D’abord, une immense tristesse de voir cette merveille d’architecture partir en fumée. Puis, très rapidement, la nausée.

Fidèle à lui-même, le président de la République s’est rendu sur place pour y débiter ses platitudes en mode Franck Lepage.

Les annonces qu’il devait faire mardi soir ont été reportées sine die. On le comprend : son plan de com aurait été perturbé et une petite diversion est toujours bienvenue lorsque la popularité est à marée basse.

LREM et le Rassemblement National ont suspendu leur campagne pour les élections européeenes. Gageons que les éditocrates au service du Prince se garderont de souligner cette « convergence » entre l’extrême-droite et la majorité présidentielle. Et qu’ils ne manqueront pas de fustiger une fois de plus les gilets jaunes qui manifesteront samedi car ces « foules haineuses » ne vont probablement pas respecter la-douleur-de-millions-de-nos-concitoyens, malgré les injonctions du gouvernement et de ses plumitifs.

Mais, surtout, les braises de la cathédrale étaient à peine éteintes que débutait le ballet indécent des grandes fortunes françaises. François-Henri Pinault (Kering) a annoncé un don de 100 millions d’euros. Patrick Pouyanné a fait savoir que Total donnera 100 millions d’euros également. La famille Bettencourt (L’Oréal) a doublé la mise, car Notre-Dame le vaut bien.  Bernard Arnault (LVMH), devenu la troisième fortune mondiale, ne pouvait pas faire moins et y est donc allé de ses 200 millions aussi.

Chaque année, ces entreprises font des milliards d’euros d’économie d’impôts grâce à l’évasion fiscale et au CICE. Leurs dirigeants ont bénéficié de la suppression de l’ISF et de la flat tax décidées par celui dont ils ont financé la campagne présidentielle. Les gazettes et les chaînes de télévision qui leur appartiennent (c’est-à-dire presque toutes) vont désormais nous chanter les louanges de ces généreux donateurs, sans trop s’appesantir sur les dispositions fiscales qui régissent ces dons.

En effet, la niche fiscale du mécénat permet aux entreprises de déduire 60% des dons de l’impôt sur les sociétés. Le coût de cette niche fiscale pour les finances publiques – qui atteint déjà 900 millions d’euros – va donc exploser avec les dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Et M. Darmanin viendra ensuite nous expliquer qu’il faut réduire un peu plus la dépense publique pour compenser des recettes fiscales en baisse. CQFD.

Jésus avait chassé les marchands du temple. Voici que leurs logos vont orner le chantier de sa reconstruction.

Quant aux « dons » des plus fortunés, ce sont les plus pauvres qui vont les payer par des coupes supplémentaires dans les services publics.

https://blogs.mediapart.fr/marugil/blog/160419/notre-dame-de-paris-ou-la-recuperation-en-marche