Dès le samedi à 16h, à peine avait-elle eu lieu, la scène fut diffusée en boucle notamment sur les chaînes d’information en continu.

… prélude à une nouvelle diffusion en boucle de la scène et des condamnations…

… suivie dans la soirée et pendant toute la journée de dimanche des débats pompeusement présentés comme des « décryptages ».

Pour ne pas accabler nos lecteurs, nous reproduisons en annexe seulement quelques indices de ce matraquage.

Entre temps, les éminences de l’éditocratie purent, tout à loisir, condamner ce qui est condamnable en omettant consciencieusement ce qui ne l’est pas !

Jean-Michel Aphatie décréta que la « violence », « l’intolérance », la « haine » étaient depuis le début le cœur de la mobilisation des gilets jaunes :

« Un degré de plus franchi dans la haine », asséna Christophe Barbier sur BFM-TV. « De la haine à l’état pur » s’indigna Alba Ventura sur RTL. « Imbécile et honteux » précisa Anne Sinclair (Huffington Post).

« Vermine », surenchérit enfin un très zélé serviteur du service public, oublieux de l’appartenance de ce lexique à la propagande d’extrême-droite dans l’entre-deux guerre :

À noter que la nuit du 20 au 21 avril porta conseil à notre vertueux penseur qui, vers 7h du matin, s’avisa qu’il valait mieux battre partiellement en retraite… dans l’intérêt de sa propre paix intérieure [1] :

Au moment où nous écrivons, les « décryptages » se poursuivent, après que Priscillia Ludosky et Jérôme Rodrigues (entre autres) [2] dénoncent « avec vigueur » les slogans invitant les policiers à se suicider « entendus très marginalement et pour la première fois lors de l’acte XXIII des gilets Jaunes, après plus de cinq mois de mobilisation [3] ».

Une fois de plus, comme ce fut le cas à propos de l’antisémitisme, on assiste ainsi à la construction d’un amalgame médiatique où quelques dizaines de manifestants deviennent, par la magie de la répétition en boucle des images, représentatifs de la totalité des gilets jaunes.

Pourtant, s’ils en avaient pris la peine, les commentateurs patentés (dont certains se font passer pour des journalistes) auraient peut-être entendu un slogan qui s’est répandu dans les manifestations depuis plusieurs semaines. Inaudible dans la quasi-totalité des grands médias, on l’entendit au départ de la manifestation à Paris :

De semaine en semaine, lors de chaque manifestation (ou presque) des gilets jaunes, c’est le même spectacle qui est offert par les grands médias. Des scènes de violences et d’agressions verbales, de préférence marginales et minoritaires, sont chargées de livrer le sens du mouvement dans son ensemble. Inutile, dans ces conditions, de s’informer pour informer : il suffit de bénéficier des échanges entre commentateurs professionnels pour commenter à son tour [7].

La fabrique des « débats » et des « polémiques » peut alors fonctionner à plein régime. « Comment les gilets jaunes sont-ils devenus antisémites ? » « D’où vient l’homophobie des gilets jaunes ? » « Pourquoi la haine anti-flic gagne-t-elle les manifestants ? » Questions de pure rhétorique auxquelles il est vain de tenter de répondre puisqu’elles reposent sur des généralisations abusives qui n’ont d’autre effet que de jeter le discrédit sur le mouvement que l’on fait mine d’expliquer.

https://www.acrimed.org/Ne-vous-suicidez-pas-Rejoignez-nous-le-slogan