Juge : Le Hors
Proc : Lebrun

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La première personne est accusée de violences sur 3 PDAP : 115 74 29, 112 86 18 et Laurent Echard (un chef de la BAC). Elle refuse la compa. Son procès est reporté au 17/04/2019 et elle ressort sous contrôle judiciaire : interdiction de sortir de son domicile le samedi de 12h à 21h + interdiction de port d’arme.

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La seconde personne est accusée de violences sans ITT sur PDAP : Laurent Echard et sur un autre flic anonymisé (dont le tribunal ne donne pas le RIO) l’accusent de leur avoir jeté une bouteille.
Il accepte la compa et ne reconnaît pas les faits. L’élément « matériel » qui permet aux flics de l’accuser est sa tenue vestimentaire, alors même que les PV sont contradictoires quant à la description des fringues. Un des flics raconte qu’il s’est enfui par le souterrain d’Atlantis après leur avoir jeté une bouteille, qu’ils l’ont poursuivi et arrêté sur la rocade.

L’accusé n’est pas d’accord avec cette version :
« C’est pas ce qu’il s’est passé. On courrait dans l’escalier quand j’ai entendu crier « ROUGE ! », je me suis retourné et j’ai vu qu’un policier me visait avec son flashball. ». Il revient ensuite sur les descriptions contradictoires que les flics font de sa tenue vestimentaire. Le juge lit alors une partie du PV où un flic parle d’une capuche rouge, alors que le PV d’un autre keuf décrit une capuche grise. Pas grave pour le juge, il va reprendre un autre élément de description qui apparaît dans un des PV  : un sweat avec une manche noire et l’autre rouge qui pour lui est l’élément qui permet de l’incriminer. Il reprend ensuite son interrogatoire :
« Donc vous dites que vous étiez quatre à ce moment et que ce n’est pas vous. Est-ce que le gilet jaune cache les manches ?
– Annie Hupé, déspérée : non
– L’accusé : dans tous les cas, si j’avais voulu jeter quelque chose je ne me serais pas habillé comme ça.
 »
Questionné sur la dissimulation de son visage (fait qui ne lui est pas reproché), il explique que c’était sa première manif et que le copain de sa mère avec qui il s’y est rendu lui a conseillé de se masquer s’il y avait des gaz.  Le juge reprend :
« Donc vous contestez la bouteille ?
Exactement, je viens de faire 52h de garde à vue pour quelque chose que je n’ai pas fait »
Lorsque vient le moment de l’examen de la personnalité et que l’accusé dit qu’il est intérimaire, le juge en profite pour lui mettre un coup de pression :
« Vous avez prévenu votre travail ?
– Oui, j’ai réussi à faire prévenir
– Et vous allez être repris ?
– Je ne sais pas, je vais appeler en rentrant à la maison
– Ah ! Et vous allez rentrer quand à la maison ?
– … je sais pas… 
»

Annie Hupé, l’avocate des flics, livre une plaidoirie qui paraît interminable. Elle annonce que Laurent Echard a fait le choix de ne pas être sous RIO (a-t-il eu peur des quelques décisions où ses collègues n’ont pas eu de dommages et intérêts car anonymes ?). Elle innove dans sa plaidoirie. Ces dernières semaines elle parlait de menaces sur les réseaux sociaux, là elle évoque des « menaces sur les murs de Nantes » pour justifier de la nécessité pour les flics d’être anonymes. Elle fournit au tribunal des documents tendant à prouver que c’est possible pour un keuf d’être anonyme et partie civile. Elle argumente ensuite sur le fait que les témoignages des flics sont incohérents : elle trouve que les différences entre les deux PV sont très légères et que si les flics ne voient pas la même chose c’est dû à la situation « très engagée ». Elle ajoute qu’Echard voit le projectile être lancé et l’autre le voit une fois arrivé et que c’est pour ça qu’ils ne décrivent pas la même chose. Par contre, quand il s’agit d’un témoignage fourni par la défense, elle se fait plus tatillonne : elle trouve effectivement que celui-ci ne peut être pris en compte par le tribunal car la personne ne précise pas où elle se situe quand elle dit qu’à aucun moment elle n’a vu l’accusé jeter de projectile.

Elle ajoute ensuite :
« Monsieur vous dit que s’il avait eu des volontés d’en découdre il se serait habillé autrement. Votre juridiction prouve le contraire ! Il y a même eu des clowns jugés et condamnés ici ! »

Elle nous fait son blabla sur les gens qui voudraient faire les magasins tranquillement le samedi puis sur les risques sanitaires des jets d’excréments avant de terminer sa plaidoirie sur le fait que ce n’est pas parce que les flics ne sont pas blessés mais qu’ils ont eu un « choc psychologique » et qu’ils ont donc droit à des dommages et intérêts.

