Peux tu te présenter ?

Je m’appelle Carlo Handy Charles. Je suis en train de boucler un Master 2 en sociologie à l’université York à Toronto, Canada. J’effectue également une spécialisation dans le champs de la « Migration Forcée et l’Asile » au Centre for Refugee Studies (CRS). Je suis aussi « Research Associate » au Centre for Research on Latin America and the Caribbean (CERLAC) et enseignant de français langue étrangère à temps partiel à l’Alliance Française de Toronto. Je viens d’achever un mandat comme vice-président Equité de l’association des étudiants masterants et doctorants à l’université York (YUGSA). J’ai également occupé le poste de coordinateur des assistants de recherche en Master au syndicat pour les travailleurs de l’université York. Je suis engagé comme bénévole au Canadian Centre for Victims of Torture (CCVT) où je fais de l’interprétariat de l’espagnol et du français à l’anglais pour les réfugiés nouveaux arrivants à Toronto. Finalement, je suis bénévole au Caribbean Network Solidarity où je fais de la traduction en français/anglais et créole pour les demandeurs d’asile haïtiens au Canada.

Quelle est ta formation intellectuelle et d’où est-ce que tu parles ? En quoi ton expérience modèle et appuie ton point de vue sur le sujet ?

Ma formation intellectuelle est avant tout ancrée dans ma formation académique, mes expériences de stage de recherche dans les SHS et de volontariat dans le secteur du social et du développement international ainsi que mes voyages d’immersion culturelle en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique et en Asie.

Après mes études primaires et secondaires en Haiti, je suis parti faire des études de médecine au Venezuela, que j’ai abandonnées après 2 ans pour des raisons d’instabilité politique. Ensuite, je me suis reconverti en enseignant de français langue étrangère à temps plein à l’Alliance Française de Caracas et j’ai entamé des études de psychologie à la Universidad Central de Venezuela, que j’ai arrêtées pour partir en France faire une double licence en psychologie et sociologie à l’Université Lumière Lyon 2. En Septembre 2016, je suis arrivé à Toronto pour faire un Master 1 dans le cadre d’un échange avec Lyon 2 et j’ai décidé d’y rester pour faire mon Master 2 en sociologie à l’université York. A partir de Septembre 2018, je commencerai une thèse sur la migration forcée et les réfugiés à l’université McMaster qui se trouve à une heure de Toronto au Canada.

Ainsi, ma formation intellectuelle s’est construite de façon contrastée dans plusieurs contextes culturels et quatre systèmes d’éducation différents. Entre un système d’éducation (post)-colonial en Haïti, un système à visée socialiste au Vénézuela, en passant par le système humaniste et socialiste français pour arriver au système social-démocrate et capitaliste canadien, je suis passé à travers le moule de quatre pays et me suis imprégné de ces visions contrastées mais complémentaires du monde. Intellectuellement, je continue de faire mon chemin, mais aujourd’hui, je me situe plutôt dans un courant combinant un peu l’humanisme français et le pragmatisme nord américain.

Peux-tu nous parler des free speech wars et de l’ambiance intellectuelle sur les campus nord-américains ? Quelles sont les « forces en présence » ?

On assiste aujourd’hui à des guerres idéologiques très importantes sur les campus nord-américains. Entre les dénommés « free speech warriors » et les garants des politiques identitaires (Gender Studies, Sexuality Studies, Cultural Studies, Black Studies, Post-colonial Studies etc.), on assiste et participe à une montée en tension entre deux groupes qui défendent des positions qui sont, à priori, irréconciliables. D’un côté, les free speech warriors à l’instar de Jordan Peterson, psychologue clinicien et intellectuel canadien, sont un groupe de « radicaux » qui défendent l’expression libre et critiquent férocement les interventions dites « politiquement correctes » (« Political Correctness » ou PC en anglais) dans les médias et universités en Amérique du Nord. Ils appellent à la destitution/abolition de toutes les disciplines universitaires traitant de sujets identitaires.

