Plusieurs dizaines de personnes sont passées par la prison de Seysses depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes. Certaines sont sorties, et d’autres y sont encore. Certaines ont été condamnées, d’autres sont en attente de jugement. L’une d’elle est ainsi en détention provisoire dans le cadre d’une enquéte pour “association de malfaiteurs”, malgré l’absence de faits et d’associés. Cette instruction est l’une des deux de la sorte sur le mouvement Gilets Jaunes à Toulouse. Si les inculpé·e·s de l’autre association sont dehors, la justice décide de garder le compagnon en détention depuis bientôt 2 mois.

Samedi 2 février, un compagnon gilet jaune est arrêté en début d’après-midi dans le centre-ville de Toulouse alors qu’à quelques centaines de mètres de là s’élance l’acte XII des Gilets Jaunes. Depuis près de deux mois, il est enfermé à la maison d’arrêt de Seysses et une instruction est ouverte pour « association de malfaiteurs », sans faits ni associé·e·s. En réalité, il est incarcéré parce que révolutionnaire et participant au mouvement des gilets jaunes. Le 11 avril aura lieu l’appel de sa mise en examen, l’occasion de réaffirmer nos solidarités.

Depuis le 17 novembre, des dizaines de milliers de personnes descendent dans la rue, occupant les ronds-points et expérimentant des nouvelles formes d’organisation. Loin de perdre en intensité, ce mouvement n’a cessé de prendre de l’ampleur. Depuis le 1er décembre, chaque samedi toulousain voit s’exprimer une rage populaire dans les artères bourgeoises du centre-ville. Mais chaque semaine aussi, la répression s’abat. Les flics blessent et les juges emprisonnent. Rien qu’à Toulouse, près d’une cinquantaine de Gilets Jaunes ont été incarcéré·e·s depuis le début du mouvement et les condamnations en tous genres tombent à la pelle. Les blessé·e·s se comptent par centaines. La répression est féroce mais ne calme par les ardeurs de la rue.

Parmi les stratégies mises en place pour mettre fin à ces si jolis samedi d’émeutes, les tenants de l’ordre établi affectionnent particulièrement celle de la création d’une figure de l’anarchiste extérieur au mouvement qui manipulerait les masses et serait responsable de la détermination de la rue. « Depuis quelques semaines, la ville de Toulouse est soumise à des manifestations importantes qu’instrumentalisent des groupes qui ont un tout autre objectif, celui de provoquer les forces de l’ordre et déclencher ce que certains voudraient être une insurrection nationale … but ultime de certains de ces groupes  » voici la fable que nous conte le procureur, qui aurait pu seulement rester risible si elle n’était accompagnée de son lot de conséquences. Que les révolutionnaires soient de la partie est une évidence, mais agiter le chiffon rouge du drapeau noir caché sous quelques gilets jaunes, c’est ignorer et mépriser toutes celles et ceux qui se révoltent, des ronds-points jusqu’à la place du Capitole. Pourtant, rien de nouveau à l’horizon, il n’y a jamais eu besoin d’attendre les révolutionnaires pour faire une révolution. Focaliser l’attention sur les groupes anarchistes permet d’appuyer un argumentaire de déni des contestations et revendications qui traversent l’ensemble des couches sociales. C’est nier la capacité insurrectionnelle de centaines de milliers de personnes qui n’acceptent plus d’être écrasé·e·s quotidiennement et expriment leur rage à travers des modes d’action qui sont à leur portée. C’est infantiliser la masse grandissante qui comprend un peu plus chaque jour qu’elle n’a rien à attendre de la mascarade de la représentation démocratique et plus rien à perdre à renverser l’ordre établi.

C’est suivant cette logique que R. croupit en geôle depuis bientôt deux mois. Interpellé devant un domicile à l’heure où débutait l’acte XII, il est rapidement identifié lors de sa garde-à-vue sur la base d’informations des services de renseignement. Outre la fourniture d’une identité imaginaire et un refus d’ADN, la possession de clés de facteur devient alors un prétexte pour lui faire endosser une responsabilité aussi floue que large dans les émeutes qui enflamment la ville depuis le mois de décembre. Ce qu’on lui reproche, selon les mots de la juge d’instruction Élodie Billot, c’est son appartenance à la mouvance anarchiste et c’est ce qui permet de l’envoyer en prison.

La particularité de cette démarche judiciaire – l’ouverture d’une instruction sous ce chef d’inculpation fourre-tout – est de pouvoir mettre en place toute une série de moyens de surveillance et d’enquêtes supplémentaires autour de la personne inculpée et de ses proches : jusqu’à une éventuelle date de procès, les flics et leurs auxiliaires ont carte blanche pour s’immiscer toujours plus dans leurs intimités, pour passer au peigne fin leurs vies, en espérant trouver des éléments incriminants pour remplir un dossier de notes blanches, et en prime, affiner les fiches de renseignement. Banco.

Le 11 avril, un appel de la mise en examen pour association de malfaiteurs aura lieu au Palais de Justice de Toulouse.

Dans l’objectif de préparer un rassemblement pour ce jour-là, une soirée d’information et d’organisation aura lieu le mardi 2 avril à partir de 18 heures à la Chapelle (36, rue Danielle Casanova). Ce sera l’occasion de parler de cette affaire et plus largement de la répression qui frappe le mouvement dans son ensemble.

Liberté pour tou·te·s, avec ou sans gilet !

Pour en finir avec ce monde de prisons.

Et à samedi prochain !

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