La procureure regarde l’heure affichée au fond de la salle avant de commencer son réquisitoire. Elle  ne veut visiblement pas finir trop tard et se fera plus concise. Elle commence par dire qu’elle n’a pas vu de contradiction dans les PV des flics. Pour elle il s’agit d’une « différence de perspective ». Quand au fait que la vidéo-surveillance d’Atlantis ne montre pas l’accusé jeter un projectile, elle trouve que c’est logique. Selon elle, la particularité des centres commerciaux est qu’il n’y a pas autant de caméras qu’en centre ville. C’est donc, toujours selon elle, tout à fait logique qu’il n’y ait rien d’exploitable sur les vidéos. Quand au fait que les PV de vidéo-surveillance aient été rédigés par des flics qui n’ont pas vu la vidéo ? C’est parce que c’est un vigile qui les a regardé et qui a dit aux flics qu’on n’y voyait pas l’accusé. Pour elle peu importe, puisque les témoignages des keufs suffisent.

Elle demande 4 mois de prison dont 2 avec sursis et mise à l’épreuve comprenant : interdiction de séjour à Nantes, obligation de chercher du travail et obligation d’indemniser la victime. Elle demande l’exécution provisoire de la mise à l’épreuve argumentant que ça permettrait que l’accusé ne retourne pas en manif le samedi suivant.

L’avocate de l’accusé commence en récusant le dernier argument de la proc : la parole des flics ne suffit pas. Elle rappelle au tribunal une décision de février 2002 qui dit que les déclarations des parties civiles doivent être corroborées par les preuves et que des relaxes sont souvent prononcées pour ce motif.
Elle s’attelle ensuite à démonter « les explications quand aux déclarations alambiquées des policiers », lit des extraits de PV et souligne l’absence d’éléments à charge dans la vidéo-surveillance.  Elle informe en passant que les caméras accompagnant les LBD sont toutes hors service à 18h puis reprend son raisonnement :
« C’est simple : on est devant l’entrée d’Atlantis, est-ce que oui ou non il y a une caméra à cet endroit ? On nous dit que la zone est pauvre en caméras, ça ne veut rien dire ! Y a-t-il une caméra ou non à cet endroit ? Y a-t-il eu un jet de bouteille ? Sans la caméra on ne le sait pas ! ».
Elle est offensive et ça fait du bien de voir une avocate remettre en cause les versions policières et appuyer sur leurs incohérences et le manque de preuve. Elle continue :
« J’apprends qu’on demande à un témoin de se présenter lui-même au commissariat, c’est du délire ! C’est au procureur de la république d’interroger les témoins ». Elle demande à ce que l’attestation écrite par le témoin soit prise en compte par le tribunal et en remet une couche sur les PV des flics : « les PV, excusez moi, mais ils sont contradictoires et les PV de la vidéo-surveillance, excusez-moi encore, ils sont minables ! » avant de continuer sur la définition de l’infraction de violences en rappelant au tribunal que pour condamner quelqu’un pour des violences, il faut prouver qu’il y a eu une intention et des dommages. Sur la question des dommages elle insiste sur le faite que l’avocate des flics parle de dommages psychologiques alors qu’à aucun moment ça n’apparaît dans les PV.
Elle demande la relaxe avant de terminer sur « C’est la première fois qu’il a affaire à la police et c’est important que cela ne se solde pas par une décision injuste. »

Rendu : 2 mois de sursis + 150€ par keuf de dommages et intérêt + 600€ pour l’avocate des flics.

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Dans une autre sale, une personne passe pour outrage et rébellion le 9 juin 2018 à Nantes. Le flic partie civile est Jean-Michel Luccini. L’accusé n’est pas présent, Luccini non plus. Sans surprise c’est aussi Annie Hupé qui défend le flic. L’accusé lui n’a pas d’avocat. La juge lit vite fait le résumé des faits et le casier de l’accusé, avant de donner la parole à Annie Hupé :
« Cette affaire c’est exactement ce que vivent les policiers aujourd’hui. Des gens prennent les fonctionnaires en photo et en vidéo et les mettent sur les réseaux sociaux et après des gens font le lien entre les noms et les visages. Aujourd’hui M. Luccini reçoit des menaces sur les murs de Nantes. Ce fonctionnaire c’est un vieux briscard, un major de la BAC. Eh bien aujourd’hui il du mal à aller en manifestation. Ce jour là M. Luccini a peut-être eu une réaction un peu vive mais il faut comprendre : il reçoit continuellement des menaces et ces menaces ne visent pas que lui mais aussi sa famille ».
La procureure trouve que les faits sont simples et établis et demande 1 mois de prison + la révocation d’un mois de sursis. La juge fait semblant de réfléchir et au bout de 5 secondes livre sa sentence, identique à la demande de la procureure : 1 mois de prison ferme et un mois de révocation de sursis. Soit 2 mois de prison ferme pour outrage et rébellion ! Il est aussi condamné à verser 600€ à Luccini et 700€ à Annie Hupé.

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Plein d’autres gens passaient en procès ce jour là. Parmis elleux, dans la salle des comparutions immédiates, une personne a pris 7 mois ferme avec mandat de dépôt pour avoir conduit sans permis une voiture signalée volée. Ils étaient deux dans la bagnole et l’accusé a nié être le conducteur. Ils se sont fait rentrer dedans par la BAC (on apprend alors que quand la BAC te rentre dedans en bagnole elle peut porter plainte pour mise en danger de la vie d’autrui). Une autre personne s’est pris 3 mois ferme avec mandat de dépôt pour vols et détention de stupéfiants.
Il va sans dire que si ces deux personnes avaient été blanches, avec un logement et un boulot elles n’auraient pas eu des condamnations si lourdes.