De l’autre côté, les tenants des disciplines telles que gender, equity, queer, postcolonial, cultural studies se révoltent contre les « free speech warriors » qui, à leur avis, veulent maintenir les privilèges d’un système patriarcal souvent constitué de « vieux blancs hétérosexuels chrétiens » avec une vision ethnocentrée (Europe et Amérique du Nord) très peu ouverte sur le monde. Les tensions qui se vivent sur plusieurs campus nord-américains, par exemple à l’Université de Californie à Berkeley (USA), à l’Université de Toronto ou à l’Université Wilfrid Laurier (Canada) entre autres, consistent à interrompre la tenue de conférences ou de n’importe quelle autre activité d’échange et de débat avec des intervenants qui sont de l’extrême droite (conservative). On se souvient bien d’une série de manifestations à Berkeley où l’usage de la violence a été récurrent entre des supporters de Donald Trump (incluant des militants d’extrême droite issus de l’Alt-right, des suprémacistes blancs et des neo-nazis) et les manifestants anti-Trump tels que des militants socialistes, des activistes, des anarchistes, et des groupes anti-fascistes.

Au Canada, le fameux cas de Lindsay Shepherd, une assistante d’enseignement de l’Université Wilfrid Laurier, qui a fait visionner une vidéo du polémique Jordan Peterson à son groupe de travaux dirigés a fait un tollé dans le monde universitaire canadien. En effet, elle a été « interpelée » par deux professeurs et un fonctionnaire s’occupant des violences de genre à l’université Wilfrid Laurier pour avoir montré à sa classe cette vidéo jugée « incorrecte » politiquement. Cette interpellation, enregistrée secrètement par Lindsay Sheperd, fut révélée au grand public et a été la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Après cet événement, plusieurs conférences d’extrême droite ont été annoncées par Lindsay Shepherd dans cette université suscitant la colère des militants anti-fascistes, socialistes et autres. Ceci a donné lieu à l’organisation de plusieurs manifestations sur ce campus et d’autres mouvements de solidarité dans d’autres universités au Canada, telle qu’à l’Université York à Toronto qui est très réputée pour son militantisme étudiant, par exemple. Les tensions sont palpables lors de ces manifestations d’étudiants de sciences humaines et sociales dénonçant des interventions ou conférences qu’ils jugent d’extrême droite. Il faut rappeler que ces manifestations ne sont pas seulement entreprises par les étudiants. Les professeurs d’université qui s’identifient aux deux camps en question y sont très impliqués.

Que sont les ***** studies (gender, equity, queer, postcolonial, cultural, etc), quel est leur contenu, et est-ce que ce sont des sciences ?

Je vois les Cultural and Identity Studies comme un ensemble de disciplines qui ont émergé dans les sciences humaines et sociales pendant les 4-5 dernières décennies pour traiter des sujets qui étaient marginalisés dans les disciplines de sciences sociales déjà établies telles que la sociologie, l’anthropologie et la psychologie ainsi que dans les facultés de littérature et de théâtre, entre autres. Leur contenu comme leur nom l’indique souvent est constitué de l’étude de textes pour comprendre et analyser la manière dont certaines « identités » ont été construites socio-historique et culturellement. Au Canada, le contenu de ces disciplines se propose souvent d’analyser l’effet des courants de pensée du siècle des Lumières (Enlightenment en anglais) sur la construction du genre, la notion d’équité dans le monde etc. Le contenu de ces disciplines est très critique des productions de savoir scientifique qui se veulent « neutres » et « objectives », i.e. qui ne prennent pas en compte les questions de genre, d’orientation sexuelle, de culture de groupe, de race ou de rapport de domination impérialiste de l’Europe et de l’Amérique du Nord sur le reste du monde.

Est-ce que ce sont des sciences? Si on se réfère à la définition de Scientia comme l’entreprise systématique de production et d’organisation de savoir/connaissance sous la forme d’explications et de prédictions testables de l’univers, au sens très mathématique/physique/chimique/biologique du terme, certaines personnes ont tendance à dire que ces ***** studies ne sont pas des sciences. Par contre, si on se réfère à l’idée de production de savoir dans le but d’expliquer des phénomènes sociaux, à mon avis, ce sont clairement des sciences qui arrivent à produire des connaissances que les disciplines traditionnelles de sciences humaines et sociales se sont abstenues de produire.

Certains diront que leurs méthodes sont moins rigoureuses que celles utilisées en sociologie par exemple (questionnaire notamment, analyse de corrélation entre des variables etc.), mais, à mon avis, la rigueur et la richesse d’analyse de ces disciplines n’en restent pas moindre. En tant qu’apprenti sociologue et par pure affinité, je me positionne du côté du travail de terrain combinant des méthodes mixtes (quantitative, qualitative et méthode historique et d’archives) pour comprendre les faits sociaux que j’étudie, par contre, je suis tout à fait capable de décentrer le regard micro/macro institutionnel que l’on a souvent en sociologie pour apprécier la finesse d’analyse des études postcoloniales, de genre et de sexualité, par exemple. Et je remercie ces disciplines émergentes d’apporter un regard neuf et différent de celui très traditionnel des disciplines déjà établies en sciences sociales.

