C’est l’histoire d’un arabe qui n’a pas envie de jouer au foot. Ben, oui, tous les arabes n’ont pas envie d’être programmés pour être des Zidanes. Alors le professeur de sport jure sous sa barbe et lance des propos racistes à son sujet : « De toute façon, ce n’est qu’un arabe »… Pour ce prof, rien d’étonnant. Ce genre de propos, il les balance comme des lettres à la poste. Pour l’administration du collège non plus, rien d’étonnant. À croire qu’on s’est habituéE aux habitudes douteuses du personnage. Parce qu’on ne fait qu’étouffer l’affaire depuis trop
longtemps. Ou bien parce qu’on y accorde peu d’importance. La violence subie par de tels propos, ça ne touche que les ‘autres’, ceux et celles qui ne sont pas tout à fait blancHEs. « Entendez bien, nous avons une réputation à défendre »… Et si cette loi du silence, cachait un racisme plus latent doublé d’une résignation? On pasteurise* son racisme comme on pasteurise son beur(re)… Et au final, plus rien ne nous étonne, pas même les bruits de botte dans les rues occupées par on ne sait quelle armée nazie.

Nous autres, individus non-blancHEs, on ne s’étonne plus non plus. La différence, c’est que, nous, cette situation nous révolte. Ce genre de propos, on en a trop croisé sur nos routes pour croire que la ‘république’ a fait un travail de deuil avec son ‘passé’ colonial et raciste. ‘Passé’ entre guillemets, parce que j’ai bien peur que ce passé ait du mal à passer. On ne s’étonne plus donc. On ne s’étonne plus parce que cela dure des siècles. Depuis que le système capitaliste s’est installé. Depuis le règne du fric et du profit avec son lot de dominations. À l’école on nous montre des cartes des 16e-20e siècles en se glorifiant : « Regardez la belle expansion de l’Europe ». Puis on oublie de mettre un lien entre ces cartes et les réalités sociales. Alors que expansion économique a souvent rimé avec expansion coloniale. Ce lien, ça a d’abord été l’esclavage. Puis les esclaves sont devenuEs les ‘travailleurEUSEs immigréEs’. Ah, ces ‘belles colonies’ qui offraient pour presque rien de la chair à patron (pourquoi je parle au passé?). Et ces millions de migrantEs qui ont pris le bâteau soi-disant de leur plein gré pour venir vider les poubelles de la bourgeoisie blanche. C’est sympa de nous avoir parquéEs dans des bidonvilles puis dans des cités-dortoirs à mourir d’ennui. Et merci de votre reconnaissance quand vous êtes plusieurs millions à voter (ou penser) FN.

On ne s’étonne plus. Parce qu’on a vu de quoi la police française était capable. On se souvient de la Saint-Barthélémy d’octobre 1961 (la police parisienne qui réprime une manifestation d’AlgérienNEs : plus de 200 ‘arabes’ massacréEs par la police dans la nuit du 17 octobre, et près de 15000 autres enferméEs dans des camps de concentration pendant plusieurs jours). C’est seulement 30 ans après que les langues commencent à se délier, timidement, parce que voyez-vous, les flics qui ont participé au massacre coulent en ce moment une retraite tranquille, alors n’allez pas perturber leur repos en leur rappelant des moments si ‘douloureux’. C’est du passé et pourtant, la police d’aujourd’hui n’a parfois rien à envier à la police de Papon : brimades et crimes racistes sont le lot quotidien. Allez savoir pourquoi quand on a la peau pas très blanche, on a plus de ‘chances’ de subir un contrôle d’identité et une fouille. Comme si on était prédestinéEs à être des suspectEs. Comprenez-nous, en ces temps de ‘terrorisme’… Sauf qu’ils avaient trouvé bien d’autres prétextes avant pour faire leur besogne.

On ne s’étonne plus… quand on voit qu’une loi, sous prétexte de défendre la ‘laïcité’, serre à exprimer une discrimination visuelle. On ne s’étonne plus quand on voit que la loi sur la ‘laïcité’ est en fait une loi qui interdit de porter un foulard sur la tête, parce que porter un foulard sur la tête, ça ne fait pas trop ‘françaisE’. Cette loi est le miroir du racisme d’une société qui accepte la ‘discrétion’ des croix chrétiennes et qui se fonde sur la reconnaissance d’un calendrier sacrément chrétien. Sans parler du sexisme que ça porte : c’est en excluant des filles (cette loi touche surtout des filles) des lieux publics qu’elles vont se
libérer!!! Belle logique. Et qui nous dit qu’une fille portant toutes les normes de beauté n’est pas plus soumise à une idéologie… C’est en tout cas oublier de poser le problème d’une société dominée dans son ensemble par des personnes avec un sexe mâle et des logiques de pouvoir.

On ne s’étonne plus… parce qu’on a vu en quoi consiste le débat sur l’adhésion de la Turquie à l’Europe. Parce qu’on a vu encore une fois comment la blanche Europe a du mal à se détacher de son héritage chrétien. On se croit parfois revenir au temps des ‘Croisades’. Pourtant, le Turquie veut ‘simplement’ faire comme tous les autres pays véreux de l’Union Européenne : prendre part au gâteau capitaliste, histoire de continuer à renforcer une poignée de puissants aux dépens du plus grand nombre de gens. Aller, en plus, la Turquie n’a rien à envier aux autres, parce qu’elle sait que des pays comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni sont souvent cités comme des pays qui pratiquent la torture**.

On ne s’étonne plus. Mais on ne l’acceptera pas… Et en disant tout cela, il ne s’agit pas de seulement accuser des personnes pour les accabler et ne trouver aucune issue. Comme le disait si bien Nolwenn L. : « Cessons la machine, posons-nous enfin, réfléchissons ensemble et agissons pour casser (avec) tout ce qui nous pourrit ».

Un rebeu athée et un peu anarchiste sur les bords
rhassul@no-log.org

Notes:
* De Louis Pasteur, qui donne parfois son nom à des collèges, comme à Mâcon par exemple… **Source : La lutte contre la torture en Europe, DEA Université Lille 2, 2000, http://xander.free.fr/torture.htm

N.B.: des formes ‘bizarres’ de grammaire sont apparues. Ce ne sont pas des fautes de frappe, mais juste le constat que la langue, à l’image de la société, donne le privilège au sexe ‘mâle’ aux dépens du sexe ‘femelle’. Or, nous sommes contre les privilèges…