Après entre autres la baisse des APL et le durcissement des conditions de travail, Macron et son gouvernement mettent en place en ce moment une nouvelle loi, la loi ELAN. Il s’agit de déréguler le marché du logement, dans la plus belle veine des idées libérales. Le mot d’ordre est d’en finir avec toutes les barrières qui gênent encore un peu les propriétaires les plus riches de spéculer et de se faire du fric sur le dos des classes populaires.

Voici un condensé de ce qu’on trouve dans cette loi :

Criminalisation des squatteurs et squatteuses

Selon l’article 58 ter, squatteurs, locataires au noir, sous locataires non déclarés et tout habitant et habitante ne pouvant prouver qu’il est installé avec l’accord du propriétaire est passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende,
et d’une expulsion express sans jugement si le proprio porte plainte. La trêve hivernale est supprimée. S’agissant d’un délit continu (permanent), les occupants et occupantes actuels sont menacés, notamment les migrants et migrantes qui survivent depuis des années dans des squats après s’être faits virer des hébergements d’urgence. C’est aussi le cas de tout un tas de sans-abris qui ont réussi à s’abriter dans des maisons vides depuis des mois ou des années, et de toutes celles et ceux qui refusent de payer cette escroquerie légalisée qu’est le loyer.

Ce durcissement se faisait pourtant déjà poindre. A Paris par exemple, il y a un an déjà, un sans-papier écopait d’un an de prison ferme pour avoir tenté d’ouvrir un squat. Il était alors inculpé pour violation de domicile et tentative de cambriolage, bien qu’aucun objet n’ait disparu de l’aveu des proprios. La maison restera donc inoccupée pour nourrir la spéculation. 

L’INSEE comptabilise 9% de logements vides à Caen, soit près de 6000. Largement de quoi mettre un toit au-dessus de la tête de toutes les personnes à la rue. Mais l’Etat et le Capital ont depuis longtemps fait leur choix : peu importe que des gens soient à la rue, pourvue que quelques-uns et unes puissent faire fortune en faisant les poches des locataires et des petits propriétaires.

Davantage d’expulsions locatives

Il y a en France plus de 160.000 expulsions locatives chaque année. La loi ELAN se propose de les faciliter, et donc va en augmenter le nombre. Selon l’article 40 bis A, les délais de prévention de l’expulsion sont divisés par deux et passent à seulement un mois. Toujours plus de pauvres jetés dehors !

Baisse du nombre de logements sociaux

Les logements sociaux ne sont que des clapiers où l’on entasse les classes populaires. Mais c’est aussi le seul moyen de se loger pour des millions de gens… La loi ELAN va de fait en diminuer le nombre. Les villes doivent obligatoirement compter 25% de logements sociaux, bien que de très nombreuses villes préfèrent payer des amendes plutôt que de se conformer à cette règle. Selon l’article 46, les villes qui disposent entre 15 et 35% de logements sociaux pourront mutualiser dans le cadre de l’intercommunalité la production de HLM pour atteindre 25% en moyenne. En clair, on institue le fait que certaines villes peuvent concentrer les logements sociaux, pendant que d’autres à côté resteront le pré carré de la bourgeoisie.

La loi prévoit même que le taux de HLM des communes où un quart des habitants et habitantes sont sous le seuil de pauvreté pourra baisser à 20%. Plus il y a de pauvres, moins il y a de HLM pour les accueillir. Une façon comme une autre d’éradiquer la pauvreté…

Les logements sociaux pourront aussi être plus facilement vendus pour entrer dans le marché privé. A terme, c’est donc le parc de HLM qui va diminuer.

Favoriser le propriétaire face au locataire

Alors qu’il est toujours plus difficile d’obtenir un logement décent, de faire changer une fenêtre ou un chauffe-eau par son proprio, la loi ELAN favorise encore davantage le proprio face au locataire. L’article 53 prévoit ainsi le rétablissement des pénalités arbitraires en cas de retard de loyer, clause interdite par la loi ALUR de 2014. Des amendes pourront aussi être perçues par le proprio pour non-respect du contrat ou du règlement intérieur. Les frais de procédure seront facturés aux locataires. Si tu as déjà la tête sous l’eau, l’Etat garantit la noyade pour protéger les propriétaires, non pas celles et ceux qui s’endettent toute leur vie pour une baraque, mais celles et ceux qui s’engraissent en louant.

Le proprio pourra en plus louer des clapiers pour arrondir ses fins de mois déjà bien fournis. Un bail mobilité est mis en place, une sorte de bail au rabais d’une période de 1 à 10 mois dans lequel les critères de logements décents ne s’appliquent pas. Il est en outre confirmé que les sociétés lucratives peuvent louer à des résidents temporaires leurs espaces vacants, afin d’assurer le gardiennage et empêcher l’ouverture de squats, tout en touchant une petite rente avec les loyers des locataires.

Haro sur les handicapés

ce texte prévoit aussi de passer du 100% de logements neufs accessibles aux handicapés, prévu par la loi Handicap de 2005, à 10% de logements neufs accessibles. Pour le reste, les logements devront être « évolutifs », sans critères précis et sans savoir à la charge de qui se feront les travaux.

Guerre aux bailleurs !

Renforcer le droit des propriétaires, c’est-à-dire des plus riches, et s’attaquer aux plus pauvres est le sens de cette loi. Pourtant, toutes nos villes et nos villages sont le produit des générations précédentes et de nous-mêmes. Il devrait donc être impossible que quiconque s’accapare la moindre parcelle de cet ensemble. Il fût un temps où une partie non négligeable de la populace n’hésitait pas à crier « A bas la propriété ! » ou « Guerre aux propriétaires ! », et à mettre en actes ces belles idées. Il fût un temps où la volonté de rompre avec cette société injuste, dans laquelle la liberté se limite à choisir entre différentes marchandises futiles, était davantage vivante. Les grèves de loyer permettaient alors de cesser de remplir les poches des propriétaires, et l’expropriation était une arme révolutionnaire. Il fût un temps où on était encore nombreux et nombreuses à vouloir essayer de mettre en place ce principe : à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses capacités.  

C’est encore ce principe qu’on voit poindre dans quelques éclats de révolte ici et là, que ce soit à travers l’ouverture de squats, les regroupements de locataires pour empêcher une expulsion, l’entraide et la mise en commun de ressources et de savoir-faire, des sabotages qui s’attaquent à l’ordre existant incarné entre autres par les alarmes et caméras de vidéosurveillance, les marchands de sommeil, les bétonneurs ou les huissiers, les grèves, y compris la grève des loyers pour faire plier les propriétaires et faire durer le combat, les émeutes, et toutes les luttes sociales qui savent échapper aux politiciens et politiciennes de tout poil, de gauche comme de droite…