Pourquoi sont-elles décriées par certains scientifiques/intellectuels ? Quels sont leurs arguments que tu trouves récurrents ? Que penses-tu du discours de ces individus ?

A mon avis, elle sont décriées par certains scientifiques/intellectuels parce qu’ils trouvent que ces disciplines ne respectent les « standards scientifiques ». Alors, on peut poser la question de l’universalité de ces standards scientifiques. Ces standards ont été historiquement définis par des occidentaux européens/nord-américains avec une grille parfois ethnocentrée du monde. Peut-on donc utiliser ces mêmes critères scientifiques pour étudier et analyser en profondeur les rapports post-coloniaux et les expériences subjectives de populations qui ont été souvent déshumanisées par les occidentaux? Comment doit se faire l’interprétation de ces analyses en utilisant les « standards scientifiques » des dominants quand on étudie les expériences des dominés? Comment prendre en compte et analyser, par exemple, les rapports de « race » entre les « blancs » et les « noirs » en utilisant la méthode des « blancs »? Comment comprendre l’effet des rapports géopolitiques sur les expériences des individus habitant au moyen-orient, en Afrique ou dans les caraïbes en utilisant des standards « européens et nord-américains »? Comment analyser les rapports de dominations de genre en tenant compte des méthodes qui ont été construites le plus souvent par des hommes occidentaux? Comment placer les études sur la diversité sexuelle des personnes queer en utilisant parfois des méthodes hétéronormatives des « sciences »?

Je pense que l’émergence de ces Cultural and Identity Studies nous force, en ce moment de l’histoire du monde, à poser des questions difficiles dont les réponses ne sont pas simples. Je pense qu’il est temps qu’on remette en question ces critères scientifiques qui se veulent universels et qui sont censés s’appliquer à tous les études de cas. Il est temps qu’on repense ces standards scientifiques conçus dans les laboratoires occidentaux en Europe et en Amérique du Nord constitués majoritairement de « scientifiques blancs, hétérosexuels, de classe moyenne et/ou supérieure, plutôt chrétiens ou athées » en fonction du pays. Les études post-coloniales par exemple nous forcent à voir le monde, pour une fois, sous un angle non euro-nord-américano-centré. Et je pense qu’on a tout à gagner à prendre au sérieux ces disciplines. Cela ne veut pas dire non plus qu’on doit tout accepter sans un regard critique remettant en question le savoir qu’elles produisent. Il faut absolument le faire pour faire évoluer la science. Par contre, il faut aussi avoir une grande ouverture d’esprit pour porter un regard non euro-nord-américano-centré et hétéronormatif sur le savoir que ces disciplines produisent. Comme a dit Durkheim, le fondateur de la sociologie française, il faut être capable de se débarrasser de ses prénotions (en ce qui concerne notre sujet de discussion, il faut être capable de se débarasser des prénotions occidentales, hétéronormatives entre autres) pour analyser le contenu de ces disciplines.

D’après toi, quelles sont les causes socio-historiques et politiques qui expliquent ces free speech wars ? Est-ce que ces free-speech warriors sont à tes yeux conservateurs/réactionnaires, et si oui, comment se distinguent-ils du conservatisme plus traditionnel ?

Je pense qu’on arrive à un moment de l’histoire où l’on connaît un brouillage de repères très importants. Des repères très stables qui ont toujours existé se sont brouillés tels que la famille nucléaire hétérosexuelle, l’homme étant le chef de la famille, le rôle plutôt subalterne de la femme dans la famille et la société, la science comme seule source légitime de production de savoir, des systèmes étatiques dont la mission n’est plus de créer des services sociaux pour les citoyens, la domination et subordination du reste du monde par le monde occidental, la réussite à travers l’école, les carrières professionnelles linéaires et plutôt stables. L’on se retrouve à vivre dans un système global néo-libéral où la poursuite de l’argent tend à remplacer la plupart des autres valeurs importantes de nos sociétés. La croyance dans nos institutions publiques est en pleine chute, l’avènement de la technologie (Google, Facebook etc.) nous a montrés que la réussite ne passe pas seulement par l’école. Les carrières professionnelles de nos jours sont de plus courtes durées. Les licenciements, la précarité de l’emploi et l’instabilité du marché restent des enjeux de taille de nos sociétés. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, le culte de l’image et de la réputation a atteint son paroxysme. On peut tout perdre du jour au lendemain à cause de ces outils puissants de communication. La censure devient plus forte aussi car on se protège et on protège beaucoup plus l’image que l’on renvoie aux autres.

