mystère. Comme en Charente cette semaine, les incendies volontaires se multiplient depuis cinq mois. La mouvance d’ultragauche est suspectée.

Quelque 150 000 foyers charentais privés de télévision pendant trois jours. Les réseaux de téléphonie mobile (SFR, Bouygues) fortement perturbés d’Angoulême à Cognac.
Celui des stations de Radio France impacté également. Selon l’opérateur TDF (ex-Télédiffusion de France), les dégâts causés par l’incendie criminel, dans la nuit de mardi à mercredi, d’une antenne-relais à Saint-Saturnin se chiffrent à plusieurs centaines de milliers d’euros.

« C’est grave et préoccupant », insiste Jean-Louis Mounier, directeur général adjoint de TDF, qui gère 18 200 sites dans tout le pays. La société, chargée de la diffusion radio et TNT, de la couverture très haut débit mobile et du déploiement de la fibre optique, a alerté les autorités. « En s’attaquant à nos installations, on empêche la circulation de l’information, ajoute Jean-Louis Mounier. Mais on fait aussi courir des risques à la population qui, privée de téléphone, ne peut plus joindre les services de secours en cas d’urgence. »

À l’heure où les pouvoirs publics et les opérateurs souhaitent en finir avec les « zones blanches », ces territoires privés d’Internet ou de réseaux mobiles de qualité, certains s’évertuent à en créer de nouvelles. L’attaque de Saint-Saturnin n’est en effet pas un cas isolé. Depuis plusieurs mois, les destructions volontaires d’antennes
de téléphonie et d’émetteurs TDF se multiplient. En décembre 2018, des pyromanes ont frappé à Saint-Julien-
des- Landes (Vendée), à Bernis (Gard) et à Casseuil (Gironde) où, après en avoir découpé le grillage, ils ont forcé puis incendié le local technique. D’autres sont passés à l’action fin janvier sur les hauteurs de Grenoble
(Isère). La veille, les locaux de France Bleu Isère avaient déjà été ravagés par les flammes. Besançon
(Doubs) et sa région ont été frappés quatre fois entre septembre 2018 et février de cette année. Trois relais ont été visés début avril à Aiglepierre (Jura).
À chaque fois, les incendiaires agissent en pleine nuit, par effraction au besoin, dans des lieux isolés, souvent difficiles d’accès.

Dans l’Isère, la section de recherches de la gendarmerie de Grenoble a lancé un appel à témoignages après l’incendie du relais. Le contexte local est particulier du fait de la présence d’un foyer anarchiste très actif. Depuis octobre 2017, les enquêteurs tentent,
par exemple, de retrouver les auteurs de l’incendie d’une gendarmerie à Meylan. Cette action
avait été suivie, un mois plus tard, par l’incendie de la Casemate, le centre de culture scientifique de la métropole grenobloise.

Si personne n’a revendiqué les destructions d’antennes-relais, des textes anonymes se félicitant ironiquement de tels actes, en particulier ceux commis dans l’Isère, ont été mis en ligne sur plusieurs sites anarco-libertaires, dont Indymedia, plateforme de publication libre notamment implantée à Grenoble et à Nantes. « La désorganisation de la société capitaliste hyperconnectée, l’interruption des flux d’informations qui propagent l’idéologie du pouvoir, le sabotage des réseaux de communication et de son infrastructure appartiennent
clairement à la grammaire de l’ultragauche et ont été largement théorisés notamment par le Comité invisible », analyse le chercheur Éric Delbecque, auteur des Ingouvernables (Grasset). « Des enquêtes sont en cours », indique prudemment la direction générale de la gendarmerie.

Des interpellations pour dégradation d’antennes ont pourtant bien eu lieu en mars. Mais pas dans la mouvance de l’ultragauche. Elles concernaient un groupe de Gilets jaunes de Dordogne, impliqués dans le pillage de magasins sur les Champs-Élysées, qui ont reconnu être les auteurs d’au moins six incendies volontaires perpétrés à Bergerac et dans ses environs pendant la semaine de Noël 2018, dont celui d’un pylône qui abrite un relais SFR. g S. J.