22 févier 2014 :
Une grande manifestation s’empare de Nantes pour défendre la zad et contester le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. La foule qui prend la rue est massive, 20 000 personnes selon la préfecture, 50 000 selon les organisateurs. Le cortège anti-autoritaire, qui à l’époque était à l’arrière des manifestations, est bien vite devancé par une multitude de groupes offensifs. Malgré l’énormité du dispositif policier, la manifestation dure jusqu’au soir et les affrontements se poursuivent encore plus longuement. Avec comme précédent la victoire contre l’opération César, le mouvement des Bonnets Rouges et une autre émeute anti-Front national à Rennes, la Bretagne retrouve les humeurs révolutionnaires qu’elle déjà pu connaître par le passé. Malgré la présence du terrain de conflit sur un département officiellement non-breton, Notre-Dame-des-Landes commence à prendre dans les imaginaires collectifs un air de Plogoff. Et comme à cette époque, des figures du monde culturel breton comme Hamon Martin ou Gilles Servat ont redonné de la voix aux luttes populaires, signe d’une époque qui s’agite à nouveau.

5 février 2000 :
Nantes à nouveau, 30 000 personnes prennent la rue en réaction à la marée noire causée par l’Erika. De nombreuses tendances politiques de gauche participent à la manifestation, dont un cortège indépendantiste et révolutionnaire composé de militant.e.s d’Emgann, de la CARB (Coordination anti-répressive de Bretagne), de la Skalp (antifasciste) et de l’OCL (communiste libertaire). Le cortège se fait remarquer en accrochant une banderole « Desmaret [pdg de Total] en prison, les prisonniers politiques bretons à la maison », la foule reprend le slogan. Dans le même temps, des tracts sont distribués pour une manifestation en faveur des prisonniers politiques à venir à Rennes, et le soir un concert vient clôturer la journée en collectant des fonds pour Skoazell Vreizh.

Février 1982 :
Hervé Kerrain et Bernard Corbel publient une lettre dans Douar Breiz, le journal du SPV (Strollad Pobl Vreizh) et du MIB (Mouvement d’Insoumission Bretonne). Ils ont été incarcérés pour avoir refusé de faire le service militaire auquel ils avaient été appelés. Une deuxième convocation d’ailleurs, car à la première tentative ils étaient partis en Irlande. Quatre ans plus tard, et après une condamnation pour insoumission amnistiée à la suite de l’élection de 1981, ils reviennent en Bretagne. Ils sont de nouveaux appelés et ils se rendent cette fois à la convocation, déclarant refuser le service et préférant passer du temps en prison plutôt que sous l’uniforme français. Dans Douar Breiz, ils en appellent à la généralisation de l’insoumission et au soutien du mouvement antimilitariste, du monde politique progressiste et du mouvement breton. Le texte est sans ambiguïté : « En refusant de porter l’uniforme français, nous marquons ainsi notre refus de servir les oppresseurs du Peuple Breton : l’État français et ses valets. Servir l’état français c’est se condamner soi-même à maintenir la servitude de notre peuple. » Ce geste leur vaudra de passer plus de deux ans en prison, ce qui fut fait, sans repentir ni reniement de leurs idées.

Février 1980 :
A Plogoff sur la pointe sud du Finistère, le petit village breton devient symbole de résistance au nucléaire. Des élus locaux aux franges révolutionnaires, dans les villes et les campagnes, une grande partie de la société bretonne se mobilise pour faire tomber le projet de centrale. En janvier 1980, les dossiers de l’enquête d’utilité publique arrivent à la mairie de Plogoff et se transforment immédiatement en un feu de joie sur la place publique. Des camions sont amenés par la préfecture pour jouer le rôle de mairie annexe, avec en parallèle chaque jour la mise en place d’une occupation policière massive pour protéger les camions. La pointe du Raz prend des allures de colonie remuante à pacifier. La police ne suffit plus, les parachutistes et les blindés sont envoyés pour affronter les « messes » bretonnes. Comme un rituel, chaque jour, l’attaque des troupes d’occupations, les barricades, les flammes jusque tard dans la nuit. La lutte tiendra sans fléchir jusqu’à l’élection de Mitterrand, et l’abandon final du projet, comme celui du Pellerin dans le pays nantais.

13-14 février 1974 :
A la veille de ce qui ne s’appelait pas encore la saint Valentin, un colosse au pied d’argile tombe. L’imposant émetteur relais de Roc’h Tredudon, au sommet des monts d’Arrée, s’est écrasé au sol en s’étalant de tout son long, détruit par un attentat à l’explosif. L’action a un écho considérable et l’État, qui à l’époque gère la seule chaîne de télé autorisée, est tourné en ridicule. Le Finistère n’a plus de télévision pour plusieurs semaines, des ethnologues et des sociologues débarquent en Bretagne pour mesurer les effets d’une coupure brutale de petit écran. Dans le monde breton, des rumeurs circulent bien vite sur les origines de l’attentat, certains bruits parlent d’un complot policier. Un parti breton bien intégré dans le monde institutionnel se fait le relais de ces rumeurs et commence à se persuader que l’attentat est une machination visant à réprimer ses militant.e.s, ce qui n’est bien sur pas arrivé. « On a les frissons qu’on peut » en ricana un des membres du commando. Le FLB met fin aux rumeurs par une rencontre avec un journaliste où sont révélées les informations à propos du matériel utilisé, du mode opératoire et des motivations de l’action. L’attentat est à la fois une réponse à dissolution par l’État du FLB et à la censure qui a touché le seul journaliste en langue bretonne de télévision de l’époque. Sur les lieu de l’attentat, une pancarte laissée sur place donnait déjà l’indice à ce propos, on pouvait y lire, « Evit ar brezhoneg ».