Dans ce contexte très particulier de l’histoire du monde, certaines personnes résistent à l’ébranlement et l’effritement des valeurs auxquelles elles sont habituées et qu’elles ont toujours connues. En ce sens, il y a des réactions de malaise et de colère face à ce qui est nouveau. Parmi ces réactions, on retrouve celle des free speech warriors qui veulent absolument garder leur liberté d’expression, qui s’applique, dans certains cas, pour dénigrer des personnes, disciplines, mouvements sociaux qui ne s’alignent pas du côté traditionnel et conservateur des repères sociaux de ces deux derniers siècles. A mon avis, c’est surtout des réactions à la nouveauté et à la perte de privilèges des dominants qui expliquent ces free speech wars. En ce sens, ces free speech warriors dénigrent les Cultural and Identity Studies en les traitant de non scientifiques et dénigrent tout individu qui fait ou soutient ces disciplines d’études en les traitant de « liberal » (de gauche).

Entre le conservatisme traditionnel et les free speech warriors, ce qu’ils ont de commun, c’est leur côté très conservateur, leur manque d’ouverture d’esprit et surtout leur manque de volonté pour apporter de vraies solutions aux problèmes des minorités non blanches dans les pays majoritairement blancs. Ils ont beaucoup de mal à décentrer leur regard ethnocentré pour comprendre la douleur, la marginalisation et la déshumanisation historique de certains groupes qui n’ont jamais pu être respectés à leur juste valeur. Ce qui distingue les free speech warriors du conservatisme traditionnel est très fin. Il faut une thèse de 4 ans pour expliquer les différences très floues entre les deux.

Est-ce qu’en tant que vice-président Équité de l’association des masterants et doctorants de l’Université York, as-tu été confronté au genre de situations induites par les free speech wars ?

En tant que vice-président Équité de YUGSA et membre du comité anti-raciste de CUPE 3903 à l’université York au Canada, je n’ai pas été confronté à des situations de violence comme on a pu le remarquer sur certains campus universitaires aux USA. En revanche, j’ai été confronté aux barrières systémiques que constituent les préjugés et le racisme contre les personnes noires en particulier et d’autres groupes minoritaires dans le milieu universitaire. En effet, le milieu universitaire occidental se veut progressiste mais se révèle incapable de prendre des mesures pour embaucher plus de professeurs ou pour admettre aux programmes de master et de doctorat plus d’étudiants qui ne sont visiblement pas « blancs » ou qui ne viennent pas d’autres universités occidentales.

J’ai été surtout confronté à un double discours de progrès et de barrières systémiques « difficiles » à contourner. Et ce, je l’attribue à un manque de volonté plutôt qu’à un problème de financement ou tout autre discours économique ou de manque de qualifications que ces responsables d’universités tiennent le plus souvent. Le manque de volonté pour résoudre des problèmes d’équité et de racisme se manifeste à tous les niveaux de l’administration universitaire. Il est aussi très présent au sein des syndicats étudiants et de travailleurs qui sont aussi constitués majoritairement de blancs. En tant que vice-président Équité dans mon université, j’ai été confronté à un manque d’intérêt et un faible taux de participation des étudiants masterants et doctorants aux activités de promotion de l’équité que mon équipe et moi avons organisées pendant mon mandat.

Par exemple, on a organisé des soirées de projection-débat pendant le « Black History Month » ainsi que la création d’un site internet promouvant les accomplissements d’universitaires noirs. La plupart des étudiants qui y ont participé étaient noirs. Il y a eu une absence notable d’étudiants blancs. Cette absence était aussi remarquée au sein du comité exécutif de YUGSA où seulement les membres noirs étaient présents. Cela montre donc à quel point on a encore un long chemin à parcourir dans nos luttes anti-racistes pour déconstruire les préjugés et toutes formes de discrimination et de marginalisation des groupes minoritaires (non blancs particulièrement) dans les sociétés occidentales.

Quelle est ta position vis à vis du free speech et en tant que responsable d’association étudiante, as-tu des idées pour solutionner ces tensions ?

