S. est accusé de violences sans ITT sur PDAP (Yohann Lucas, de la BAC), rébellion en étant porteur d’une arme (aussi sur (Yohann Lucas) et port d’arme (une massette et deux cailloux).

Il accepte la compa. Yohann Lucas n’a pas été anonymisé et n’est pas présent à l’audience.

La juge commence par donner la version policière : les faits se déroulent pendant l’acte XI des gilets jaunes. S. est interpelé à 16h47 vers la place de la bourse après qu’il y ait eu des jets de projectiles sur des CRS. Yohann Lucas désigne S. comme auteur de jets de canettes et décide de l’interpeller. Il prévient que S. et d’autres manifestant·e·s sont en train de partir vers le quai de la fosse et décide avec ses collègues de les encercler. Les BACeux se divisent alors en deux groupes, un qui suit ce bout cortège et les autres qui le prennent à revers.  S. fuit, trébuche, reprend sa fuite puis se retrouve encerclé par les flics. Yohann Lucas affirme que c’est à ce moment là qu’il essaie de l’interpeller. Un autre flic dit que c’est à ce moment que S. aurait tenté de mettre un coup de massette à la tête de Lucas et l’en aurait empêché. Yohann Lucas, lui, n’a rien vu, mais ça ne l’empêche pas de se porter partie civile et de demander des dommages et intérêts.

La juge ajoute aussi que Yohann Lucas a vu une pierre passer pas loin de sa tête pendant que des manifestant·e·s jetaient des projectiles sur les CRS. D’après les flics, c’est notamment ce qui va déclencher la charge de la BAC. Dans les PV ils disent aussi que S. est tombé lors de son interpellation et que c’est pour ça qu’il est blessé. En réalité S. s’est fait frapper alors qu’il était au sol, tenu par plusieurs flics dont un lui a cogné la tête à plusieurs reprises sur les pavés.

La juge interroge S. sur un sac contenant a priori des projectiles :
« Il n’était pas à moi. On le portait à tour de rôle.
      – Et la massette elle n’était pas à vous ?
      – Je la portais pas à la main.
      – Elle était où alors ?
      – Dans le sac il me semble.
      – Il est dit que vous tentez de donner des coups de massette…
      – Non
      – Bon, vous reconnaissez quoi ?
      – Je conteste les jets de pierres, je conteste avoir essayer de mettre des coups de massette. Je reconnais avoir été dans un groupe qui caillaissait la police.
 »

La juge lit le témoignage d’un des flics, qui dit reconnaître S. comme étant auteur de jets de pierres mais qui n’a pas vu de tentative de coups de massette. Il dit que quand il est arrivé la massette était par terre et qu’il la prise pour l’écarter. La juge pose des questions pour déterminer où était cette fameuse massette, mais au fond se fout des réponses de S., elle a déjà son avis.

[…]

« Vous n’avez pas voulu mettre vos mains derrière votre dos…
      – Si, j’avais les mains derrière le dos, mais quand on a commencé à m’écraser la tête contre les pavés j’ai enlevé une main pour me protéger »
      […]
      « Vous avez l’habitude de vous balader avec un sac qui n’est pas à vous en manifestation ?
      – On prend un sac avec le minimum, de l’eau tout ça…
      – On ne parle pas d’eau, on parle de pierres !
      – J’ai pas regardé ce qu’il y avait dans le sac
      – C’est comme de s’appeler monsieur X. Pourquoi vous n’avez pas donné votre identité ?
      – Parce que je voulais un avocat et parce qu’on ne m’a pas lu mes droits.
      – Si, ils vous ont été lus mais vous avez refusé de signer !
      – On me les a pas lu et je me suis retrouvé pendant 1 heure et demi sur un banc à demander un crachoir parce que je saignais de la bouche »
      […]
      « Et qu’est ce que vous assumez alors ? Pourquoi avoir été dans un groupe qui caillasse les policiers ?
   – Chacun fait ce qu’il veut
   – Mais pourquoi allez-vous dans ce groupe ?
   – Ben… parce qu’on s’est fait disperser et je me suis retrouvé dans ce groupe.
 »
      […]

