Il y a des dizaines d’années, un écrivain de polars, se prétendant révolutionnaire, collabora avec Robert Faurisson. Serge Quadruppani, avec d’autres fit ce choix dément et répugnant de mêler l’histoire des luttes sociales et des révolutions à celle de la négation d’un génocide.

Sous la pression, il fit des années après “ses excuses”, à la Dieudonné. Les excuses consistaient à se trouver tout un tas de bonnes raisons idéologiques, à se présenter comme légèrement inconséquent, peut-être coupable de quelques excès de langage mais pour la cause, cause odieusement salie, par contre, par les salauds inquisiteurs qui reparlaient de cette “polémique” pas très centrale. Les excuses en rajoutaient dans l’ignominie.

Il y deux ans, Serge Quadruppani a estimé qu’il était temps de revenir même sur ces excuses qui n’en étaient pas, et de revendiquer de nouveau la très grande valeur de sa revue La Banquise, revue où il compara, avec ses amis, le tatouage des déportés au numéro de Sécurité Sociale et les camps d’extermination au supermarché. Finalement, le bilan était globalement positif.

Le site Lundi Matin a publié, ce 8 octobre 2018, un texte du même Serge Quadruppani, ” Berlin 1933 vu de la Méditerranée 2018″. Un texte qui parle de Raymond Aron, du génocide des Juifs par les nazis, sur ce ton paisible et semi-mondain de la controverse entre gens de bonne compagnie, en l’occurrence, avec un autre éditorialiste, Daniel Schneidermann.

A part dans une sphère politique bouffée jusqu’à l’os par l’antisémitisme, où pourrait-on imaginer qu’un militant honnête, qui se serait corrompu avec Robert Faurisson en connaissance de cause, mais aurait finalement eu des regrets et de la honte, puisse de nouveau et comme si de rien n’était, disserter sur la Shoah et les mauvaises analyses des autres ?

A part dans une sphère politique dévorée par sa perversité totale, où ce genre de publications par un collectif peut-il susciter autre chose que la rupture la plus définitive et la plus visible qui soit ?

Depuis des dizaines d’années, les pro-négationnistes de gauche tentent de maintenir l’existence de cette sphère là, de cet astre mort toujours renaissant, qui pourrit et salit sans fin les idées révolutionnaires et les mouvements sociaux. Les cycles s’enchainent et la litanie des monstres dont accouche notre camp : Rassinier, La Vieille Taupe, et Garaudy et Dieudonné…

Au fil des années, la même horreur se reproduit. Ce moment où de jeunes militantEs découvrent que leur camp, leurs belles idées, leurs rêves ont été contaminés par la peste brune, qu’eux même déjà sont éclaboussés.

Nous sommes quelques uns à avoir été stoppés dans notre élan, brisés et dévastés pour toujours, dans les années 90 et 2000, quand un jour, on nous a appris que Robert Faurisson avait bien un rapport avec nous, que nous avions manifesté à quelques pas des gens qui avaient travaillé avec lui. D’autres avant nous avaient vécu la même dévastation avec d’autres épisodes innommables de notre histoire.

Nous sommes quelques uns à avoir continué à croire quand même. La religion civile comme disent ces salauds, cette idée, il est vraie, un peu irrationnelle, que le combat pour la mémoire et l’histoire d’un génocide triompherait. Plus jamais ça, plus jamais les pro-négationnistes jamais repentis parmi nous.

Bien sûr nous avons échoué, ils sont toujours là. Mais de nouveau des voix se lèvent pour dégager la pourriture. Faire place nette, quitte à la créer ailleurs.

Bien sûr nous avons échoué, mais nous n’avons pas fini d’essayer. De ne jamais débattre, de trancher. De créer les espaces où nous apprendrons sans eux, à lutter contre l’antisémitisme, à connaître l’histoire du négationnisme, à forger nos armes contre la saloperie, même celle qui est malheureusement notre héritage et notre responsabilité collective.

Ne jamais débattre, trancher définitivement, pour qu’un jour des militantEs n’aient plus à assumer notre responsabilité. Pour qu’enfin le négationnisme de gauche appartienne seulement à l’histoire et au passé.

En attendant, que Lundi Matin et Eric Hazan continuent à se demander avec celui qui riait avec Faurisson, de quel côté du manche sont les Juifs. Aux questions antisémites, il n’y a que deux réponses, celle des antisémites, et puis le crachat dans la gueule.

En attendant, une trace parmi d’autres, un morceau du combat contre le passé qui ne passera pas, parce qu’on fera toujours front.