes des individus dépossédés quotidiennement. La seule chose qui nous donne l’impression d’exister et d’avoir une impression de prestance envers les militantes, est donc ce sentiment de pouvoir que nous n’avons pas ailleurs dans notre quotidien oppressant.

Proudhon