Vient le tour d’Annie Hupé, l’avocate des flics. Elle affirme que chaque semaine la BAC est confrontée à des individu·e·s de plus en plus violent·e·s et que le 26 janvier il y a eu des jets de cocktails mollotov sur les flics (faits qui ne sont pas reprochés à S.). Elle ajoute : « M. X  a été retrouvé avec massette de plus d’un kilo ! Ce n’est pas rien devant ces fonctionnaires qui sont peu équipés, en tout cas pas équipés pour ça ! M. Lucas aurait pu être touché sur le casque, ou encore sur les mains. Ils ne sont pas équipés pour faire du maintien de l’ordre. Un casque maintien de l’ordre ça coûte cher et ça pèse plus de 3kg […] Ces fonctionnaires sont vulnérables, ils ont seulement un casque et un gilet pare-balle pour se protéger. Et les manifestant·e·s le savent, c’est pour ça qu’illes s’en prennent à eux. ». Et d’ajouter « Vous l’aurez noté, d’habitude on a peu de matière, mais là vous avez deux photos : deux pierres retrouvées dans le sac. Notez le caractère particulièrement anguleux de ces deux pierres. Elles sont faites pour blesser ! »

Elle demande la condamnation de S. et des dommages et intérêts au titre du préjudice psychologique subi parce que « ça aurait pu être grave ! ».

La procureure donne sa version du droit de manifester et du maintien de l’ordre. Elle opère une distinction entre les manifestant·e·s calme, celles et ceux qui ont terminé la manif par un pique-nique (le banquet sous les nefs) et les manifestant·e·s qui ne sont venu·e·s que pour en découdre.
« Il est retrouvé porteur d’un sac qui contient non pas des fleurs mais des pierres ! Ces pierres, ce n’est pas pour construire un mur chez lui, hein ! Ce sac, il fait parti d’un groupe qui le portent chacun leur tour. Ils sont solidaires dans l’effort. ». Elle redit ensuite sa définition du droit de manifester : « quand on est retrouvé avec une massette et un sac contenant des pierres, on est pas dans le cadre de la liberté de marcher dans les rues de Nantes » et donne ensuite un cours de droit un peu particulier : « Je vais lui rappeler quelques règles de droit : s’il vise un fonctionnaire de police, c’est un personne qu’il vise. Des personnes qui sont des parents et qui ont des enfants qui regardent les informations et voient leur père s’écrouler au JT ! Ces fonctionnaires, ce sont des parents, des frères, des sœurs, des maris. »

Pour ces raisons elle demande à ce que S. soit condamné à 6 mois de prison dont deux de sursis avec mise à l’épreuve. Elle demande aussi l’interdiction de paraître à Nantes et qu’un mandat de dépôt soit décerné à son encontre.

L’avocat de S. commence sa plaidoirie en demandant pourquoi il n’a été appelé que le dimanche après-midi alors que S. avait son numéro et qu’il l’a demandé dès le début de la garde à vue. Il explique que c’est pour ça que S. a gardé le silence et que le tribunal ne peut pas le lui reprocher dans la mesure où c’est son droit. Il ajoute que le fait de ne pas avoir été appelé pose un problème sur une partie des PV. Il remet ensuite en cause le témoignage des flics :
« S. a une mauvaise vue. On peut se demander si les policiers n’ont pas eux aussi des problèmes de vue. On est capable de vous dire à 10/15 mètres que c’est lui qui jette des pierres, on ne le perd pas de vue mais on ne voit pas qu’il a une massette ! On le poursuit, il tombe, il se relève et on ne voit toujours pas qu’il a une massette de presque 1,5kg et qui fait peur à tout le monde ! […] Un seul policier la voit, son suppérieur hierachique
[ndla : sûrement Laurent Echard]. C’est bien, il assume, il témoigne, sous un numéro bidon d’ailleurs ».

Comme le font pas mal d’avocat·e·s, il demande que S. ne soit pas condamné pour « tous ces casseurs qui viennent en découdre toutes les semaines ». Il ajoute que les gen·te·s sont assez grand·e·s pour se dénoncer elleux-même, c’est qu’il espère.

Il explique que S. n’avait pas de massette à la main, mais que celle-ci est tombée du sac lors de l’interpellation avant de conclure « Monsieur ne va pas aller se battre avec des policiers qui sont équipés de matraques, de tonfas, de lanceurs de LBD ! ». Il récuse donc les violences, dit qu’il est ok sur la rebellion (alors que S. ne la reconnaît pas) et ne demande pas à ce que la peine demandée par la proc soit revue à la baisse.

Rendu : S. est condamné à un an de prison ferme dont 6 mois avec sursis et mise à l’épreuve. Le tribunal décerne un mandat de dépôt, S. part donc directement en taule. Il écope en plus d’une interdiction de paraître en Loire-Atlantique.