En tant que citoyen engagé dans le monde, apprenti chercheur en sociologie, enseignant de langues et de cultures, ma position consiste à promouvoir un échange intellectuel productif dans une atmosphère d’écoute, de partage, d’apprentissage, de compréhension et surtout d’empathie. Certaines personnes défendant les Cultural et Identity Studies pensent qu’il faut censurer les free speech warriors comme Jordan Peterson. Les free speech warriors pensent qu’il faut censurer les défenseurs et promoteurs des cultural/identity studies. Quant à moi, je ne suis en faveur d’aucune position de censure qui empêcherait une diversité d’opinions d’avoir lieu. Par contre, je pense qu’il est important que l’on limite la prolifération de discours haineux ou toute autre posture raciste, sexiste, homophobe, xénophobe ou toute posture qui vise à dénigrer l’humanité des personnes engagées dans ces deux combats. Car, l’université est un espace où des échanges éclairés et productifs doivent se produire dans le but de parvenir à une meilleure mise en sens du monde.

Je pense qu’il faut s’abstenir de certains dogmes de gauche ou de droite qui empêchent de comprendre la réalité multidimensionnelle et multifactorielle de notre monde environnant. Plus on appréhende le monde avec une grille de lecture dogmatique dite « scientifique », ce que défendent d’ailleurs les free speech warriors, plus on s’éloigne de ce qui nous unit et fait nos différences comme êtres humains. Plus on s’engage dans des guerres idéologiques, ce qui est le plus souvent reproché aux défenseurs des Cultural et Identity Studies, moins on s’engage dans des actions concrètes pour créer un monde meilleur pour les prochaines générations. Même si je crois que le changement commence d’abord par une analyse fine des idéologies qui sont à la base de nos actions, il faut être ouverts à d’autres points de vue aussi.

Plus on s’engage à faire une science rigoureuse loin de la prétention positiviste de neutralité et d’objectivité inatteignable, plus on comprendra finement la réalité très complexe du monde dans lequel on vit. Plus on décentre le regard euro-nord-américano-centré de la science, plus il y aura de la richesse dans nos analyses et dans notre compréhension/explication/prédiction sur les façons très complexes de penser, d’être, d’agir et de faire des individus dans les différentes régions du monde. Plus on promeut l’échange et l’ouverture d’esprit, plus on propose de vraies solutions sur la base d’écoute, de compréhension et de partage. Je défends une posture humaniste d’empathie pour l’autre peu importe d’où il/elle vient, peu importe sa couleur de peau, son niveau d’éducation, son capital économique et social etc. Je défends et propose de continuer de créer des espaces d’échanges et de partage où des opinions différentes peuvent se rencontrer.

Quand j’habitais en France, j’organisais des débats dits « Rivière du Doute » au sein de l’association « Esprits Critiques » qui consistait à débattre des sujets très controversés avec des participants et participantes qui avaient clairement des positions favorables, défavorables et mitigées sur les sujets en question. Pour moi, c’était important que ceux et celles qui étaient pour ou contre puissent prendre le temps d’écouter et de chercher à comprendre la position de l’autre. C’était difficile à gérer parfois, mais ce n’était pas impossible. Après avoir organisé ces débats pendant près de deux ans, je me me suis rendu compte qu’on a beaucoup plus de choses en commun comme êtres humains que de choses qui nous différencient. Il faut juste avoir un espace où l’on peut s’exprimer librement (hors tout discours haineux) car on a surtout besoin d’être écouté, d’être compris sans être jugé.

On a surtout besoin de l’empathie des autres, car on peut tous évoluer dans notre vision du monde et notre compréhension des choses s’il y a un espace favorable d’échange, de partage, d’écoute et d’empathie. Ce n’est que quand on arrive à bien comprendre l’autre que l’on peut créer, construire et réaliser de grandes choses ensembles. Peu importe qui l’on est et d’où l’on vient, il faut toujours se rappeler que ce qui fait notre différence comme êtres humains est aussi ce qui nous rapproche d’autres êtres humains. Parfois, on pense se distinguer des autres par notre culture, mais la culture est aussi ce qui nous rapproche d’autres êtres humains. On ne peut pas échapper à notre humanité.

Source : https://medium.com/@Kum0kun/les-free-speech-wars-de-lint%C3%A9rieur-26496e10149c

Lire aussi Des Science Wars aux Free Speech Wars